2021

Analyser les volcans pour anticiper leur réveil

Des géologues dirigé-es par l’UNIGE ont passé en revue les mécanismes internes et externes qui conduisent aux éruptions volcaniques, afin de pouvoir modéliser au mieux l’activité des volcans.

page_garde_caricchi.jpg

Une des explosions stromboliennes qui se produisent à Stromboli toutes les 10 minutes environ depuis au moins 2000 ans. © UNIGE, Luca Caricchi

 

Quelles sont les causes d’une éruption? Pourquoi certains volcans entrent-ils en activité régulièrement, alors que d’autres restent endormis des milliers d’années? Une équipe de géologues, dirigée par l’Université de Genève (UNIGE), a passé en revue la littérature sur les mécanismes internes et externes qui conduisent à une éruption volcanique. En analysant la thermomécanique, les facteurs géologiques externes, la composition chimique du magma et sa propagation vers la surface, les géologues soulignent que la plupart du magma remontant à la surface ne provoque pas d’éruption volcanique. Ils/elles démontrent également que les volcans plus anciens produisent des éruptions moins fréquentes, mais plus importantes et dangereuses. Leurs résultats, à lire dans la revue Nature Reviews Earth and Environment, vont permettre d’affiner les modélisations des processus volcaniques, afin de diminuer l’impact des éruptions volcaniques sur les plus de 800 millions de personnes vivant à proximité de volcans actifs.

Monitorée de près, l’activité volcanique reste toutefois difficile à prévoir: pourquoi le Mont Fuji n’est-il pas entré en éruption après le fort tremblement de terre de Tohoku? Pourquoi l’éruption de Eyjafjallajökul a-t-elle généré un tel nuage de cendres? Afin de pouvoir déterminer les causes qui conduisent à une éruption volcanique, des géologues et des géophysicien-nes dirigée-s par Luca Caricchi, professeur au Département des sciences de la Terre de la Faculté des sciences de l’UNIGE, ont repris la littérature existante actuelle et ont analysé toutes les étapes qui précèdent une éruption.


Le chemin du magma depuis les profondeurs de la Terre

Le magma est de la roche fondue qui provient de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur sous la croûte terrestre et qui remonte vers à la surface. «Au cours de son voyage, le magma peut être piégé dans des réservoirs situés dans la croûte terrestre, où il peut stagner pendant des milliers d’années et potentiellement ne jamais entrer en éruption», explique Meredith Townsend, chercheuse au Département des science de la Terre de l’Université de l’Oregon (USA). Spécialisée dans la modélisation thermomécanique, la chercheuse américaine s’est concentrée sur les calculs de la pression requise pour que le magma casse les roches autour du réservoir et commence à remonter vers la surface. Eleonora Rivalta, chercheuse au Centre de recherche en géosciences de Potsdam (Allemagne) et à l’Université de Bologne (Italie), a étudié la propagation du magma lorsqu’il remonte à la surface: «S’il est suffisamment coulant, c’est-à-dire s’il ne contient pas trop de cristaux de roches, le magma peut monter très rapidement par une sorte de fracturation autopropulsée, poursuit-elle. Si le magma cristallise à plus de 50%, il devient trop visqueux et sa marche vers la surface s’arrête.» Le magma peut également emprunter différents chemins: verticaux, horizontaux ou inclinés. Luca Caricchi est spécialisé dans la chimie des magmas, qui apporte des informations capitales sur l’état du magma avant le déclanchement d’une éruption volcanique. «La chimie du magma évoluant avec les variations de pression et de température, elle est une source précieuse pour évaluer la possibilité de voir – ou non – le volcan entrer en éruption», précise le chercheur genevois. Enfin, Atsuko Namiki, chercheuse à l’école supérieure d’études environnementales de l’Université de Nagoya. (Japon), a analysé les phénomènes de déclenchement externe d’une éruption, comme les tremblements de terre, les marées ou encore la pluie: «A eux seuls, ils ne peuvent pas provoquer une éruption, il faut que le magma soit prêt et n’attende qu’un élément déclencheur».

Pour qu’il y ait éruption, plusieurs mécanismes internes doivent concomiter. «Il faut qu’il y ait un réservoir magmatique contenant du magma avec moins de 50% de cristaux, commence Luca Caricchi. Puis, ce réservoir doit être sur-pressurisé.» La surpression peut être le résultat de phénomènes internes tels qu’une injection renouvelée de magma ou l’exsolution de gaz magmatiques. Elle peut aussi se produire à la suite d’événements externes tels que les tremblements de terre. Enfin, une fois que la pression est suffisante pour que le magma commence à monter, de nombreux obstacles peuvent encore empêcher le magma d’entrer en éruption.


L’âge du volcan comme critère primordial

Ce qui ressort de leur analyse complète est la différenciation de comportement entre les jeunes volcans et les vieux volcans. «Lorsque l’activité d’un volcan débute, son réservoir est très petit (quelques km3) et la croûte qui l’entoure relativement froide, ce qui provoque de nombreuses éruptions fréquentes, mais de petite taille et relativement prévisibles», explique Luca Caricchi. Il en est tout autrement avec les vieux volcans. «Leur réservoir est plus grand et les roches autour plus chaudes. Dès lors, lorsque du nouveau magma est injecté, il ne génère pas beaucoup de surpression mais les roches autour du réservoir se déforment et la croissance continue», poursuit le géologue. Finalement, l’accumulation de grandes quantités de magma conduira à de grandes éruptions. Par exemple, le Mont S. Helens (USA) a commencé à entrer en éruption il y a 40’000 ans (une période courte pour les géologues) et sa dernière éruption en 2008 était petite et sans danger. Au contraire, le Toba (Indonésie) a commencé à entrer en éruption de manière explosive il y a environ 1,2 million d’années et sa dernière éruption, il y a 74’000 ans, a totalement détruit les environs et eu un impact sur le climat mondial. «A noter que les signes avant-coureurs sont très difficiles à détecter car les températures élevées diminuent l’activité sismique et l’interaction entre les gaz et le magma modifie leur composition, ce qui rend plus difficile la compréhension de ce qui se passe en dessous», dit-il. Précisons que plus le volcan a un taux d’injection de magma élevé, plus il «vieillit» vite.

Connaître l’âge du volcan, que l’on peut dater en analysant le zircon présent dans les roches, permet aux géologues de comprendre à quel stade de leur vie les volcans sont. «Il y a actuellement 1500 volcans en activité et environ 50 chaque année entrent en éruption. Savoir s’il faut ou non évacuer la population est crucial et nous espérons que notre étude contribuera à diminuer l’impact de l’activité volcanique sur notre société, continue Luca Caricchi. Nous espérons que nos découvertes seront testées sur des volcans très étudiés, comme les volcans italiens, américains ou japonais, et transférées vers d’autres volcans pour lesquels il n’y a pas que peu de données, comme en Indonésie ou en Amérique du Sud.»

22 juin 2021

2021

Nos expert-es

Parler aux spécialistes de toutes disciplines

La photothèque

Découvrir et télécharger les images de l’UNIGE

Les archives

Tous nos communiqués depuis 1996

S'abonner aux communiqués de presse
media(at)unige.ch

Université de Genève

24 rue Général-Dufour

CH-1211 Genève 4

T. +41 22 379 77 96

F. +41 22 379 77 29