2014

Un thermostat dans le cerveau

Sous la direction du professeur Denis Jabaudon, une équipe de neuroscientifiques de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE) vient de démontrer que c’est l’activité cérébrale elle-même qui contrôle la composition des circuits cérébraux. En étudiant le système visuel de souris dans leur première semaine de vie, les chercheurs ont découvert que le nombre de neurones inhibiteurs -ces cellules qui permettent d’assurer l’équilibre de l’activité cérébrale- dépend du degré d’activité visuelle. Il semble donc que le cerveau dispose d’un mécanisme de «thermostat» évolutionnaire, qui permet à l’activité neuronale de s’autoréguler lors de l’expansion de certains circuits.

Comment les circuits cérébraux s’adaptent-ils, au cours de l’évolution, à une baisse, ou au contraire, à une augmentation de l’activité de certains organes des sens? Quels sont les mécanismes d’autorégulation qui permettent au cerveau d’éviter une surstimulation potentiellement pathologique? C’est à ce genre de questions qu’œuvre à répondre le groupe du prof. Jabaudon, spécialistes du développement et de la plasticité cérébrale.

En observant le système visuel de souris nouveau-nées, les chercheurs du Département de neurosciences fondamentales de la faculté de médecine de l’UNIGE ont étudié comment l’activité rétinienne influence la construction des circuits neuronaux pour permettre au cerveau de conserver une excitabilité équilibrée.

L’influence de l’environnement

Dans un article publié dans la revue Neuron, les chercheurs montrent qu’au cours de la première semaine de vie, l’activité visuelle des souris contrôle la migration des neurones inhibiteurs et définit ainsi la composition cellulaire des circuits cérébraux. Les neurones inhibiteurs sont des cellules particulières dont le rôle est de réguler l’excitation, permettant ainsi d’éviter une suractivité cérébrale qui peut s’avérer pathologique (comme dans le cas de l’épilepsie, par exemple). Lorsque l’activité visuelle diminue ou qu’elle est perturbée, moins de neurones inhibiteurs migrent dans les régions cérébrales visuelles, ce qui permet de compenser la perte d’information et de garder un signal constant.

Inversement, si l’activité visuelle augmente, comme c’est le cas au cours de l’évolution, et plus particulièrement chez les primates, puisque, comparativement, leur système visuel est extrêmement développé, de nombreux neurones inhibiteurs entrent en action, ce qui permet d’éviter une «surchauffe» électrique du système. Il existe donc un mécanisme de «thermostat»par lequel l’activité neuronale peut s’autoréguler lors de l’expansion de certains circuits grâce à la capture de cellules inhibitrices.

Ces recherches indiquent que la composition cellulaire des circuits cérébraux est plus plastique qu’on ne le pensait et que cette composition est déterminée par l’activité neuronale. C’est en effet le début de l’activité elle-même -ici l’activité visuelle- qui donne le signal de recrutement des neurones inhibiteurs, sans lesquels le système devient hyperexcitable et donc instable. Les chercheurs veulent maintenant explorer les possibilités de prolonger cette période d’hyperplasticité au-delà des premières semaines de vie.

Variabilité de l’identité génétique

Par ailleurs, Denis Jabaudon et ses collègues ont reçu il y a quelques semaines le Prix Pfizer de la Recherche 2014 pour avoir, dans une autre étude, démontré qu’au cours de cette période développementale, certains neurones peuvent être «transformés» génétiquement in vivo et ainsi acquérir une nouvelle identité leur permettant de s’intégrer dans d’autres circuits cérébraux . Ces différentes recherches visent, de manière générale, à mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent la construction des circuits cérébraux en étudiant les influences génétiques et environnementales à l’œuvre. Une meilleure compréhension de ces processus pourrait, à terme, permettre de réparer ou protéger des circuits vulnérables dans des maladies neurodéveloppementales et neurodégénératives telles que l’autisme ou la maladie de Parkinson.

Contact:

Denis Jabaudon, tél.: +41 22 379 53 87

5 mars 2014

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