Révéler l’architecture cellulaire cachée du plancton

Publié le

Des scientifiques de l’UNIGE et de l’EMBL dévoilent la structure interne de plus de 200 espèces de plancton, ouvrant la voie à un atlas cellulaire mondial.

Image obtenue par microscopie à expansion de Lacrymaria, un micro-organisme eucaryote cilié, prélevé dans des échantillons environnementaux. © Felix Mikus/EMBL

Le plancton est essentiel à la vie sur Terre: il joue un rôle fondamental dans les écosystèmes marins et influence le climat. Pourtant,  l’imagerie 3-D à l’échelle nanoscopique de ces micro-organismes restait un défi, limitant la compréhension de leur complexité biologique. Des chercheurs et chercheuses de l’Université de Genève (UNIGE) et du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) ont réussi à visualiser la structure interne de plus de 200 espèces microbiennes eucaryotes, dont de nombreuses espèces planctoniques, grâce à une technique innovante appelée «microscopie à expansion ultrastructurale» (U-ExM). Leur étude, publiée dans Cell, ouvre la voie à un atlas planétaire de la diversité cellulaire du plancton eucaryote.

Le plancton, une communauté diverse d’organismes microscopiques qui comprend des eucaryotes microbiens marins (cellules dotées d’un noyau), est le moteur invisible des écosystèmes marins. Il produit de l’oxygène et constitue la base de la chaîne alimentaire océanique. Il est également incroyablement diversifié, avec des dizaines de milliers d’espèces décrites à ce jour, et bien d’autres encore qui restent à découvrir.

Nous avons passé trois jours et trois nuits à fixer ces échantillons; c’était un véritable trésor qu’il ne fallait pas laisser filer!

Une technique qui repousse les frontières du vivant

Fruit d’une collaboration entre les groupes d’Omaya Dudin, de Paul Guichard et Virginie Hamel de la Faculté des sciences de l’UNIGE et de Gautam Dey à l’EMBL, cette recherche s’appuie sur une méthode de microscopie à haute résolution permettant d’examiner le plancton marin sous un nouveau jour. La microscopie à expansion consiste à insérer les échantillons biologiques dans un gel transparent qui se dilate après l’absorption d’eau, agrandissant ainsi leurs structures internes de manière proportionnelle. Optimisée en U-ExM (Ultrastructure Expansion Microscopy), cette technique permet d’explorer l’organisation interne des cellules et de contourner les obstacles liés à la paroi cellulaire, rendant visibles des détails jusque-là inaccessibles.


Des côtes européennes au monde microscopique

L’étude s’inscrit dans le cadre de l’expédition Traversing European Coastlines (TREC) menée par l’EMBL pour explorer la biodiversité côtière. Les campagnes d’échantillonnage à Roscoff (France) ont permis aux scientifiques d’accéder à de vastes collections de micro-organismes marins. «Nous avons passé trois jours et trois nuits à fixer ces échantillons; c’était un véritable trésor qu’il ne fallait pas laisser filer», se souvient Felix Mikus, co-premier auteur de l’étude, qui a effectué son doctorat au sein du groupe de Gautam Dey à l’EMBL et est aujourd’hui postdoctorant dans le laboratoire Dudin, au Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE.


La microscopie à expansion offre un grossissement de quatre à seize fois de l’échantillon biologique: «Combinée à la microscopie optique classique, elle dépasse les limites standard de résolution de la lumière, ouvrant une nouvelle fenêtre sur l’architecture cellulaire», explique Armando Rubio Ramos, co-premier auteur et postdoctorant au sein du groupe Guichard-Hamel du Département de biologie moléculaire et cellulaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE.


Cartographier l’évolution de l’architecture cellulaire

En analysant plus de 200 espèces, les chercheurs et chercheuses ont mené l’une des études les plus vastes sur la diversité du cytosquelette chez les eucaryotes planctoniques. Ils et elles se sont concentrées sur les microtubules et les centrines, éléments clés du squelette cellulaire qui déterminent la forme, le mouvement et la division des cellules. Cette approche a permis de cartographier l’organisation de ces structures chez de nombreux groupes eucaryotes. «Cette échelle d’analyse permet désormais d’émettre des hypothèses évolutives sur la diversification des architectures cellulaires», souligne Hiral Shah, postdoctorante à l’EMBL et co-première auteure.


Cette recherche collaborative ne se limite pas à percer les secrets de l’organisation cellulaire: elle démontre aussi le potentiel de la microscopie d’expansion pour l’étude d’échantillons naturels complexes, directement issus des milieux marins. Elle marque une étape majeure vers une exploration à grande échelle et à haute résolution de la biodiversité, reliant enfin les données génomiques à la physiologie cellulaire.


Télécharger la version PDF


Contacts

Omaya Dudin 
Professeur assistant
Section de chimie et biochimie
Département de biochimie
Faculté des sciences
+41 22 379 10 97
Omaya.Dudin(at)unige.ch

Virginie Hamel
Maitre d’enseignement et de recherche
Département de biologie moléculaire et cellulaire
Faculté des sciences
+41 22 379 67 35
Virginie.Hamel(at)unige.ch


Illustrations haute définition


Cette recherche est publiée dans
Cell
DOI: 10.1016/j.cell.2025.09.027


 

Nos expert-es

Parler aux spécialistes de toutes disciplines

La photothèque

Découvrir et télécharger les images de l’UNIGE

Les archives

Tous nos communiqués depuis 1996

S'abonner aux communiqués de presse
media(at)unige.ch

Université de Genève

24 rue Général-Dufour

CH-1211 Genève 4

T. +41 22 379 77 96

F. +41 22 379 77 29