2018

La dopamine, élément clé de l’addiction à l’héroïne

Des chercheurs de l’UNIGE ont décrypté le rôle déterminant de la dopamine dans les mécanismes d’addiction à l’héroïne, ouvrant aussi la voie à des traitements et des médicaments analgésiques non addictifs.

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Photo illustrant des neurones dopaminergiques (en rouge). En vert, ce sont des neurones dopaminergiques qui ont été activés par l’héroïne. En bleu, un marquage des noyaux des cellules. © UNIGE

L’addiction désigne l’envie répétée et irrépressible de faire ou de consommer quelque chose, malgré ses effets délétères. Celle-ci apparaît lorsqu’une substance ou un comportement crée des effets considérés comme positifs par les individus concernés, comme le plaisir ou la récompense, qui renforcent alors les comportements répétitifs. Mais, dans le cerveau, que se passe-t-il ? En comprenant les processus cérébraux à l’œuvre qui mènent aux puissants effets addictifs de l’héroïne, les scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) permettent de mieux comprendre ce phénomène. Leurs résultats, à découvrir dans la revue eLife, ouvrent de nouvelles perspectives dans le domaine de la prévention et des traitements de la toxicomanie, mais aussi dans le développement de médicaments analgésiques non addictifs.

Dans le cerveau, les mécanismes d’addiction naissent dans le système de la récompense, un ensemble de réseaux neuronaux incluant des neurones dopaminergiques dont le rôle principal est d’associer certains comportements indispensables à la survie des individus – liens affectifs, apprentissage ou encore motivation à accomplir quelque chose – à une satisfaction. Si ce mécanisme cérébral est essentiel chez tous les mammifères, il a aussi une face plus sombre : l’addiction. Celle-ci est un dysfonctionnement de ce système, où le plaisir engendré par une substance ou une action prend le pas sur toute autre motivation. Et parmi les addictions, celle à l’héroïne et aux autre opiacés apparaît comme particulièrement rapide et puissante.

«Si le rôle du système de la récompense dans l’addiction aux opiacés commence maintenant à être bien connu, la fonction exacte des cellules qui le compose restait assez obscure», indique Michaël Loureiro, post-doctorant au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE et auteur de cette étude. Qu’en est-il alors des neurones dopaminergiques dans le cas précis des opiacés ? « Pour le savoir, nous avons utilisé des outils génétiques avancés – l’optogénétique – qui permettent de manipuler et observer sélectivement des groupes distincts de neurones», poursuit le neuroscientifique.


Un effet direct et très rapide de la dopamine

Dans un premier temps, les chercheurs, sous la direction de Christian Lüscher, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE, ont utilisé dans le modèle murin un capteur fluorescent permettant de mesurer les niveaux de dopamine dans le noyau accumbens– une zone du cerveau impliquée directement dans le comportement de la récompense. Moins d’une minute après l’administration d’héroïne, ils ont observé un pic de fluorescence représentant une augmentation significative de la dopamine. Les neuroscientifiques ont ensuite enregistré l’activité des neurones dopaminergiques des souris et ont constaté que ceux-ci étaient activés après l’administration répétée d’héroïne, confirmant ainsi le schéma de libération de dopamine précédemment observé.

Ayant établi le rôle de la dopamine, les scientifiques ont ensuite cartographié les signaux neuronaux qu’elle déclenche, grâce à deux «traceurs» qui se déplacent vers des régions distinctes du cerveau. Après l’administration d’héroïne, la plupart des neurones dopaminergiques activés envoient des signaux dans l’enveloppe interne du noyau accumbens, donc au cœur du système de la récompense. «L’activation des neurones dopaminergiques dans le noyau accumbens est donc nécessaire à l’installation précoces d’une addiction aux opioïdes», souligne le Dr Loureiro.


Des traitements plus efficaces, mais aussi des analgésiques moins addictifs

En comprenant en détails les mécanismes cérébraux  qui sous-tendent le renforcement des opioïdes et en confirmant le rôle essentiel joué par les neurones dopaminergiques, les scientifiques de l’UNIGE proposent une nouvelle perspective qui permettra d’affiner les traitements de l’addiction. «Notre étude jette également les bases du développement de médicaments antidouleur qui seraient efficaces, tout en n’ayant pas le terrible pouvoir addictif des opioïdes largement utilisés de nos jours», conclut Christian Lüscher.

2 nov. 2018

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