Les neutrinos nous ouvrent La porte des mystères de L’univers
Dans le cadre de la collaboration T2K (Tokai to Kamioka), réunissant plus de 400 physiciens provenant de onze pays différents, des chercheurs ont observé, pour la première fois, la transformation de neutrinos de type «muon» en neutrinos de type «électron». L’observation ouvre la voie à l’étude de la violation, par les neutrinos, de la symétrie CP. Cette théorie fournit une explication possible à l’asymétrie matière-antimatière observée dans l’Univers; elle est donc l’un des grands axes de la recherche en physique des particules. La découverte, à laquelle ont participé de façon importante l’Université de Genève (UNIGE) et des groupes de recherche de l’ETHZ et de l’Université de Berne, est annoncée aujourd’hui, durant la réunion de la Société européenne de physique à Stockholm.
La collaboration internationale T2K s’intéresse de près aux neutrinos, ces particules élémentaires de masse pratiquement nulle, qui n’interagissent quasiment pas avec la matière et qui sont, par conséquent, extrêmement difficiles à détecter. Il en existe trois types connus: les neutrinos muon, électron et tau. Au Japon, les chercheurs du T2K ont concentré leurs efforts sur un phénomène connu sous le nom d’«oscillation de neutrinos», c’est-à-dire lorsqu’un neutrino est détecté sous une forme différente.
Un nouveau type d’oscillation de neutrinos
L’oscillation de neutrinos a été observée par la disparition apparente de certains types de neutrinos, par exemple ceux venant du soleil. L’apparition explicite d’un nouveau type de neutrinos n’avait, elle, jamais été observée. Aujourd’hui, c’est chose faite, puisque les chercheurs du T2K ont pu identifier des neutrinos «muon» se transformer en neutrinos «électron».
Basé à Tokai, sur la côte est du Japon, le JPARC (Japan Proton Accelerator Research Complex) est un complexe de recherche abritant un accélérateur de particules. Grâce à cet appareil, un faisceau de neutrinos a été produit et dirigé vers un gigantesque détecteur souterrain, appelé Super-Kamiokande, situé près de la côte ouest du Japon, à 295 km du JPARC. L’analyse des données récoltées par le détecteur a révélé 28 interactions de neutrinos produisant un électron (ce qui en fait des neutrinos de type électron), soit beaucoup plus que ce à quoi l’on s’attendait. Les scientifiques ont, en effet, découvert la transformation de neutrinos, qui, lorsqu’ils ont été produits, étaient de type muon et qui ont changé de type par la suite, pour devenir des neutrinos électron. Cette observation est une première, qui met en exergue un nouveau type d’oscillation de neutrinos.
Une porte s’ouvre...
L’observation par T2K de l’oscillation de neutrinos «muon» à neutrinos «électron» est une condition nécessaire et une porte ouverte à l’étude de la violation, par les neutrinos, de la symétrie CP. La violation de cette symétrie permet d’effectuer une distinction entre les processus impliquant la matière et ceux impliquant l’anti-matière. Ce phénomène n’avait jusqu’ici été observé que pour les quarks, les plus petites particules composant la matière. Une telle découverte avait d’ailleurs été récompensée par un prix Nobel de Physique en 2000 et en 2008. La violation de la symétrie CP, dans les premiers instants de l’Univers, est une des raisons invoquées pour expliquer une énigme fondamentale en science: l’Univers observable aujourd’hui est constitué de matière, sans aucune quantité significative d’anti-matière.
«Maintenant que T2K a solidement établi cette forme d’oscillation de neutrinos, qui est sensible à la violation de la symétrie CP, la recherche de cette violation va devenir l’une des grandes aventures scientifiques des années à venir, car l’effet observé pour les quarks est beaucoup trop petit pour expliquer l’asymétrie de l’Univers, explique Alain Blondel, professeur au Département de physique nucléaire et corpusculaire de l’UNIGE. La Faculté des sciences de l’UNIGE a été très fortement impliquée et a renforcé la contribution européenne dans ce projet international, en créant des éléments pour le détecteur, avec le soutien du CERN. Nous restons engagés dans ce programme de recherche, grâce auquel nous collecterons 10 fois plus de données qu’actuellement, notamment à l’aide d’un faisceau d’anti-neutrinos en vue de l’étude de la symétrie CP.»
Contact
Alain Blondel, 076 487 40 58
19 juil. 2013