2023

Des billes fécales pour agir au coeur du microbiote intestinal

Une équipe de l’UNIGE, en collaboration avec le CHUV, a mis au point une nouvelle méthode d’encapsulation des bactéries fécales, pour traiter une grave infection intestinale.
 

Microparticules d’alginate contenant des souches bactériennes isolées (particules blanches) et un transplant fécal (particules brunes), avec un zoom sur la structure des microparticules par microscopie électronique à balayage. © CC BY-NC-ND 4.0 - Adèle Rakotonirina et Nathalie Boulens


L’infection à Clostridioides difficile, qui provoque de sévères diarrhées, entraîne le décès de près de 20 000 patient-es en Europe chaque année. C’est l’une des infections nosocomiales les plus fréquemment contractées. Lorsqu’elle récidive, la maladie doit être traitée par transplantation de microbiote fécal. Administré par sonde nasogastrique ou colorectale, notamment, ce traitement s’avère toutefois très contraignant. Des chercheurs/euses de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), ont mis au point de petites billes à prendre par voie orale, qui pourraient révolutionner son administration. Ces travaux sont à découvrir dans l’International Journal of Pharmaceutics.


Présente naturellement chez 15% de la population, la bactérie Clostridioides difficile peut devenir pathogène lorsque les «barrières» protectrices de notre flore intestinale se trouvent fragilisées. C’est le cas, en particulier, après une prise d’antibiotiques prolongée et répétée. Clostridioides difficile provoque alors d’importantes diarrhées et peut entraîner une inflammation très sévère du côlon, appelée colite pseudo-membraneuse. Avec plus de 124 000 cas par an en Europe, il s’agit de l’une des infections nosocomiales les plus fréquentes. Elle s’avère mortelle dans environ 15% des cas.


Traitée par antibiotiques, l’infection récidive chez une personne sur trois. La transplantation de microbiote intestinal est alors recommandée. Elle consiste à prélever de la flore intestinale dans les selles d’un-e donneur/euse sain-e, pour la transférer dans le tube digestif de la personne atteinte. Ce traitement efficace, qui permet de reconstituer le microbiote intestinal, est toutefois très inconfortable: on l’administre par sonde nasogastrique ou colorectale, ou par lavement. Il existe des gélules orales mais, en raison de leur taille (8,2mm de large et 23,3mm de long) et de leur posologie (30 à 40 gélules, à prendre sur 2 jours), leur prise est également très contraignante.


Des petites billes révolutionnaires

Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), en étroite collaboration avec le Service des maladies infectieuses et le Service de pharmacie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), a mis au point une nouvelle technologie permettant de surmonter la majeure partie de ces obstacles. «Notre technique permet d’encapsuler vivants les micro-organismes présents dans les selles du donneur ou de la donneuse, dans de petites perles d’environ 2 millimètres à prendre par voie orale», explique Adèle Rakotonirina, doctorante à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE et à l’Institut des sciences pharmaceutiques de Suisse occidentale (ISPSO), première auteure de l’étude.


Ces billes ont l’avantage de contenir la même quantité de bactéries vivantes que les gélules prescrites actuellement, mais dans un volume dix fois moins important. Pour les concevoir, les scientifiques ont mélangé de la matière fécale à de l’alginate, soit des sucres ou biopolymères issus d’une algue brune de la famille des Phaeophyceae. Ce «mix» de sucres et de selles a ensuite été plongé, goutte par goutte, dans de l’eau contenant du chlorure de calcium. Cette opération a eu pour effet de gélifier ces gouttes. L’eau qu’elles contenaient a ensuite été extraite par lyophilisation pour aboutir à de petites billes solides, capables d’acheminer les bactéries souhaitées jusque dans les intestins.


Faciles à administrer

«Lors de leur administration, ces billes brunâtres peuvent être facilement dispersées dans un liquide ou un aliment agréable à consommer. Elles n’ont pas de goût. Elles pourraient donc grandement faciliter la prise du traitement, en particulier pour les enfants», indique Eric Allémann, professeur ordinaire à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE et à l’Institut des sciences pharmaceutiques de Suisse occidentale (ISPSO), dernier auteur de l’étude.


Cette technologie, qui devra faire l’objet de tests cliniques, ouvre de nouvelles perspectives prometteuses pour lutter contre l’infection à Clostridioides difficile. La prochaine étape, pour l’équipe de recherche, consistera à lier les échantillons de microbiote fécal à d’autres polymères, afin de définir le mélange permettant l’acheminement optimal des bactéries jusque dans les intestins.

9 mai 2023

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