Campus n°115

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Dossier | ACQWA

La fin de l'«incertitude prévisible»

Le recul des glaciers, les modifications du régime des précipitations et la hausse des températures vont bouleverser le régime hydrologique dans les régions de montagne d’ici à 2050. le projet acqwa évalue les conséquences sur les ressources en eau.

Si la forêt amazonienne est le poumon de la planète, les montagnes en sont le château d’eau. Source de 60 % des eaux de surface au niveau planétaire, ces régions s’avèrent cependant très sensibles à l’évolution du climat, puisque la hausse des températures y est deux ou trois fois plus rapide que la moyenne. Evaluer l’impact du réchauffement climatique sur les ressources en eau qui s’y trouvent, cerner l’effet de ces changements sur l’économie comme sur l’environnement et dessiner des stratégies d’adaptation : tels étaient les principaux objectifs d’ACQWA (Assessing climate impacts on the quantity and quality of water).

Pour relever le défi, les équipes mobilisées dans le cadre de ce projet européen lancé et coordonné depuis 2008 par le professeur Martin Beniston, directeur de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE, ont concentré leur attention sur cinq sites principaux : la vallée du Rhône et la plaine du Pô dans les Alpes, les alentours de l’Aconcagua au Chili, les régions de l’Amou-Darya et du Syr-Darya au Kirghizistan. Leurs résultats ont été présentés le 4 septembre dernier au siège de l’Organisation météorologique mondiale à Genève.

Malgré les efforts déployés (11 millions de francs de budget et une centaine de chercheurs issus d’une trentaine d’institutions réparties dans dix pays) et la complexité des modèles mathématiques utilisés, le premier constat qui s’impose est qu’il reste très difficile de donner une image univoque de ce que sera le climat des régions de montagne en 2050, compte tenu notamment des incertitudes sur les émissions futures de gaz à effet de serre. Selon les chercheurs, il est donc essentiel que les décideurs songent dès aujourd’hui à conserver une certaine marge de manœuvre dans leurs prévisions pour éviter toute mauvaise surprise.

Globalement, les résultats obtenus par les différentes équipes d’ACQWA permettent toutefois d’établir certains faits. Ainsi, il est acquis qu’il fera plus chaud qu’aujourd’hui dans les régions de montagne, que les étés y seront plus secs et que les précipitations y seront plus abondantes durant l’hiver.

Les conséquences de ces changements sont multiples. L’allongement de la période de croissance des végétaux permettra, par exemple, d’augmenter le rendement des cultures. En contrepartie, ces dernières exigeront davantage d’eau et seront plus exposées aux risques de sécheresses et de canicules estivales.

L’augmentation des chutes de neige, elle, n’empêchera pas le recul des glaciers mais se traduira par des fontes plus importantes au printemps, ce qui, associé au réchauffement du permafrost, risque de générer des crues, des chutes de pierres ou des coulées de lave torrentielles d’une amplitude supérieure à celle que l’on connaît aujourd’hui.

Comme l’indiquent les chercheurs, le moment de l’année où le débit des rivières est le plus élevé est par ailleurs en train de se déplacer de l’été vers le printemps. Conséquence : certaines populations, notamment au Kirghizistan, risquent d’être privées d’eau au moment où celle-ci est la plus nécessaire autant pour l’irrigation que pour la consommation domestique. Sans oublier les importants conflits d’intérêts entre l’agriculture, le tourisme et l’industrie hydroélectrique que cette situation ne manquera pas de créer, tant dans les Alpes que dans les autres zones d’études du projet ACQWA.

Dossier réalisé par Vincent Monnet et Anton Vos