Campus n°92

A lire

Gouverner la solidarité 

Comment sont nées les lois sur l’assistance publique? Sur quelles conceptions de la solidarité ont-elles été fondées? Comment ont-elles évolué? Autant de questions auxquelles s’efforce de répondre cet ouvrage collectif basé sur l’analyse de débats parlementaires, de décisions de justice, d’articles de presse, ainsi que sur une série d’entretiens. La première partie du livre met en évidence quatre moments clés dans l’histoire de l’assistance publique en Suisse. Le premier (1888-1889) correspond à la mise en place des législations cantonales. Il s’agit alors de définir qui a droit à quoi. La crise qui sévit dans le pays au lendemain du premier conflit mondial oblige toutefois à repenser le dispositif et notamment à différencier le chômage de l’assistance proprement dite. C’est le temps de l’adaptation (1908-1940). La fin de la Seconde Guerre mondiale marque un nouveau tournant. Traversant une période de haute conjoncture, le pays s’interroge alors à la fois sur la nécessité de préserver ce qui est considéré comme le dernier filet du système et sur la capacité de ce dernier à résoudre les problèmes liés à «l’inadaptation sociale». Le premier choc pétrolier balaie cependant ces débats. Avec la montée du chômage et des inégalités, la pauvreté s’impose comme une réalité durable pour une frange non négligeable de la population. Une évolution qui se traduit notamment par la reconnaissance, en 1995, du droit à l’assistance publique dans la législation nationale. Portant sur la période actuelle, la seconde partie du texte donne la parole à des acteurs et à des bénéficiaires du système social. Ce complément bienvenu permet de mieux comprendre comment les lois sur l’assistance publique sont appliquées, mais aussi ressenties. VM

«Temps d’assistance. Le gouvernement des pauvres en Suisse romande depuis la fin du XIXe siècle», par Jean-Pierre Tabin, Arnaud Frauenfelder, Carola Togni, Véréna Keller, éditions Antipodes, 327 p.

Comprendre la Chine

Pour la plupart des Occidentaux, la Chine est un mystère. Un monde dont on ne comprend ni les codes ni les usages, et dont l’image se réduit trop souvent aux quelques bribes d’informations relayées par les médias. En cette année olympique, le professeur Nicolas Zufferey, responsable de l’Unité des études chinoises de la Faculté des lettres, invite le lecteur à dépasser ses préjugés pour découvrir la complexité d’une tradition souvent méconnue et la richesse d’une pensée orientée avant tout vers la résolution pratique des problèmes sociaux. La Chine, rappelle d’emblée l’auteur, est le berceau de «l’une des civilisations les plus brillantes de l’histoire de l’humanité et de la culture la plus ancienne de toutes celles qui subsistent de nos jours». Négliger le poids de cette tradition millénaire, c’est oublier que, dans de nombreux domaines, la Chine a créé des concepts et développé des pratiques qui tranchent radicalement avec ce que l’Europe a considéré pendant des siècles comme la seule norme possible. C’est bien connu pour la médecine, mais c’est également vrai du rapport entre hommes et femmes, de la relation au sacré ou de l’écologie. Fondamentalement autre, la pensée chinoise n’est cependant pas réservée à des initiés. Et, à condition d’éviter la tentation de l’«appropriation paresseuse» comme celle de l’«exotisme superficiel», l’essentiel des concepts et autres extraits de textes présentés dans ce livre se veulent accessibles à un très large public. VM

«Introduction à la pensée chinoise», par Nicolas Zufferey, éd Marabout, 287 p.

Pourquoi mourir?mourir?

Le vieillissement est-il le fait de la sélection naturelle? N’est-il que la conséquence secondaire d’une adaptation? Ou représente-t-il une adaptation au service de la reproduction? C’est à ce genre de questions que s’attaque Jean-David Ponci dans son livre La Biologie du vieillissement, une fenêtre sur la science et sur la société, qui reprend le contenu de la thèse en philosophie qu’il a soutenue en 2005. Après avoir établi un état des lieux des connaissances accumulées ces dernières années sur la biologie du vieillissement et décrit les différents types de sénescences que la nature a développés (certaines plantes vivaces ou bactéries, par exemple, ne vieillissent pratiquement pas alors que d’autres le font de manière accélérée), le chercheur énumère et critique les diverses théories en vogue tentant d’expliquer le sens de ce processus marquant la fin de la vie. A la vision adaptive, rejetée par la majorité des biologistes, s’oppose l’approche anti-adaptive, largement acceptée, selon laquelle le vieillissement est un défaut de fonctionnement apparu au hasard des mutations génétiques. Celui-ci se manifeste tardivement, alors que les individus se sont déjà reproduits et échappe ainsi au couperet de la sélection naturelle. Jean-David Ponci s’étonne pourtant que tant de scientifiques aient choisi cette voie, alors qu’objectivement le raisonnement qui la sous-tend comporte des faiblesses qu’il énumère dans un de ses chapitres. Il explique cette tendance par les biais dont souffre la science du vieillissement, grandement dus aux certitudes, rêves et craintes des chercheurs eux-mêmes face à la vieillesse.

Anton Vos

«La biologie du vieillissement, une fenêtre sur la science et sur la société», par Jean-David Ponci, éd L’Harmattan, Paris 2008, 288 p.