Appel à communications

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Digital Content Writers IndiaAfonso VieiraGreg Rosenke (unsplash.com)

Veuillez noter que ce texte est rédigé au féminin générique.

Nous lançons un appel à communications portant sur le rôle que jouent les écritures de soi dans la production de connaissances sur la traduction, l’interprétation, l’interprétation en langue des signes et la terminologie (dans le présent texte, le substantif « traduction » recouvre ces quatre activités). Nous organisons notre réflexion autour des trois axes suivants : la recherche, la pratique et l’apprentissage.

L’écriture de soi (équivalent imparfait de life writing en anglais) est un hyperonyme qui recouvre entre autres l’autobiographie, l’autofiction et l’autothéorie (Dowd et Eckerle, 2010). L’intérêt de la traductologie pour les écritures de soi a crû ces vingt dernières années, comme le montre le nombre d’entrées dans la Bibliography of Translation and Interpreting (BITRA) et la Translation Studies Bibliography (TSB). L’écriture de soi inclut les auto-ethnographies (p.ex. Hokkanen, 2017 ; Yu, 2020 ; Voinova, 2023 ; Borg, 2024), les mémoires auto-théoriques (Grass et Robert-Foley, 2024) et les journaux d’apprentissage (p. ex. Li, 1998 ; Gile, 2004 ; Orlando, 2011 ; Shih, 2011). La présente conférence vise à ouvrir un dialogue entre la traductologie, les sciences de l’éducation et l’ethnographie sur le rôle que jouent les écritures de soi dans la création de connaissances sur la traduction.

Cette conférence s’organise autour des trois actrices suivantes : les chercheuses (1er axe), les praticiennes (2e axe) et les enseignantes et étudiantes (3e axe). Elle explore tous les types d’écriture de soi pratiqués en traductologie, qui sont classés ci-dessous selon ces trois axes.

Le premier axe de recherche porte sur les écritures de soi centrées sur les chercheuses et inclut les auto-ethnographies, les journaux de recherche et les écritures impliquées. L’auto-ethnographie est une forme d’écriture de soi qui combine autobiographie et ethnographie (Ellis, Adams, et Bochner, 2011) ; les chercheuses analysent leur expérience personnelle (autobiographie) pour comprendre la culture que celle-ci reflète (ethnographie ; Ellis, Adams, et Bochner, 2011). En traductologie, les auto-ethnographies sont de plus en plus nombreuses, quoique peu d’entre elles soient vraiment centrées sur la chercheuse et sur la réflexivité propre à l’auto-ethnographie (cf. Hokkanen, 2017 ; Yu, 2020). Il convient ici de noter que certaines études ont utilisé l’auto-ethnographie pour étudier des chercheuses-traductrices (Hokkanen, 2017 ; Voinova, 2023 ; Borg, 2024). Quant aux journaux de recherche, ils peuvent consigner des commentaires, des réactions, des émotions et des réflexions (cf. Baribeau, 2005). Toutefois, l’idée du journal de recherche est encore relativement nouvelle en traductologie par rapport à d’autres disciplines telles que la sociologie et les sciences de l’éducation (cf. Davier, 2025). Enfin, les écritures impliquées sont des textes biographiques qui prennent en compte la relation de la chercheuse à son objet (Hess, 2019). La chercheuse utilise l’écriture pour explorer le « soi » (Hess, 2019) et s’auto-analyser (Hess, Mutuale et al., 2016). Dans le contexte du postmodernisme, les chercheuses de différentes disciplines ont utilisé ces formes d’écriture pour se concentrer sur leur subjectivité et leur positionnalité.

Le deuxième axe de la conférence regroupe les écritures de soi centrées sur les traductrices et leur traduction, comme les mémoires de traduction autothéoriques autotheoretical translation memoirs » ; cf. Grass, 2023 ; Grass and Robert-Foley, 2024). Les mémoires autothéoriques sont des textes critico-créatifs dans lesquels les traductrices reviennent sur leur pratique et leur positionnalité avec l’intention de réécrire la traductologie depuis la perspective de la pratique (Grass et Robert-Foley, 2024). En combinant théorie et autobiographie, les mémoires de traduction se distinguent de la prose scientifique rédigée dans une perspective omnisciente. Ils remettent en question les dichotomies traditionnelles qui opposent l’écriture à la traduction, la théorie à la pratique ou la critique à la créativité, et ils déconstruisent les concepts théoriques d’un point de vue subjectif et incarné (Grass 2023).

Dans un troisième temps, la conférence abordera les journaux d’apprentissage et les carnets de bord que les enseignantes ont fait produire à leurs étudiantes dans le cadre de cours de traduction ou de traductologie (Li, 1998 ; Gile, 2004 ; Orlando, 2011 ; Shih, 2011 ; Eraković, 2013). Des six types d’écriture de soi mentionnés ci-dessus, les deux derniers sont les moins approfondis en traductologie, mais ils mériteraient une exploration approfondie.

Ces différentes formes d’écriture de soi, qui sont moins institutionnalisées que l’écriture académique, revêtent une importance particulière en traductologie étant donné que de nombreuses chercheuses sont également traductrices (soit des « praticiennes-chercheuses », dans les termes de Gile [1994]). L’auto-écriture stimule la créativité et produit des données au sujet des chercheuses, des traductrices et des étudiantes. De plus, elle crée chez les chercheuses un « lien affectif » avec leur objet de recherche et suscite une « motivation joyeuse » qui peut à son tour améliorer la qualité des données collectées (Koskinen, 2025). Ces bénéfices se retrouvent également dans la traduction expérimentale, un type de traduction à la fois créative et critique. De même que l’autothéorie, la traduction expérimentale brouille les limites entre pratique et théorie, remet en question certains concepts traductologiques et incite les chercheuses à s’impliquer de manière critique dans leur traduction (Grass, 2023 ; Robert-Foley, 2024). Une pratique critico-créative comme la traduction expérimentale peut en particulier interroger les normes traductives en vigueur à l’ère de l’intelligence artificielle (IA), telles que la productivité et la prévisibilité (Robert-Foley, 2024).

Cette conférence cherche à répondre principalement aux questions suivantes : quels objectifs, pratiques et préoccupations éthiques unissent ces différents genres d’écriture de soi ? Quelles particularités les distinguent ? Quels bénéfices ces formes d’écriture peuvent-elles apporter aux traductrices, aux chercheuses et aux étudiantes ? Que peuvent-elles nous apprendre sur leurs manières de traduire, leurs expériences, leurs identités et leurs émotions ? Dans quelle mesure la traduction expérimentale peut-elle remettre en question les normes de traduction actuelles ? Comment l’IA façonne-t-elle le rapport au soi, à l’agentivité et au récit ? Quels enseignements la traductologie peut-elle tirer de la recherche sur les écritures de soi conduites dans d’autres disciplines ?

Public

La conférence « Écritures de soi et traduction » entend jeter un pont entre les professionnelles (traductrices, interprètes et terminologues), les enseignantes et les chercheuses ; les praticiennes y sont donc les bienvenues. Nous accueillerons également avec plaisir des chercheuses affiliées à des disciplines connexes et ayant pour objet d’étude les journaux et d’autres formes d’écriture de soi.

Voici une liste non exhaustive des sujets que les communications pourront aborder :

(Dans la liste ci-dessous, le substantif « traduction » recouvre tant la traduction, que l’interprétation, l’interprétation en langue des signes et la terminologie.)
 

  • Journaux ou carnets tenus pendant la traduction 
    • Journaux de traduction, journaux de traductrices

    • Mémoires (autothéoriques) de traduction, particulièrement ceux qui ont été rédigés dans des langues minoritaires ou par des praticiennes issues de pays du Sud

    • Autobiographies de traductrices

    • Écritures de soi paratextuelles (préfaces, notes de bas de pages, remerciements ou correspondance)

    • Autothéorie dans une perspective diachronique ou synchronique

    • Mémoire, identité et socialisation professionnelle à différents moments de la vie

    • Écritures de soi, handicap et traduction

    • Écritures de soi, migration et crises

    • Écritures de soi et affects

    • Écritures de soi et traduction militante/engagée

    • Écritures de soi, IA et matérialité

 

  • Journaux ou carnets tenus pendant la recherche
    • Auto-ethnographies (analytiques ou évocatrices) de la traduction

    • Récits ethnographiques à la première personne en ethnographie de la traduction

    • Écritures impliquées

    • Le journal comme méthode de collecte de données

    • Autres méthodes créatives de collecte de données telles que l’écriture de lettres fictives

    • Traductologie militante

    • Écritures de soi et éthique

    • Écritures de soi et trauma

    • Écritures de soi et corps

 

  • Journaux ou carnets visant à soutenir l'enseignement et l'apprentissage

    • Journaux d’apprentissage, journaux de bord ou carnets de bord

    • Journaux d’apprentissage et de formation à l’enseignement

    • Comptes rendus intégrés des problèmes et des décisions

    • Enseignements d’autres disciplines (p. ex. sciences de l’éducation ou ethnographie) qui peuvent être transférés vers la traductologie

 

  • Traduction expérimentale

    • Traduction et écriture créative

    • Traduction et écriture algorithmique

 

Soutien financier 

Cette conférence bénéficie du financement du Fonds national suisse (FNS).

Bibliographie

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