2021

Renforcer la résilience face au COVID-19 et aux futures pandémies

Une équipe internationale de scientifiques a rédigé un rapport sur la capacité de résilience dont nos sociétés ont besoin pour prévenir la crise COVID-19, y réagir et s’en remettre. Les auteur-es proposent une voie à suivre pour façonner des sociétés résilientes, inclusives et durables.

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La pandémie du coronavirus a déclenché une crise systémique mondiale. Des décisions politiques ont été prises rapidement pour freiner la propagation du virus, mais qu’en est-il de ses effets secondaires sur la société? Les décisions prises ont-elles été suffisamment transversales ou la capacité de résilience des pays est-elle restée fragmentée entre les systèmes sanitaires, sociaux, économiques, environnementaux et institutionnels? Sous l’impulsion du Geneva Science Policy Interface (GSPI) à l’Université de Genève (UNIGE), en Suisse, une équipe internationale de chercheurs/euses a mis au point une approche interdisciplinaire pour faire la lumière sur la gestion de la crise actuelle. Conçue pour les décideurs et décideuses, le rapport de synthèse qui en résulte propose des recommandations concrètes appuyées sur cinq principes de gouvernance.

Le GSPI vise à rapprocher les mondes de la science et de la politique afin que les décideurs et décideuses soient outillés au mieux pour faire face aux problèmes complexes, telle que la crise actuelle. «Dans ce contexte, nous avons chargé une équipe de l’UNIGE, rapidement soutenue par des scientifiques du monde entier, de rédiger un rapport complet sur la capacité de résilience des sociétés face à la pandémie de coronavirus», explique Nicolas Seidler, directeur du GSPI.


Plus de 600 références résumées dans un seul rapport

Les objectifs étaient de définir la résilience, d’identifier ses différentes formes et de la transposer aux secteurs sanitaire, social, économique, environnemental et institutionnel qui composent la société. L’équipe a passé en revue la littérature scientifique sur la résilience aux crises systémiques, y compris celle du COVID-19, qui comprend plus de 600 références dans le domaine des sciences naturelles et sociales. «La force de l’étude est son interdisciplinarité», souligne Didier Wernli, directeur du laboratoire de gouvernance transformative de l’UNIGE (GTGLab) et principal auteur de l’étude. Parmi les éléments clés du processus d’élaboration, plusieurs consultations avec des professionnel-les des organisations onusiennes ont eu lieu afin d’affiner l’applicabilité des recommandations figurant dans le rapport de synthèse.


Colosse aux pieds d’argile

La première observation de l’équipe a été que les gouvernements ne sont pas prêts à faire face à des chocs systémiques, comme celui causé par le virus du SARS-CoV-2. «Même s’il y a eu d’autres crises sanitaires depuis les années 2000, dont Ébola en Afrique de l’Ouest en 2014-2015, les sociétés occidentales n’ont pas pleinement pris la mesure de la menace», affirme Karl Blanchet, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et directeur du Centre d’études humanitaires de Genève. La recherche souligne que de nombreux facteurs ont influencé l’impact de la pandémie sur la société, tels que la vitesse à laquelle un gouvernement agit, l’existence ou non d’un filet de sécurité sociale et la fragilité de la santé de la population. «En fin de compte, cela montre à quel point les inégalités sont grandes et qu’elles se renforcent pendant la crise», déclare la professeure Nikola Biller-Andorno, directrice de l’Institut d’éthique biomédicale et d’histoire de la médecine de l’Université de Zürich.

Le deuxième point soulevé par le rapport de synthèse concerne l’incapacité des gouvernements à réfléchir aux crises systémiques et à les gérer. Le défi consiste à renforcer la capacité de prévention, de réaction et de récupération avant, pendant et après la crise. La capacité de résilience des sociétés est renforcée avant le début d’une crise en investissant (par exemple) dans l’intégration de la santé humaine, animale et environnementale afin d’éviter que les maladies ne se propagent des animaux aux humains. Cette intégration est suivie d’une résilience «réactive» pendant la crise, par exemple en permettant aux systèmes de santé de faire face à des situations d’urgence et en renforçant les filets de sécurité. Enfin, la résilience «de récupération» après la crise, implique la mise en place de mécanismes visant à favoriser le rétablissement de la société, comme le renforcement de la solidarité intergénérationnelle. «C’est aussi l’occasion de promouvoir des changements sociétaux, comme la mobilité douce, qui peuvent rencontrer plus de résistance en temps normal», explique Mia Clausin, chercheuse au GTGLab.


Septante recommandations et cinq principes de gouvernance

Les auteur-es du rapport de synthèse ont formulé 70 recommandations pour renforcer la résilience de la société. En outre, cinq principes de gouvernance peuvent guider les sociétés lors de crises systémiques. Premièrement, la participation de tous les acteurs de la société favorisera l’inclusion, l’appropriation et la responsabilité. Deuxièmement, améliorer notre compréhension de la pandémie comme une crise systémique peut aider à communiquer de manière transparente à propos des différents effets sociétaux et leur mise en balance. Comme l’explique Didier Wernli: «si les écoles sont fermées, cela a un impact sur les parents et – par extension – sur le monde du travail, sans parler du décrochage scolaire et de la détresse psychologique qui en résulte.» Troisièmement, le renforcement de la collaboration intersectorielle permettra de promouvoir la cohérence dans la prise de décision. Quatrièmement, l’amélioration des mécanismes d’apprentissage permettra l’adoption et l’adaptation rapides de mesures fondées sur des preuves scientifiques. L’équipe de recherche internationale invite les scientifiques à travailler ensemble pour évaluer les effets à court, moyen et long terme, et à établir des ponts entre les systèmes sectoriels pour soutenir la prise de décision politique. Enfin, le dernier principe souligne le risque de tomber dans un système autoritaire. «Dans une crise comme celle que nous traversons actuellement, l’exécutif prend le pas sur les systèmes législatif et juridique. Bien que cela puisse être justifié à court terme, la situation ne devrait pas durer si les démocraties veulent fonctionner», déclare Nicolas Levrat, professeur de droit et directeur du Global Studies Institute à l’UNIGE.

Les auteur-es du rapport de synthèse concluent qu’une approche intégrée de la résilience est nécessaire pour renforcer la capacité à prévenir les crises systémiques, à y réagir et à s’en remettre. Didier Wernli a le dernier mot: «Cette crise doit être l’occasion de penser le monde de demain. Cela souligne l’importance d’efforts multilatéraux et de la Genève internationale pour façonner des sociétés résilientes, inclusives et durables.»

 

23 mars 2021

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