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Malaria: la piste malienne
Optimiser un traitement à base de plantes utilisé contre la malaria au Mali: c’est l’objectif poursuivi par deux chercheurs de l’Ecole de pharmacie Genève-Lausanne. Un projet dont la réussite est suspendue à un retour du pays au calme
Depuis le coup d’état survenu au Mali le 22 mars dernier, Philippe Christen et Muriel Cuendet guettent le moindre signe d’apaisement du côté de Bamako. Soucieux du sort de la population locale, les deux chercheurs du groupe de Pharmacognosie de l’Ecole de pharmacie Genève-Lausanne sont également préoccupés par l’avenir d’un projet auquel ils ont consacré beaucoup d’énergie depuis un an. Leur objectif: évaluer et, si possible, optimiser un traitement traditionnel à base de plantes utilisé localement contre la malaria, tout en veillant à ce qu’il puisse continuer à être produit et distribué sur place.
«Un coup d’Etat est rarement bienvenu, mais celui-ci tombe au pire moment, explique Philippe Christen. Une série d’essais cliniques incluant des volontaires non porteurs de la maladie et des porteurs sains (qui ont le virus, mais chez qui la maladie n’est pas déclarée) avait en effet été programmée pour le début du mois d’avril. Après des mois de tractations, nous avions fini par obtenir l’accord de la Commission d’éthique du Mali. Et aujourd’hui, cette expérience qui aurait pu nous permettre de voir comment cette décoction est métabolisée par l’être humain est sérieusement remise en question.»
Une alternative bienvenue
C’est d’autant plus dommage que le projet, lancé à l’initiative de l’ONG Medicine for Malaria Venture et soutenu par la Direction du développement et de la coopération (DDC), le Malaria Training Center de l’Université de Bamako et l’Association Mali-Genève, répond à un intérêt évident. Dans un pays comme le Mali, où la malaria représente la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans, plus des trois quarts de la population recourent en effet à la médecine traditionnelle pour se soigner. Par ailleurs, compte tenu du prix des médicaments, la majorité des malades n’a pas accès aux produits pharmaceutiques. Enfin, compte tenu des problèmes de résistance qui commencent à apparaître avec certains traitements antipaludiques comme l’artémisinine, qui est l’un des médicaments actuels les plus efficaces contre le paludisme, toute nouvelle piste est évidemment la bienvenue.
En l’occurrence, le chemin suivi par les deux chercheurs a été ouvert par une thèse réalisée en 2009 au sein de leur laboratoire. Ce travail visait à identifier les molécules responsables de l’activité d’une plante – dont le nom est jalousement gardé secret afin d’éviter toute récupération commerciale – utilisée en décoction par les populations maliennes afin de traiter les cas de malaria simple, c’est-à-dire qui impliquent des fièvres et des tremblements, mais pas de pertes de connaissance.
«Ce travail a permis non seulement de montrer l’efficacité de ce traitement d’un point de vue clinique, avec une baisse de la parasitémie similaire à ce que l’on peut obtenir avec un traitement par médicament, mais également d’identifier trois molécules ayant une activité in vitro avérée, précise Muriel Cuendet. Ce qui reste notamment à comprendre, c’est si ces trois molécules sont indispensables à l’activité contre la malaria, si elles agissent en combinaison et si un autre élément présent dans la plante contribue à leur absorption.»
Dans un premier temps, l’équipe genevoise a pu établir que si les molécules responsables de l’activité antipaludique passent effectivement dans le sang, l’absorption est supérieure lorsque c’est le mélange qui est utilisé. A partir de là, Philippe Christen et Muriel Cuendet ont cherché à vérifier si la décoction se comporte de la même manière chez des individus sains que sur des individus porteurs de la malaria. Une interrogation que les essais prévus en avril auraient dû permettre de lever. Ce qui aurait pu ouvrir la porte à des essais sur les malades à proprement parler.
Développer une posologie
A défaut, les deux chercheurs genevois n’entendent pas rester les bras ballants. «Sur place, les guérisseurs n’utilisent pas de recette précise qu’il serait possible de traduire en grammes ou en millilitres, explique Philippe Christen. La proportion d’eau ou de plante présente dans la décoction peut donc varier d’un cas à l’autre, ce qui est susceptible de causer des problèmes de dosage. Afin d’y remédier, nous entendons travailler au développement d’une posologie grâce à laquelle les malades disposeraient toujours de la même quantité de principe actif.»
Le breuvage utilisé pas les Maliens étant en outre très amer et donc assez désagréable à ingurgiter – d’autant qu’il est en général prescrit à raison d’un litre par jour pendant deux semaines –, l’équipe genevoise envisage également de mettre au point des comprimés. «Nous avons déjà fait quelques tests préliminaires qui semblent concluants, explique Philippe Christen. En compressant des extraits de plantes, on peut arriver assez facilement à produire des comprimés de 15 millimètres de diamètre. Il suffirait ensuite de les enrober pour faire disparaître toute sensation d’amertume.» Histoire à suivre, donc.