2024

Des planètes-océans clés d’une énigme sur les exoplanètes

Les exoplanètes dont le rayon équivaut à deux fois celui de la Terre sont rares. Une équipe du MPIA, de l’UNIGE et de  l’UNIBE apporte de nouveaux éléments d’explication.

 

Au fur et à mesure que les planètes-océans glacées et riches en eau migrent vers leur étoile, la glace fond et finit par former une épaisse atmosphère de vapeur d’eau, qui augmente leur rayon. © Thomas Müller / MPIA


Pourquoi détecte-t-on si peu d’exoplanètes d’environ deux fois la taille de la Terre? Sur la base de simulations informatiques, une équipe de l’Institut Max-Planck d’astronomie (MPIA)  et des universités de Genève (UNIGE) et Berne (UNIBE) révèle que la migration de planètes subneptuniennes glacées - des planètes-océans – pourrait expliquer cette absence. À mesure que ces planètes se rapprochent de leur étoile centrale, la glace d’eau qui s’évapore forme une atmosphère qui les fait apparaître plus grandes qu’à l’état gelé, bien au-delà d’un double rayon terrestre. Simultanément, des petites planètes rocheuses, plus grandes que la Terre, perdent progressivement une partie de leur enveloppe gazeuse d’origine, ce qui entraîne une diminution importante de leur rayon. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude des exoplanètes. Ils sont à découvrir dans Nature Astronomy.


En 2017, le télescope spatial Kepler a révélé l’absence de planètes ayant une taille d’environ deux rayons terrestres. Ce «vide» dans la distribution des rayons des planètes est appelé «rift subneptunien». «Son existence est l’une des contraintes observationnelles les plus importantes pour comprendre l’origine et la composition des exoplanètes dont le rayon est compris entre celui de la Terre et celui de Neptune», explique Julia Venturini, boursière Ambizione du FNS, collaboratrice scientifique au Département d’astronomie de l’UNIGE, membre du PRN PlanetS et coauteure de l’étude. «Comme d’autres groupes de recherche, nous avions prédit sur la base de nos calculs, avant même les observations de 2017, qu’un tel rift devait exister», ajoute Christoph Mordasini, professeur à la division de recherche spatiale et sciences planétaires (WP) de l’UNIBE, membre du PRN PlanetS et coauteur de l’étude.


D’où vient le rift subneptunien?

Deux types d’exoplanètes peuplent l’intervalle de rayon entre un et quatre rayons terrestres. D’une part, des planètes rocheuses - des  «super-Terres» – plus grandes que la Terre. D’autre part, des planètes gazeuses appelées planètes subneptuniennes (ou mini-Neptunes) dont certaines, les planètes-océans, pourraient abriter une quantité d’eau si importante que leur surface serait recouverte d’un océan glacé de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur. Parmi ces deux types de planètes, les super-Terres et les Subneptuniennes, les astronomes en découvrent très peu avec un rayon de deux fois
celui de la Terre.


Pour expliquer l’apparition de ce « rift », le mécanisme le plus souvent suggéré est que les planètes perdent une partie de leur atmosphère d’origine sous l’effet de l’irradiation de l’étoile. «Cette explication suppose que les planètes se forment et restent très proches de leur étoile, où elles seraient sèches, sans eau», précise Julia Venturini. «Cependant, cette explication contredit les modèles de formation, qui montrent que les planètes d’une taille comprise entre deux et quatre rayons terrestres, les planètes-océans, proviennent généralement des régions glacées les plus éloignées du système stellaire».


De nombreux indices suggèrent donc que certaines planètes pourraient s’éloigner de leur lieu de naissance au cours de leur évolution, en migrant vers l’intérieur ou vers l’extérieur de leur système. Cette migration permettrait aux planètes nées dans des régions froides et glacées, comme les planètes-océans, de terminer leur formation sur des orbites très proches de leur étoile.


Planètes-océans errantes

Au fur et à mesure que les planètes-océans glacées et riches en eau migrent vers leur étoile, la glace fond et finit par former une épaisse atmosphère de vapeur d’eau. Ce processus entraîne une augmentation de leur rayon vers des valeurs légèrement plus élevées, au-delà d’un double rayon terrestre. Inversement, les super-Terres, pauvres en eau, «rétrécissent» en perdant les gaz volatils de leur atmosphère d’origine, tels que l’hydrogène et l’hélium, sous l’influence de l’étoile.


Les modèles informatiques combinés de formation et d’évolution indiquent ainsi que la migration des planètes-océans contribue de manière significative au grand nombre de planètes détectées avec un rayon plus grand que deux rayons terrestres alors que l’évaporation atmosphérique des super-Terres contribue au surnombre des planètes plus petites que deux rayons terrestres. Au centre de ces deux populations se trouve le rift subneptunien. «Nous avions déjà obtenu ce résultat en 2020. La nouvelle étude le confirme avec un modèle de formation différent. Cela renforce la conclusion selon laquelle les planètes subneptuniennes sont principalement des mondes d’eau». précise Julia Venturini, qui a aussi dirigé l’étude de 2020.


D’autres travaux à venir

En plus d’expliquer un phénomène jusque-là mystérieux, ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude des exoplanètes. «Si nous étendions nos résultats à des régions plus tempérées, où l’eau est liquide, cela pourrait suggérer l’existence de mondes aquatiques dotés d’océans liquides profonds», explique Christoph Mordasini. «De telles planètes pourraient potentiellement abriter la vie et constitueraient des cibles relativement simples pour la recherche de biomarqueurs en raison de leur taille».


Des observations avec des télescopes comme le James Webb Space Telescope ou l’Extremely Large Telescope, en cours de construction, pourraient également être utiles. Elles permettraient de déterminer la composition atmosphériques des planètes en fonction de leur taille, ce qui permettrait de tester les simulations décrites.

9 févr. 2024

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