2023

Numérique et confiance du public dans la recherche

Le cas d'étude consistait en l'organisation de groupes de discussion en Suisse romande pour étudier la perception du public face aux problèmes d'éthiques liés à la recherche et aux méthodes numériques. Les résultats ont été combinés avec ceux d'un projet suisse alémanique mené par des chercheurs de l'Université de Zurich. Il est également prévu qu'une étude similaire soit menée au Tessin afin d'avoir des données pour l'ensemble de la Suisse.

L'objectif de ce cas d'étude était également d'améliorer la gouvernance et la communication de la recherche.

Dans notre étude, la problématique était d'analyser la confiance du public vis-à-vis de la recherche, en abordant les problèmes éthiques liés à l'accès aux données. Les trois points principaux étaient :

  • L'ignorance de l'utilisation des données;
  • Le manque de consentement explicite;
  • La déconnexion entre recherche et individus.

Les types de consentement sur les sites internets :

  • opt-in :  C'est un consentement explicite, par défaut on ne peut pas utiliser les données d'un utilisateur à moins que la personne en donne l'autorisation, par exemple en cochant une case. Si la case est pré-cochée alors on parle d'opt-in passif.
     
  • opt-out : C'est un consentement implicite, par défaut on peut utiliser les données d'un utilisateur à moins qu'il ne fasse la démarche pour exprimer son désaccord.

 

Guide d’entretien : Un document pré-établi qui regroupe l’ensemble des questions à poser lors d’un groupe de discussion. Cela permet de s'assurer que tous les groupes de discussions menés lors d'une même étude abordent les mêmes sujets.

 

Focus Groupe : Un groupe de discussion. Dans notre cas, ils étaient mené avec 5 à 8 participants et avaient pour but de récolter des données sur notre problématique. Les séances commençaient par une brève présentation de l'étude et étaient suivies d'environ une heure de discussion autour des questions posées.

 

Guide d'entretien et focus groups :

Nous avons commencé par réaliser un guide d’entretien pour mener les focus groups en se basant sur celui réalisé par les partenaires de Zurich pour l'étude menée en Suisse alémanique. 

Dans un premier temps, les questions que nous avons posées se fondaient sur une étude de cas présentée préalablement aux participants. Nous avons choisi une étude qui avait pour but de prévenir les cas de suicide chez les jeunes en analysant leurs messages sur les réseaux sociaux.

Variable  Question
But de l'étude A quel point seriez-vous d’accord que l'on collecte des données publiquement accessibles sur vos réseaux sociaux dans le but ultime de tenter de prévenir des suicides ? Qu'en serait-il d'autres buts?
Acteurs impliqués dans l'étude Selon vous, avec quels acteurs/actrices serait-il acceptable de partager vos données (recherche académique, gouvernement, entreprises, ...) ?
Utilisation des résultats Si vous acceptiez qu'une entité spécifique collecte vos données pour un but spécifique, à quel point est-ce éthique que vos données soient réutilisées pour un autre but ?
Type de données Quel type de données seriez-vous d'accord de voir extraites, et dans quels cas et quelles limites ? (Contenu de vos posts: textes, photos, ... ; Contenu de vos informations personnelles: messages privés, localisation, ...)
Collecte des données Que pensez-vous du modèle "opt-out", selon lequel vos données sont collectées par défaut, par rapport au modèle "opt-in", selon lequel vous n'êtes forcés en rien par défaut et vos données ne sont collectées uniquement si vous le demandez explicitement ?
Analyse des données Que pensez-vous de l'analyse de vos données par une intelligence artificielle ? (Par exemple, dans le cas de l'étude sur le suicide, ou si c'était pour un autre but ?) Et si les données étaient analysées par une personne à la place de l'intelligence artificielle ?
Mesures de précaution Comment estimez-vous que l'extraction des données devrait être réglementée ?

 

Dans un deuxième temps, nous avons posé des questions additionnelles sur d’autres sujets en lien avec les méthodes digitales en dehors de l’étude de cas.

Sujet Question
Gouvernance et confiance dans la recherche Quelles parties prenantes, et sous quelles conditions devraient-ils/elles être impliqués dans l'usage de données publiques accessibles dans le cadre des méthodes de recherche digitale ? (p. ex.: Universités, entreprises, ...)
Porte-parole de méthodes digitales Qui pourrait jouer le rôle d'un/une porte-parole de confiance, crédible et à qui on peut facilement s'identifier, qui pourrait mener des projets de recherche et communiquer au sujet des méthodes digitales envers le grand public ?
Communication de la Science envers le public Comment encourager une discussion active entre les membres de la population, à part le fait qu'on puisse utiliser un langage facile à comprendre ?
Droit à l'oubli Comment le droit à l'oubli pourrait-il être communiqué au public pour que chacun puissent le comprendre ?

 

Pour chacun des focus groups, nous nous sommes occupés de la modération de la séance ainsi que de la prise de notes à tour de rôle par groupes de deux. 

À l'issue de chaque focus group, nous avons fourni aux partenaires de Zurich un rapport de 500 mots concernant notre ressenti sur le déroulé de la séance.

 

Analyse des données et résultats :

Lors de l’analyse des données issues des focus groups trois thèmes principaux sont apparus : Les aspects négatifs, qui englobent les préoccupations et les défis liés à l'utilisation des données ; les solutions potentielles, qui proposent des moyens de relever ces défis ; et les valeurs importantes, qui mettent en évidence les principes qui devraient guider notre approche de l'utilisation des données dans la recherche.

 

Nous avons également réalisé des analyses complémentaires concernant les participants aux focus groups.

 

Nous avons réalisé une page sur le site web de nos partenaires qui présente les thèmes clés qui ont émergé de nos groupes de discussion. Chaque thème est représenté par des citations contrastées afin de mettre en évidence la diversité des opinions sur l'utilisation des données dans la recherche.

 

  • Les aspects négatifs :

    Peur de la dérive
    "Si le gouvernement utilise nos données contre les citoyens, par exemple pour refuser une prestation sociale, c'est problématique."

    Manque de confiance
    "Je suis sûr que les conditions [d'utilisation] seront modifiées, ou que cela peut être fait même si nous avons refusé..."

    Désillusion
    "Lorsque nous partageons quelque chose en ligne (par exemple une photo de profil sur Facebook), n'importe qui peut l'utiliser ou trouver la personne (reconnaissance faciale) et rien ne la protège."

 

  • Les solutions potentielles :

    Le cadre juridique
    "La santé mentale est compliquée, nous n'avons même pas de dossier médical informatisé en Suisse. Il est absolument nécessaire de pouvoir garantir l'utilisation de ces données, de s'assurer à tout prix qu'elles ne sont PAS rendues publiques."

    Transparence
    "Vous devez avoir une idée claire de qui récolte quoi et dans quel but. Ensuite, vous êtes libre de décider, mais vous devez d'abord savoir."

    L'éducation
    "La sensibilisation à la collecte de données peut conduire à moins de partage."

    Anonymisation des données
    "L'utilisation des données dans les études statistiques est acceptable car elles ne permettent pas de reconnaître une personne."

    Contrôle des données et de leur utilisation
    "Un message privé demandant l'utilisation des données, plutôt que de passer par un intermédiaire. Ou un petit rappel périodique (plutôt qu'au moment de l'enregistrement)."

    Consentement éclairé
    "Le consentement explicite à l'utilisation des données devrait être la norme. Personne ne lit ces conditions générales, elles sont trop longues."

 

  • Les valeurs importantes :

    Santé
    "Google propose le numéro de téléphone d'un service d'aide au suicide comme premier résultat en cas de recherche inquiétante, c'est rassurant."

    Intérêt public
    "Il est moins problématique que ce soit les autorités publiques qui collectent et analysent les données, car elles ne sont pas censées avoir des intérêts douteux."​​​​​​​

    Protection des mineurs
    "Non, ils ne sont pas majeurs, ils n'ont pas la capacité de discernement nécessaire. Ce qui vient d'eux ne doit pas être pris en compte."​​​​​​​

Le papier que nous avons pris comme étude de cas lors des focus groups :

G. Coppersmith, R. Leary, P. Crutchley and A. Fine, Natural Language Processing of Social Media as Screening for Suicide Risk, Biomed Inform Insights, 2018

Membres du groupe

Togbé Agbessi ALANGUE (togbe.alangue(at)etu.unige.ch) Droit

Joao COSTA DA QUINTA (joao.costa(at)etu.unige.ch) Sciences

Artémis FAULK-ANTONAKIS (artemis.faulk-antonakis(at)etu.unige.ch) Sciences de la société

Léa HEINIGER (lea-marie.heiniger(at)etu.unige.ch) Sciences

Manon HAULOTTE (manon.haulotte(at)etu.unige.ch) Psychologie et sciences de l'éducation

Camille LUISIER (camille.luisier(at)etu.unige.ch) Global Studies Institute

 

Encadrement

Zoé HUBER (zoe.huber(at)etu.unige.ch)

 

Partenaires

Université de Zurich, Dr. Felix Gille et Paola Daniore

Prof. Yaniv Benhamou, Université de Genève, Digital Law Center (DLC)


Coordination

Prof. Yaniv Benhamou, Responsable du cours

Seth Médiateur Tuyisabe, Assistant d'enseignement et  de recherche


Mention légale

Cours transversal : comprendre le numérique, Zoé Huber, Togbé Agbessi Alangue, Joao Costa Da Quinta, Artémis Faulk-Antonakis, Léa Heiniger, Manon Haulotte, Camille Luisier, Licence CC-BY