2005

La Section de chimie investit dans la communication

La chimie est l'un des domaines où la Suisse excelle. Six prix Nobel ont été attribués à des chercheurs helvétiques dans cette discipline, un résultat par habitant nettement supérieur à celui des Etats-Unis. La chimie reste par ailleurs l'un des piliers de l'économie nationale. Malgré ces atouts, la discipline souffre d'un déficit d'image. C'est du moins la raison la plus plausible pour expliquer la baisse régulière des inscriptions des étudiants ces dernières années. Le phénomène n'est de loin pas limité à Genève. Des professeurs de chimie au Royaume-Uni ont récemment alerté leur gouvernement sur la baisse des effectifs(1) et la chimie française ne recueille que 31% d'opinions positives au sein de la population(2).

Soucieuse de corriger cette image, à l'heure où la Confédération parle de regrouper des enseignements au niveau national, la Section de chimie de l'Université de Genève, l'une des mieux cotées en Suisse, a créé un nouveau poste dédié à la communication, avant tout à l'adresse des étudiants.

Docteur en chimie et muni d'une solide expérience en communication scientifique, Didier Perret occupe ce nouveau poste depuis la rentrée 2004. Plein d'idées, il s'est attelé à la tâche avec enthousiasme et a déjà obtenu des résultats, notamment auprès des collégiens invités, en février dernier, à visiter les laboratoires de la Section, une opération qui a remporté un franc succès.

Question d'étiquette
"Lorsque la plupart des gens entendent le mot 'chimie', ils pensent pollution. La connotation est très négative. Ils ignorent généralement que les chimistes se consacrent aussi à trouver des solutions à des problèmes environnementaux et qu'ils jouent un rôle de premier plan pour améliorer nos conditions de vie", observe Didier Perret.

Comment corriger le tir? Problème d'étiquette, tout d'abord, Didier Perret en est convaincu. "En médecine, on parlait de scanner à résonance magnétique nucléaire, jusqu'à ce que l'on s'aperçoive que le mot 'nucléaire' faisait peur aux gens. On se contente donc aujourd'hui de parler d'imagerie par résonance magnétique tout court, même si rien n'a changé dans la technologie." A chaque fois qu'il en a l'occasion, Didier Perret suggère donc le terme de "sciences moléculaires" pour parler de la chimie.

Sur le fond, plusieurs axes de travail ont été définis avec le président de la Section, le professeur Peter Kündig. A l'adresse des étudiants, tout d'abord, il s'agit de mettre en évidence la large palette de compétences offertes par les études en chimie. Celles-ci ouvrent de nombreuses portes sur le marché du travail, notamment dans le domaine de l'environnement. C'est ainsi que les chimistes développent de nouveaux types de catalyseurs pour l'industrie. Ils sont également compétents dans le domaine de la gestion des déchets. L'actuel responsable de ce secteur à Genève est d'ailleurs un chimiste issu de l'UniGe. Ils interviennent encore pour définir les risques alimentaires de demain ou lors de l'établissement de brevets pour des inventions.

Pour un environnement plus propre
Le "scientifique moléculaire", loin d'être un affreux pollueur, s'exerce donc à rendre notre environnement plus propre. Voilà pour le message à l'adresse des futurs étudiants.

Mais le mandat de Didier Perret comporte aussi une assistance aux étudiants actuels: "J'essaie notamment de trouver des portes de sortie dignes pour celles et ceux qui ne réussissent pas, en les réorientant, par exemple, vers les HES, s'il s'avère qu'ils ont un profil plus technique. Inversement, nous cherchons aussi à accueillir des étudiants venant des HES. J'ai aussi des réseaux dans l'industrie, et je peux aiguiller les étudiants vers ce secteur." Le but n'est pas, en effet, d'accueillir le plus d'étudiants possible à n'importe quel prix, au risque d'abaisser le niveau des diplômes délivrés. "Nous tenons à offrir une formation qui a de la valeur sur le long terme", précise Didier Perret.

Le second volet d'action est destiné aux enseignants du secondaire, "passablement démotivés dans leur mission pédagogique" depuis l'introduction de la nouvelle Maturité. Il s'agit alors de dégager, à leur attention et avec leur collaboration, de nouvelles pistes pour présenter la chimie sous un visage plus attrayant. Dans ce cadre, Didier Perret organise, par exemple, des "tête-à-têtes de sciences moléculaires", série de rencontres entre des enseignants du collège et des professeurs de la Section de chimie(3).

Une communication à têtes multiples?
Ce rôle de chargé de communication à l'intérieur des sections étant relativement nouveau, comment Didier Perret voit-il la clé de son succès ? "Il s'agit de trouver une position en complémentarité avec les professeurs. Le fait d'être moi-même chimiste a été capital pour établir avec eux des relations de confiance. Mon parcours en zigzag me donne aussi une vision globale qui constitue un atout."

S'oriente-t-on alors vers une communication décentralisée à l'Université? D'autres sections pourraient, en effet, être tentées d'imiter la chimie(4). Didier Raboud, nouveau responsable du service Presse information publications voit d'un bon œil l'initiative de la Section de chimie: "Nous sommes une université généraliste et il est positif que notre diversité se reflète au niveau de la communication" Mais, précise-t-il, "cela ne doit pas se faire au détriment de notre lisibilité en tant qu'institution. Je plaide donc pour une organisation confédérale, où nous travaillons en étroite collaboration avec les chargés de communication dans les facultés." Didier Perret, pour sa part, se réjouit de ces synergies à venir!

 

Un chimiste au service de l'environnement
"Je suis entré à l'Université, dans les années 70, pour aider à changer la planète". Idéaliste Didier Perret? Un brin, mais pas sans pragmatisme: "je me suis aperçu qu'on écoutait davantage les universitaires que les gauchistes hirsutes…" Après des études et un doctorat en chimie à l'Université de Genève, Didier Perret a donc mis en pratique ses orientations en dirigeant une équipe de chercheurs occupés à des questions d'environnement à l'Université de Lausanne. Puis, après un détour de trois ans à l'Office fédéral de l'environnement, il a rejoint l'EPFL où il est devenu le bras-droit du directeur d'un laboratoire en sciences du sol. Il a ensuite reçu plusieurs propositions de postes de professeur aux Etats-Unis et en France. Mais, attaché à Genève, il a retrouvé avec bonheur les bords de l'Arve, pour se mettre au service de la science.

 

(1) Le Courrier international, 27 janvier 2005
(2) Le Figaro, 8 décembre 2004
(3) Le prochain tête-à-têtes
(4) Les Pôles de recherche nationaux Frontiers in Genetics et MaNEP possèdent déjà leur propre service de communication.

9 mars 2005
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