Expositions de l'UNIGE

DES CATÉGORIES LÉGALES ÉTANCHES

La binarité du droit, et particulièrement l’étanchéité des catégories légales femme-homme, entraîne des difficultés quotidiennes pour les personnes qui ne s’y reconnaissent pas. Contrairement à d’autres pays (Australie ou Allemagne, par exemple), le droit suisse ne prévoit pas de troisième genre ou de genre neutre à l’état civil, et ne permet donc pas à une personne non binaire de se voir reconnue juridiquement de la sorte.

UN CHANGEMENT DE SEXE QUI RESTE DIFFICILE LÉGALEMENT EN SUISSE

La procédure de changement de sexe légal reste pour l’heure floue et difficile. Elle n’est en effet pas prévue par la loi, mais relève d’une construction
jurisprudentielle. Les critères permettant un changement de sexe à l’état civil sont peu clairs et largement laissés à la libre appréciation des juges. Une jurisprudence du Tribunal fédéral de 1993 impose un «changement de sexe irréversible» afin de pouvoir modifier le sexe inscrit à l’état civil. Cette notion est sujette à interprétation et est appliquée de manière différenciée selon les juges. Dans des cas qui restent isolés,,les tribunaux ont admis que la volonté de la personne trans*, assortie d’un diagnostic médical de «dysphorie de genre», permettait un changement de sexe légal. D’autres juges exigent cependant des traitements hormonaux ou des opérations génitales conséquentes, alors même que la personne ne les souhaite pas forcément. Ces opérations mènent de fait à la stérilisation; or le fait d’exiger la stérilisation, ou des opérations menant à la stérilisation, a été jugé contraire au droit au respect de la vie privée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2017.

SEULE L’AUTODÉTERMINATION DEVRAIT COMPTER

Au-delà de l’incertitude qu’ils entraînent, ces critères imposent une évaluation externe (médecins, juges, etc.) à la personne demandant à changer de sexe légal. En mai 2018, le Conseil fédéral a proposé une modification du Code civil afin de faire dépendre le changement de sexe légal de l’autodétermination de la personne concernée. La proposition indique par ailleurs que le Conseil fédéral juge indispensable de maintenir les catégories femme-homme en droit suisse, démontrant ainsi que le système juridique suisse n’est pas près de se départir de sa binarité.


CAMILLE VALLIER et NESA ZIMMERMANN, juristes

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+