Campus n°106

Campus

n°106 décembre 2011-janvier 2012
Dossier | Rousseau

Rousseau dans la mémoire du Monde

Les collections Rousseau de Genève et de Neuchâtel ont été inscrites en mai dernier au registre «Mémoire du monde». Une mesure qui devrait faciliter tant la restauration que l’accès du public à ces documents souvent uniques au monde

C’est le 26 mai dernier que Rousseau a fait son entrée officielle dans la «Mémoire du monde». Ce jour-là en effet, les collections Jean-Jacques Rousseau de Genève et de Neuchâtel ont été inscrites à ce prestigieux registre de l’Unesco, qui est l’équivalent documentaire du fameux «Patrimoine mondial de l’humanité». L’événement est de taille dans la mesure où c’est la première fois qu’un dossier présenté par la Suisse accède à ce registre dont la vocation est de valoriser la diffusion et la conservation de collections d’archives menacées ou exceptionnelles, quand ce n’est pas les deux à la fois. Pour les quatre institutions impliquées dans le projet*, la nouvelle tombe en tout cas à point nommé. A la veille des commémorations liées au tricentenaire de la mort du philosophe, ce coup de pouce bienvenu permettra non seulement de faciliter la conservation de ces documents parfois uniques au monde, mais également de les rendre accessibles à un plus large public.

«L’initiative du projet revient à Jean-Charles Giroud, le directeur de la Bibliothèque de Genève, explique François Jacob, qui porte la double casquette de conservateur de l’Institut Voltaire et de secrétaire général de la Société Jean-Jacques Rousseau. C’est lui qui a eu l’idée de réunir les fonds de Rousseau existant à Neuchâtel et à Genève afin de présenter à l’Unesco un dossier commun.»

Les documents concernés sont exceptionnels à plus d’un titre. En premier lieu, parce qu’ils représentent environ 75% du patrimoine rousseauiste connu aujourd’hui. D’autre part, parce qu’ils forment un ensemble d’une très grande cohérence dans la mesure où ils concernent pour leur immense majorité une période précise, celle des vingt dernières années de la vie de Rousseau.

On y trouve de très importants manuscrits (dont ceux des Rêveries du promeneur solitaire, d’Emile, des Confessions et des Dialogues), une collection iconographique unique au monde, des imprimés rarissimes, une multitude de lettres ainsi que de très nombreux ouvrages critiques sur l’œuvre de Rousseau. Du côté des arts plastiques, il faut encore y ajouter le masque mortuaire réalisé par Jean-Antoine Houdon sur le lit de mort de Rousseau.

Pour se faire une idée de la valeur marchande de cet ensemble, il faut savoir qu’en 2009, le brouillon de la lettre 19 de la troisième partie de la Nouvelle Héloïse a été vendu aux enchères pour une somme dépassant 200 000 euros.

«Le fait d’être inscrit au registre «Mémoire du monde» constitue pour nous une bouffée d’oxygène, explique François Jacob. Dans une collection d’une telle importance, il y a en effet toujours des zones d’urgence en matière de conservation. Des manuscrits vieux de deux siècles sont par définition fragiles, il faut donc des moyens importants pour les protéger. Les éditions originales nécessitent également des travaux de restauration réguliers, ce qui est également coûteux. Sans l’appui de l’Unesco, nous aurions évidemment traité ces problèmes, mais plus lentement.»

Le surcroît d’attention dont profitent les collections Rousseau grâce à l’Unesco devrait même permettre d’aller plus loin en procédant au catalogage et à la numérisation de l’ensemble des pièces. «C’est encore de la musique d’avenir mais la numérisation permettrait à la fois d’accéder aux documents par le biais d’un catalogue de bibliothèque tel que Rero, d’éviter de trop nombreuses manipulations et de faciliter l’accès à ce patrimoine depuis l’étranger, confirme François Jacob. Nous avons en effet de nombreuses demandes qui proviennent aussi bien de l’Amérique du Sud, où on est très fervent du Rousseau politique et du Rousseau botaniste, que du Japon, où l’on trouve aujourd’hui quelques-uns des plus grands spécialistes de l’œuvre musicale de Rousseau.»

Quant au public, il pourra découvrir un premier aperçu du contenu de ces collections au travers de plusieurs expositions prévues l’an prochain dans le cadre du programme 2012 Rousseau pour tous, dont François Jacob est coorganisateur. Pour que le soufflé ne retombe pas avec la fin des commémorations, une grande exposition thématique consacrée à Rousseau sera par ailleurs organisée tous les trois ans à partir de 2012 par la Bibliothèque de Genève et la Société Jean-Jacques Rousseau. A vos agendas.

* Pour Genève: la Bibliothèque de Genève et la Société Jean-Jacques Rousseau. Pour Neuchâtel: Bibliothèque publique et universitaire et l’Association Jean-Jacques Rousseau.

www.ville-ge.ch/culture/rousseau