2021

Besoins en matière d’hébergement d’urgence à Genève

La Ville de Genève a mandaté des chercheurs de l’UNIGE et un consultant indépendant pour effectuer une recherche visant à mieux connaître les publics en situation de sans-abrisme, analyser l’offre de prise en charge et la gouvernance des dispositifs.

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L’absence de statistiques cantonales et fédérales n’a pas permis jusqu’ici de communiquer des chiffres précis sur l’ampleur du sans-abrisme à Genève. Déterminée à mieux appréhender cette réalité pour protéger les plus démunis, la Ville de Genève a mandaté l’Université de Genève (UNIGE) et un consultant indépendant, afin d’analyser l’adéquation du dispositif d’hébergement d’urgence aux besoins des bénéficiaires. L’équipe de recherche a réalisé un bilan complet de l’offre actuelle en matière d’hébergements d’urgence. Dans leur rapport «Etude des besoins en matière d’hébergement d’urgence», ils ont comparé la situation de Genève à celle d’autres villes suisses, européennes et au-delà et estimé le nombre de personnes en situation de sans-abrisme à Genève, leurs besoins et leur niveau de couverture.

Genève, comme d’autres grandes villes, n’échappe pas au phénomène du sans-abrisme et sa position géographique de ville-centre et de ville frontière la prédestine à être un lieu de passage. La crise sanitaire a révélé une pauvreté cachée et a exacerbé les inégalités. L’explosion visible de l’extrême précarité a mis tous les dispositifs sous forte tension et nécessite de les adapter dans un contexte budgétaire extrêmement tendu. En effet, en 2020, la Ville a accordé près de 20 millions, grâce notamment à un crédit supplémentaire voté par le Conseil municipal en juin pour répondre aux besoins liés à la pandémie. Mais pour pérenniser et développer les structures d’accueil, il est nécessaire d’avoir une mutualisation non seulement des compétences, mais aussi des ressources financières entre les collectivités publiques et une meilleure coordination permettant de répondre au mieux aux besoins.

Dans ce contexte, la Ville de Genève a mandaté Jean-Michel Bonvin, professeur à l’Institut de recherches sociologiques (IRS) et vice-doyen de la Faculté des sciences de la société de l’UNIGE, Oscar Waltz, chercheur à l’IRS, et Thomas Vogel, consultant indépendant, afin qu’ils présentent un diagnostic quantitatif des personnes en situation de sans-abrisme à Genève et proposent une catégorisation de ce public (en fonction de l’âge, du sexe, de la nationalité et du statut de résidence). Dans un deuxième temps, les experts ont effectué un inventaire détaillé des prestations existantes financées tant par la Ville de Genève, que par le Canton ou les associations. Enfin, les questions de gouvernance ont été étudiées et des recommandations formulées afin de proposer des pistes pour renforcer les collaborations et synergies entre les différents acteurs impliqués dans le champ de l’hébergement d’urgence.


Recenser les utilisateurs et utilisatrices des dispositifs d’aide d’urgence à Genève

Une partie importante de cette étude a permis de comptabiliser les personnes en situation de sans-abrisme. «Pour ce faire, nous avons effectué un recensement exhaustif des personnes en hébergement d’urgence les nuits du 2 mars et du 16 mars 2021, et nous leur avons systématiquement demandé leur statut de résidence, leur âge et leur nationalité », explique Jean-Michel Bonvin. Respectivement 486 et 545 personnes ont été accueillies durant ces deux nuits. «Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les hommes et femmes ayant dormi dans la rue», précise le chercheur genevois. Afin de pouvoir également les comptabiliser, les sociologues se sont appuyés sur les résultats d’une étude menée par des sociologues bâlois et sur les réponses fournies par les acteurs associatifs genevois en décembre 2020. Cela leur a permis d’estimer que 185 personnes ont dormi dans la rue la nuit du 16 mars 2021. «Nous arrivons donc au chiffre possible de 730 personnes en situation de sans-abrisme ce jour-là», estime Jean-Michel Bonvin.

Deux axes principaux ont été utilisés afin de pouvoir catégoriser ces publics: le temps de séjour à Genève (plus ou moins de six mois) et le statut de résidence. Quatre catégories principales sont ainsi identifiées, dont les deux plus importantes regroupent les individus à Genève depuis au moins six mois ne bénéficiant pas de statut de résidence (52.3%) et les personnes de passage (à Genève depuis moins de six mois) sans statut de résidence (34.6%). Les populations possédant un statut de résidence représentent donc 13.1 % des usager-ères de ces structures.


L’analyse des prestations vue par les usager-ères

25 personnes se sont prêtées à un entretien de 45 minutes visant à évaluer leur perception des prestations proposées en matière d’hébergement d’urgence et d’aide d’urgence. «Nous avons veillé à la diversité de genre, de nationalité et de type de structure d’hébergement, dans l’idée d’avoir un panorama aussi complet que possible», explique Oscar Waltz. Dans l’ensemble, les prestations sont jugées de bonne qualité, bien que certains points – relatifs à l’hygiène ou aux possibilités de consigner ses affaires – pourraient être améliorés. De même, le nombre de places en surface pourrait être augmenté et un accueil des bénéficiaires en continu pourrait être proposé. «De fait, l’offre d’hébergement d’urgence varie énormément en fonction des périodes de l’année et des financements, et tente également de s’adapter aux flux migratoires du moment. En date du 16 mars 2021, 596 places étaient disponibles, mais ce chiffre n’est plus le même aujourd’hui», poursuit-il. Enfin, «l’accompagnement social des personnes présentes depuis plus de six mois à Genève pourrait être renforcé», indique Thomas Vogel.


Améliorer la prise en charge des besoins des bénéficiaires

Les sociologues se sont également penchés sur la gouvernance régissant les hébergements d’urgence. «Il s’agit d’un point important, car les acteurs publics (la Ville de Genève, les communes et le Canton) doivent travailler conjointement avec des associations privées, dont les objectifs ne sont pas toujours en parfait accord», relève Jean-Michel Bonvin. 45 entretiens ont ainsi été menés auprès des responsables associatifs, institutionnels et politiques. Il en ressort que les rôles endossés par les uns et les autres doivent être clarifiés, afin d’optimiser le travail fourni en matière d’hébergement d’urgence. «Il s’agit de mettre en place une stratégie commune de réponse aux besoins des personnes en situation de sans-abrisme, tout en prenant en compte l’engagement financier de chacun», conclut le chercheur genevois. La récente loi sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA) donne des premiers jalons dans ce sens, l’effort doit être poursuivi.

Pour Christina Kitsos, Conseillère administrative en charge de ces dispositifs en Ville de Genève, «la loi votée ce mois de septembre par le Grand Conseil sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA) crée enfin un droit à un accueil inconditionnel avec la couverture des besoins vitaux pour toute personne sans abri. Cependant, il faut relever que cette loi ne définit pas le périmètre d’intervention et ne prévoit pas de clé de répartition financière entre la Ville et les communes. Actuellement, la Ville octroie 15 millions de son budget annuel et reçoit un million du fonds intercommunal. En outre, avec l’entrée en vigueur de la LAPSA, le canton n’aura dorénavant plus aucune compétence en matière d’hébergement d’urgence. Il s’agit dès lors de travailler ensemble avec les communes pour définir un mécanisme de financement, car sans mutualisation des ressources, l’objectif zéro sans-abri ne sera pas atteint et la LAPSA restera une coquille vide.»


21 sept. 2021

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