2018

Les Neptunes chaudes, des planètes qui rétrécissent

Des astronomes de l’UNIGE expliquent la rareté des Neptunes chaudes par leur évaporation qui les transforme en super-Terres.

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Vue d’artiste montrant un nuage géant d’hydrogène s’échappant d’une planète chaude de la taille de Neptune, à 97 années-lumière de la Terre. L’exoplanète est minuscule comparée à son étoile, une naine rouge nommé GJ 3470. Le rayonnement intense de l’étoile chauffe l’hydrogène dans la haute atmosphère de la planète à tel point  qu’il s’échappe dans l’espace. GJ3470b perd de l’hydrogène à un rythme 100 fois plus élevé qu’une Neptune chaude précédemment observée et dont l’atmosphère s’évapore également. © Crédit NASA, ESA, and D. Player (STScI)

 

«Mais où sont passées les Neptunes chaudes ?» C’est la question que se posent depuis longtemps les astronomes, face à l’absence mystérieuse de planètes de la taille de Neptune, très proches de leur étoile. Une équipe de chercheurs, dirigée par des astronomes de l’Université de Genève (UNIGE), vient de découvrir qu’une de ces planètes perd son atmosphère à un rythme effréné. Cette observation renforce la théorie selon laquelle les Neptunes chaudes perdent une grande partie de leur atmosphère et se transforment en de plus petites planètes nommées super-Terres, qui elles sont bien plus nombreuses. Des résultats à lire dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Les pêcheurs seraient perplexes s’ils ne capturaient que de gros et de petits poissons, mais peu de poissons de taille moyenne. C’est à peu de choses près ce qui arrive aux astronomes chasseurs d’exoplanètes. Ils ont en effet trouvé des planètes chaudes de la taille de Jupiter, ainsi que des super-terres chaudes – des planètes dont le diamètre ne dépasse pas 1,5 fois celui de la Terre –, mais pas de planètes proches de leur étoile de taille intermédiaire comme Neptune. Ce mystérieux déficit de Neptune chaudes, appelé aussi désert, suggère deux explications: soit ces mondes sont rares, soit ils étaient abondants à un moment donné, mais ils ont disparu depuis.

Il y a quelques années, des astronomes de l’UNIGE utilisant le télescope spatial Hubble de la NASA ont découvert que l’atmosphère de la Neptune tiède GJ 436b perdait de l’hydrogène. Cette perte n’est pas suffisante pour menacer l’atmosphère de GJ 436b, mais suggère que des Neptunes recevant plus d’énergie de leur étoile pourraient évoluer plus dramatiquement. C’est ce que viennent de confirmer ces mêmes astronomes, membres du pôle de recherche national PlanetS*. A l’aide de Hubble, ils ont observé qu’une autre Neptune tiède, nommée GJ 3470b, perd son hydrogène 100 fois plus rapidement que GJ 436b. Les deux planètes résident à environ 3,7 millions de kilomètres de leur étoile, soit un dixième de la distance entre Mercure et le Soleil, mais l’étoile de GJ 3470b est bien plus jeune et énergétique. «C’est la première fois que l’on observe une planète perdre son atmosphère si vite que cela peut impacter son évolution», déclare Vincent Bourrier, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE,membre du projet européen FOUR ACES** et premier auteur de cette étude. L’équipe estime que GJ 3470b aurait déjà perdu plus d’un tiers de sa masse.

«Jusqu’à maintenant, nous n’étions pas sûrs du rôle joué par l’évaporation des atmosphères dans la formation du désert», déclare Vincent Bourrier. La découverte de ces deux Neptunes tièdes perdant leur atmosphère en bordure de ce désert renforce l’idée que la version plus chaude de ces planètes est éphémère. Les Neptunes chaudes auraient ainsi rétréci pour devenir des mini-Neptunes, ou se seraient même érodées complètement pour ne laisser que leur cœur rocheux. «Cela pourrait expliquer l’abondance de super-Terres chaudes découverte», explique David Ehrenreich, professeur associé au département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et co-auteur de l’étude.


L’évolution de la traque aux Neptunes chaudes

L’observation de l’évaporation de ces deux Neptune tièdes est encourageante, mais les membres de l’équipe savent qu’ils doivent en observer davantage pour confirmer leurs prédictions. Malheureusement, l’hydrogène qui s’échappe de ces planètes ne peut pas être détecté si celles-ci se trouvent à plus de 150 années-lumière de la Terre (GJ 3470b se trouve à 97 années-lumière), car l’hydrogène est alors caché par le gaz interstellaire. Les chercheurs prévoient donc d’utiliser Hubble pour chercher d’autres traces d’échappement atmosphérique, car l’hydrogène pourrait entraîner avec lui des éléments plus lourds tels que le carbone. La solution pourrait aussi venir de l’hélium, dont le rayonnement dans l’infrarouge n’est pas bloqué par le milieu interstellaire. «L’hélium nous permettra d’élargir la portée de nos relevés, estime Vincent Bourrier. La sensibilité élevée du télescope spatial James Webb devrait nous permettre également de détecter l’hélium qui s’échappe des petites planètes, comme les mini-Neptunes, et de compléter nos observations de la bordure du désert.»

 

*PlanetS est un Pôle National de Recherche, un instrument de recherche du Fond National Suisse pour la recherche scientifique, dédié à la recherche sur les exoplanètes.
** FOUR ACES, Future of Upper Atmospheric Characterisation of Exoplanets with Spectroscopy, est un projet financé par une bourse Consolidator du Conseil européen pour la Recherche (ERC) dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de la Commission européenne (bourse n°724427).

13 déc. 2018

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