Campus n°142

Conflits de couples : la médiation agit sur le cerveau

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La médiation par un tiers a des effets positifs sur l’issue d’une dispute au sein d’un couple et laisse des traces dans le cerveau, comme en témoigne l’activité accrue de régions clés appartenant au circuit de la récompense.

Lors d’un conflit de couple, la médiation par un tiers améliore l’issue de la confrontation. Mais ce n’est pas tout. Elle est également associée à une activité accrue dans des régions clés du cerveau appartenant au circuit de la récompense. C’est ce qui ressort d’une étude parue dans la revue Cortex et dirigée par Olga Klimecki, chercheuse au Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA) et à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. L’expérience a consisté à soumettre des couples à des questionnaires comportementaux et à de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avant et après une séance durant laquelle les deux partenaires se disputent. Les couples ayant bénéficié d’une médiation active rapportent une plus grande satisfaction que les autres à l’issue du conflit. On a identifié chez ces mêmes personnes une plus grande activation dans le « noyau accumbens », une région clé du circuit de la récompense. C’est la première fois qu’une étude contrôlée et randomisée parvient à démontrer les avantages d’une médiation dans le cas de conflits de couples et à en identifier une signature biologique.
« On sait par de nombreuses études que le fait de penser à l’amour romantique et à son partenaire active dans le cerveau le circuit dit de la récompense, qui est associé au sentiment de plaisir et de motivation, explique Olga Klimecki. Cependant, on ignorait jusqu’à présent l’impact que pouvaient avoir un conflit de couple ainsi que la médiation par un tiers sur cette activation. C’est précisément pour combler cette lacune que nous avons imaginé notre étude. »
Pour mener leur expérience, les chercheuses ont enrôlé 36 couples hétérosexuels (pour des raisons de statistiques et de comparaison avec des études antérieures), monogames (selon les dires des couples eux-mêmes) et ensemble depuis au moins un an. Avant de se rendre dans les locaux de l’UNIGE, les participant-es ont dû cocher, parmi une liste de 15 sujets standards (beaux-parents, sexualité, finances, tâches ménagères, temps passé ensemble, etc.), ceux qui alimentent le plus souvent des conflits avec leur partenaire.

Sujets conflictuels

« Nous avons ensuite invité les couples à lancer une discussion sur un de ces thèmes, précise Halima Rafi, doctorante à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation et première auteure de l’article. Certains en ont choisi un coché par les deux partenaires. D’autres ont préféré partir sur un sujet considéré comme conflictuel par l’un mais pas par l’autre. Ça marche tout aussi bien, voire mieux. En général, les dix premières minutes sont un peu embarrassantes pour tout le monde. Mais ensuite le naturel revient et les couples oublient qu’ils sont dans un environnement expérimental. Et leurs échanges débouchent immanquablement sur un conflit. »
La séance, qui dure une heure, est suivie par un médiateur ou une médiatrice professionnel-le qui, dans la moitié des cas, intervient dans la dispute. Avant et après le conflit, les participant-es remplissent un questionnaire comportemental visant à mesurer leur état affectif avant de passer dans un appareil de neuro-imagerie qui mesure l’activité de leur cerveau lorsqu’ils sont confrontés aux images de leur partenaire ou à celles d’une personne inconnue.

Désactivation générale

Les données provenant des questionnaires indiquent que les couples ayant bénéficié de la médiation active sont plus aptes à résoudre les conflits, plus satisfaits du contenu et du déroulement de la discussion et ont moins de désaccords résiduels.
« Les mesures de neuro-imagerie effectuées avant le conflit reproduisent des études précédentes sur l’amour romantique, montrant un schéma d’activation dans des régions du cerveau comme le striatum et le cortex orbitofrontal, poursuit Halima Rafi. Après le conflit, nous avons observé assez logiquement une désactivation générale chez les deux groupes dans les régions associées à l’amour romantique, y compris le striatum. »
En revanche, en comparant les couples ayant bénéficié d’une médiation active avec ceux qui en ont été privés, les chercheuses ont découvert que les premiers ont tendance à avoir, après le conflit, une plus grande activation dans le noyau accumbens, qui est une région clé dans le circuit de la récompense du cerveau. Par ailleurs, les participant-es qui se sentent le plus satisfait-es après la résolution du conflit sont aussi celles et ceux chez qui l’activation du noyau accumbens est la plus importante lorsqu’ils contemplent leur partenaire romantique par rapport à une personne inconnue.
« Nos résultats suggèrent, pour la première fois, que la médiation par un tiers a un impact significatif et positif sur la façon dont les couples gèrent leurs disputes, et ce, tant au niveau comportemental que neuronal, conclut Olga Klimecki. Cette signature biologique de l’amour romantique est très intéressante car elle ne peut pas être manipulée comme pourrait l’être une réponse à un questionnaire. Nous aimerions maintenant déterminer si l’on peut mesurer des effets similaires dans des conflits d’une autre nature et ne concernant pas forcément l’amour. »


Anton Vos