Campus n°114

Campus

Dossier | Santé globales

Une arène pour redessiner les frontières de la médecine

Le Geneva Health Forum, dont la prochaine édition se tiendra en avril 2014, réunit professionnels de la santé, représentants d’ONG et décideurs politiques autour de thématiques dépassant aussi bien les frontières nationales que les territoires disciplinaires. Présentation

Depuis une trentaine d’années, le nombre d’acteurs impliqués dans la santé à l’échelle mondiale a littéralement explosé. En 2013, on recense ainsi 26 organisations onusiennes, 20 fonds globaux ou régionaux et 90 initiatives touchant au domaine de la santé globale, sans parler des groupes de pression, des représentants de la société civile ou du secteur privé. Les arènes où ces individus sont susceptibles de se rencontrer sont cependant encore rares. C’est le cas du Geneva Health Forum, une structure créée en 2005 à l’initiative de Bernard Gruson, ancien directeur des HUG, à l’occasion des 150 ans de l’hôpital cantonal.

Après avoir abordé des thématiques comme l’accès à la santé ou les maladies chroniques, la prochaine édition du Forum, qui s’est doté ce printemps d’une plateforme interactive entièrement rénovée (lire ci-dessous), est prévue en avril prochain. Elle sera consacrée au thème de l’intégration avec un accent particulier sur le développement durable et le rôle de la santé dans l’agenda post-2015.

Double ancrage « La spécificité du Geneva Health Forum est le double ancrage qu’il cultive depuis sa première édition, explique Slim Slama, médecin adjoint au Département de médecine humanitaire et internationale des HUG et responsable du programme scientifique de la manifestation. Né dans une ville où la concentration des expertises sur les questions de santé est exceptionnelle, compte tenu de la présence d’organisations internationales comme l’OMS, l’OMC ou l’ONU mais également d’ONG, d’associations professionnelles ou encore de partenariats publics privés, comme l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI), il a d’emblée été un espace interdisciplinaire. D’autre part, nous avons dès l’origine insisté sur la nécessité de développer les liens entre les pratiques cliniques locales et les normes internationales, domaines qui sont habituellement très éloignés l’un de l’autre. »

La recette, même si elle implique parfois des arbitrages délicats tant les rapports de force peuvent être tendus, a rapidement porté ses fruits. Depuis 2005, près de 1000 participants fréquentent ainsi chaque édition du Forum, où l’on peut croiser aussi bien des scientifiques, des acteurs de terrain, des responsables politiques que des dirigeants d’entreprise.

Démarche active « Notre responsabilité est d’offrir cet espace de dialogue, d’essayer de faire bouger les agendas, de susciter des discussions et de faire naître des collaborations entre des individus qui n’ont pas l’habitude de s’asseoir à la même table, poursuit Slim Slama. Personnellement, en tant que clinicien, je ne peux pas me satisfaire de traiter des gens malades, puis de les renvoyer dans un environnement sur lequel je n’ai pas d’implication. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de travailler uniquement sur les causes biologiques des maladies. Il faut rompre avec l’idée que la santé se réduit à la médecine. »

Des propos qui prennent tout leur sens lorsqu’on songe, par exemple, que les facteurs environnementaux constituent aujourd’hui le déterminant ayant le plus fort impact sur la santé des individus (entre 25 et 30 %).

Arène d’échange et de débats, le Forum permet aussi d’identifier de nouvelles problématiques, d’ouvrir de nouveaux champs de recherche et de développer des solutions ad hoc.

Comment faire, par exemple, pour assurer le traitement des maladies chroniques en temps de guerre, lorsque les médicaments manquent et que les infrastructures sont détruites comme c’est le cas actuellement en Syrie ?

« C’est un sujet sur lequel il n’existe ni guidelines de l’OMS ni stratégie du côté des humanitaires, explique Slim Slama. Le fait d’en discuter dans le cadre du Forum a permis de dresser la liste des manques et d’élaborer des pistes de recherche concrètes. Du coup, je me suis retrouvé ce printemps au Liban afin d’élaborer des marches à suivre cliniques pour la prise en charge du diabète en situation d’urgence humanitaire. »

le chaînon manquant

Depuis ce printemps, le Global Health Forum peut s’appuyer sur un site Web entièrement repensé. Conçu comme une plateforme collaborative, ce nouvel outil permet aux personnels de la santé ainsi qu’à tout autre acteur intéressé par le sujet de se rencontrer virtuellement. Plus flexible que le site précédant, il permet d’héberger une multitude d’autres sites et offre un espace communautaire proposant des centaines de vidéos, 1000 abstract d’articles scientifiques et 400 présentations de type « Power Point ».

Afin d’être accessible aisément, l’ensemble de la matière a été regroupé au sein de 13 thématiques principales recouvrant tous les sujets abordés dans le cadre du Geneva Health Forum depuis sa création en 2005.

L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, de garder le contact avec les personnes actives sur le terrain ou les membres de la communauté qui n’ont pas suivi toutes les éditions du Forum et, de l’autre, de disposer d’une vue globale de ce qui se passe dans le monde sur les sujets abordés lors des précédentes éditions.

« Durant tout le XXe siècle, les disciplines se sont spécialisées, explique Didier Wernli, collaborateur scientifique au Département de médecine communautaire (Faculté de médecine) et concepteur du projet. Aujourd’hui, nous en sommes arrivés à un stade où nous avons besoin de gens capables d’intégrer ces connaissances. Faute de quoi, nous allons nous retrouver de plus en plus souvent face à des situations absurdes, avec des développements dans un domaine qui perdent leur sens lorsqu’on regarde la problématique sous un angle plus large. »

http://ghf.globalhealthforum.net/