Campus n°90

Dossier/imagerie médicale

Bienvenue dans la cinquième dimension!

Au cours de ces trente dernières années, l’imagerie médicale a fait des progrès considérables. Les images en trois dimensions sont devenues monnaie courante. Les radiologues y ont ajouté une quatrième (le temps) et même une cinquième (le métabolisme). En attendant la sixième?

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«La première technique d’imagerie médicale qui est apparue est la radiographie aux rayons X à la fin du XIXe siècle, rappelle Osman Ratib, professeur au Département de radiologie. Elle a commencé par produire des images en deux dimensions de l’intérieur du corps humain. Une source irradie le sujet et une plaque sensible placée à l’arrière capte les rayons qui le traversent. Cette technique s’est progressivement améliorée, permettant d’une part de réduire les doses de rayonnement reçues par le patient et de l’autre d’améliorer la qualité de l’image. Dès les années 1970, on a fait tourner les émetteurs de rayons X et les détecteurs autour du sujet afin de le visualiser par tranches successives, comme un saucisson. Ces coupes sont devenues de plus en plus fines et nombreuses. Grâce au développement informatique, on a commencé à en tirer des images en trois dimensions.»

Filmer aux rayons X

De tels clichés de l’anatomie en volume sont désormais monnaie courante pour les radiologues. Le rendu des os, des organes et des vaisseaux est devenu très fin, avec des textures et des ombres particulièrement travaillées. Plus récemment est apparue la quatrième dimension. Le perfectionnement des scanners aux rayons X (ou CT-scan pour Computed Tomography Scan) a permis l’acquisition, de plus en plus rapide, de plusieurs séries de coupes successives. Du coup, les radiologues se sont mis à «filmer» les mouvements du cœur ou le passage de certains fluides, opaques aux rayons X, dans les artères ou les veines, le tout toujours en trois dimensions.

Parallèlement s’est développée dès la fin des années 1970 une autre technique d’imagerie, la tomographie par émission de positrons (TEP ou PET en anglais). Moins précise dans la résolution spatiale, elle permet en revanche de détecter la concentration ou le trajet de molécules préalablement marquées par un atome radioactif. Si cette molécule est du glucose, par exemple, cela revient à mesurer l’activité métabolique des différentes parties du corps.

«Ma marotte est actuellement la cinquième dimension, poursuit Osman Ratib. Depuis 2001 environ, il existe en effet des scanners qui contiennent à la fois un CT-scan et un PET-scan capables de fonctionner simultanément. Nous pouvons ainsi acquérir des images en trois dimensions, qui évoluent dans le temps (quatrième dimension) et sur lesquelles on peut mesurer le métabolisme (cinquième dimension). Un PET-CT-scan permet donc de détecter un cœur qui souffre d’une ischémie, un muscle en apparence sain, mais dont le métabolisme est déréglé ou encore un cerveau qui présente les premiers signes de la maladie d’Alzheimer.»

Une troisième technique d’imagerie très puissante s’est également développée ces dernières décennies: l’IRM (imagerie par résonance magnétique). Son avantage principal est de pouvoir détecter et visualiser facilement les tissus mous. Le CT-scan, par exemple, ne fait pas de différence entre un vaisseau sanguin et un muscle. Pour les distinguer, il faut injecter un produit opaque aux rayons X, une opération invasive que les médecins cherchent à éviter au maximum. Aux yeux de l’IRM, en revanche, ces deux tissus sont très dissemblables.

Tout comme le CT-scan, l’IRM peut fournir des images en trois ou quatre dimensions. Une des applications les plus fréquentes est l’étude de l’activité du cerveau (lire en page 20). Les radiologues attendent néanmoins avec impatience la commercialisation de la première machine alliant l’IRM et le PET. Cela représenterait une autre façon d’explorer la cinquième dimension. Ce n’est d’ailleurs qu’une question de temps puisque cinq prototypes existent déjà. Du coup, les spécialistes se mettent à rêver d’un scanner couteau-suisse contenant à la fois un IRM, un PET et un CT-scan.Du coup, les spécialistes se mettent à rêver d’un scanner couteau-suisse contenant à la fois un IRM, un PET et un CT-scan.

Ces progrès technologiques représentent-ils un bienfait pour la médecine ou ne sont-ils qu’un jouet dans les mains des radiologues? «Il est difficile de démontrer que les avancées dans l’imagerie améliorent les performances de la médecine, admet Osman Ratib. L’avantage ne réside pas forcément dans la détection d’une maladie, mais plutôt dans la confiance accrue du médecin ou du chirurgien qui reçoit l’information. Ce dernier se sentira plus à l’aise pour traiter ou intervenir s’il a pu visualiser le problème en plus d’avoir lu un rapport du radiologue. Dans ce sens, la performance du médecin peut s’améliorer. Par ailleurs, la médecine en général évolue vers une discipline dans laquelle l’image prend de plus en plus de place. D’une branche très empirique, dépendante du seul savoir-faire et de l’expérience des praticiens, elle se base de plus en plus sur des preuves tangibles que seules les images peuvent fournir.»

Moins d’autopsies

La première conséquence du développement prodigieux des scanners est la diminution importante du nombre d’autopsies – hors médecine légale. L’imagerie médicale permet en effet de détecter la plupart des problèmes avant la mort. A tel point qu’il n’est généralement plus nécessaire d’ouvrir le corps après le décès pour vérifier si le diagnostic était effectivement le bon ou pour découvrir ce que l’on aurait manqué.

«L’imagerie médicale a un potentiel incontournable dans la médecine du futur, estime Osman Ratib. Si nous parvenons à identifier des molécules spécifiques à un type de maladie (cancer ou autre) ainsi qu’à chaque patient pris individuellement, nous pourrions idéalement poser des diagnostics extrêmement précis. Seulement, il nous manque les molécules en question – bien que la recherche avance très vite dans ce domaine. Par ailleurs, marquer ces substances avec des produits radioactifs sans les rendre toxiques demande encore beaucoup de temps. Un autre espoir est de pouvoir suivre le cheminement des médicaments dans l’organisme. Par exemple pour vérifier où va se loger la chimiothérapie que l’on prépare pour un patient atteint du cancer. On lui injecterait de petites doses du traitement préalablement marqué et, si l’imagerie démontre que le produit ne se concentre pas au bon endroit et risque d’endommager des tissus sains, on peut changer de stratégie. C’est un premier pas vers des traitements plus personnalisés.»

 

Le CIBM, fleuron mondial de l’imagerie médicale

Inauguré officiellement le 4 juin 2007, mais actif depuis 2004, le Centre d’imagerie biomédicale (CIBM) constitue une boîte à outils de pointe pour les chercheurs de la région lémanique.

Résultant d’une collaboration unique entre les Universités de Genève (UNIGE)et de Lausanne (UNIL), l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et les Hôpitaux universitaires genevois (HUG), le projet est soutenu par la Fondation Louis-Jeantet, la Fondation Leenaards et la Conférence universitaire suisse. Il ambitionne de s’imposer comme l’un des cinq principaux centres d’imagerie médicale au monde.

Son champ d’activité s’étend de la recherche fondamentale sur des modèles animaux au traitement des patients, avec un accent particulier sur l’étude du cerveau, les maladies métaboliques (comme le diabète, par exemple), et l’oncologie.

Situé sur le campus de l’EPFL, le CIBM combine les techniques d’électroencéphalographie (EEG), de tomographie par émission de positons (PET) et d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Le Centre possède notamment un IRM de 7 teslas développé pour des tests sur des sujets humains volontaires.

Il héberge également un aimant de 14 teslas dévolu exclusivement aux expérimentations animales. Ce dispositif, abrité par une cage en acier de 85 tonnes destinée à isoler son champ magnétique, est le plus puissant de la planète dans ce domaine de recherche.

Les HUG et le CHUV disposent, quant à eux, chacun d’un IRM d’une puissance de trois teslas. Identiques, les deux appareils permettent des diagnostics à distance et facilitent le partage de résultats scientifiques.

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