Présentation

Cadrage du colloque

Depuis plusieurs décennies, les connaissances scientifiques en formation des adultes sont alimentées par des recherches menées dans un large éventail de champs disciplines. Elles se situent à différents niveaux de l’activité humaine (individuel, collectif, organisationnel) et ont permis de documenter une très large palette de problématiques, dont notamment la question de l’apprentissage, du développement ou de l’émancipation des adultes dans les environnements complexes dans lesquels ils évoluent.

Les visées de la recherche en formation des adultes

Les recherches en formation des adultes présentent bien souvent un caractère « praxéologique » ou finalisé. Elles visent à soutenir les publics de la formation dans leurs parcours d’étude et de travail, mais aussi plus largement dans leurs parcours de vie. Cela suppose de s’intéresser à l’ensemble du champ d’application de la formation, depuis l’acquisition des savoirs et des habiletés nécessaires aux adultes jusqu’aux manières dont la formation contribue à leur trajectoire d’émancipation. Ces différentes visées ne sont ni étrangères ni étanches les unes aux autres, mais intimement interdépendantes, en ce qu’elles mobilisent et modifient la cognition, l’affectivité et les relations sociales des personnes formées.

La part des collaborations dans la recherche et la formation

Aussi cette tradition de recherche en formation des adultes s’est-elle élaborée au fil d’étroites et multiples collaborations entre terrains et laboratoires, entre formateur-trices et chercheur-cheuses, mais aussi avec la participation d’autres acteurs de la formation (adultes en formation, concepteurs de politiques et de programmes de formation, décideurs…). Elle repose, de longue date et encore aujourd’hui, sur les principes d’une relation de fertilisation croisée entre une logique de production de connaissances scientifiques et une mise en œuvre à la fois informée et outillé d’actions de formation au bénéfice des acteurs. Ces rapports peuvent s’établir de manière directe, locale, entre les acteurs-trices concerné-es, et/ou de façon plus indirecte, plus globale, entre les « champs » auxquels ces acteurs-trices appartiennent, avec une grande diversité de situations entre ces deux pôles.

Les rapports « globaux » entre recherche et formation se situent dans les manières dont les pratiques de formation et de recherche s’informent mutuellement. La formation fournit des accès à la réalité du travail des formateur-trices et des formé-es, et aux conditions sociales, techniques, politiques et organisationnelles de sa mise en œuvre. La recherche produit des indicateurs, des données, des analyses, des modèles, et des préconisations, qui contribuent plus largement à la collaboration entre le monde de la recherche académique et les politiques institutionnelles, les politiques publiques ou le monde des entreprises.

La participation des acteurs-trices de la formation

Les rapports plus « locaux » entre recherche et formation se concrétisent sous différentes formes de collaboration entre acteurs-trices de la recherche et acteurs-trices de la formation, qui s’étendent de la participation de formateur-trices à des recherches (en tant qu’informateurs, sondés, enquêtés) à des formes de coopération très étroites et moins asymétriques (recherches participatives par exemple). Celles-ci concernent notamment la co-définition de problématiques de recherche, la co-analyse « chercheur-es-praticien-nes », la conception collaborative de dispositifs de recherche et de formation, ou encore la conception continuée dans l’usage de formations.

Aussi le colloque aura-t-il pour but de documenter, de discuter, et de questionner les rapports entre recherche et formation à partir de comptes-rendus d’études, d’interventions, d’expérimentations menées dans les domaines professionnels comme dans d’autres domaines. Il a pour ambition de contribuer aux analyses nécessaires à un renouvellement des rapports entre recherche et formation vers des pratiques collaboratives plus désirables, tant pour soutenir et favoriser les apprentissages que pour générer de nouvelles connaissances scientifiques.

Pour atteindre ces objectifs, le colloque sollicite des contributions empiriques, conceptuelles et méthodologiques de la part des acteurs-trices de la recherche et de la formation (formateur-trices, responsables de formation, responsables institutionnels, concepteur-trices, etc.). Ces contributions seront thématisées selon trois axes, décrits ci-dessous.

Ce premier axe invite à une réflexion sur les enjeux et les questions vives en matière de formation des adultes, dans un contexte de profondes mutations et transitions écologiques, économiques, technologiques et sociales. Ces transformations ont le potentiel de bouleverser les pratiques des acteurs-trices de la (recherche en) formation.

Par exemple, face à une défiance tenace envers le monde scientifique, rendue notamment visible pendant la pandémie de COVID-19, de plus en plus de chercheur-cheuses se donnent pour objectif de faire connaitre leurs travaux et de vulgariser leurs contributions (par des textes, des vidéos, des conférences) afin de les rendre accessibles aux citoyen-nes, en misant sur leur capacité d’autoformation.

De leur côté, les formateur-trices ont un rôle à jouer pour outiller les personnes concernées par ces mutations, mais aussi pour aider les professionnel-les à prendre soin de leur travail ou des bénéficiaires de leurs services.

Définir les rôles de la recherche et de la formation dans la société d’aujourd’hui implique de déterminer leur utilité sociale, sans nécessairement verser dans l’utilitarisme. Il s'agira donc d'identifier les enjeux et besoins actuels et à venir auxquels répondre, mais aussi leur évolution, en lien avec les transformations des pratiques, notamment de travail.

Comment la recherche s’empare-t-elle de ces réalités pratiques et des enjeux associés ? Qu’attendent ou qu’espèrent concrètement les professionnel-les de la formation de la recherche en formation dans ce domaine ? Comment s’appuyer sur les acquis de la recherche pour développer des pratiques de formation permettant de répondre aux enjeux contemporains ?

Des comptes-rendus de recherche et de recherche-intervention illustrant des manières variées de répondre à toutes ces questions sont attendus dans ce premier axe thématique. Des analyses critiques, politiques, sociologiques, philosophiques seront également bienvenues.

Le deuxième axe porte sur la coopération et les partenariats entre les individus, les collectifs et les institutions de la recherche, du travail et de la formation, qu’ils soient praticien-nes ou bénéficiaires de ces services.

Il s'agira d'explorer les modèles de collaboration qui peuvent renforcer les liens entre les différentes catégories d’acteurs impliqués : professionnel-les de la formation et de la recherche, personnes formé-es, décisionnaires, ou en charge des politiques et programmes de formation, personnes bénéficiaires du travail des personnes formées, etc.

Ces modèles de collaboration peuvent concerner les institutions de recherche et de formation, les entreprises, les associations et toutes les communautés concernées par des enjeux d’apprentissage et de développement, mais aussi de performance et de soutenabilité. Les stratégies, démarches et dispositifs permettant la réussite de ces partenariats seront présentés et discutés, mais aussi les obstacles et impasses à éviter.

L’implication des professionnel-les de la formation dans la recherche peut prendre plusieurs formes : la co-définition de problématiques de recherche, la conception collaborative de dispositifs de recherche et de formation, la co-analyse « chercheur-es-praticien-nes », ou encore la conception continuée dans l’usage en formation.  Relativement récentes, ces formes d’association entre formation et recherche occasionnent un accroissement ou une intensification de sa dimension participative et apprenante. Elles restent néanmoins peu documentées.

Ces formats de participation renouvelés concernent aussi les bénéficiaires du travail (usager-es, patient-es, client-es, étudiant-es, etc.), et plus largement des personnes concernées, en particulier par les relations de service. Dans le secteur de la santé par exemple, patients instructeurs, patients mentors, patients partenaires, patients simulés sont ainsi associé-es de manière croissante à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation de dispositifs de formation visant à mieux prendre en compte l’expérience, l’expertise et l’expression des patient-es dans les pratiques de soin. Mais ces pratiques basées sur la même intention existent dans bien d’autres domaines, comme celui des personnes en situation de handicap, dans la formation aux compétences de base, plus globalement en entreprise, etc. Initiées par des préoccupations éthiques plus profondes, ces pratiques semblent en avance sur les recherches qui devraient les analyser et contribuer à leur amélioration.

En quoi ces nouveaux partenariats entre personnes concernées par la formation influencent-ils les pratiques, et quels sont leurs résultats ? Comment prendre la mesure des effets produits par ces coopérations d’un nouvel ordre aux différents niveaux où ils s’exercent ? Quelles sont les conditions de faisabilité organisationnelle et institutionnelle de tels partenariats ?

Ce deuxième axe thématique devrait permettre d’apporter un soutien empirique et conceptuel à ces questions. Des comptes-rendus d’expérimentation et d’analyse de ces pratiques de conception participative auront toute leur place dans cet axe thématique.

Cet axe thématique vise à soutenir la conception, l’expérimentation et l’évaluation de méthodologies d’étude et d’intervention pédagogiques qui proposent des articulations nouvelles et fécondes entre recherche et formation.

Recherche-action et recherche-intervention sont les modalités qui correspondent le plus souvent à ces visées. Elles sont connues, éprouvées et documentées de longue date dans le domaine de la formation des adultes. Leur principe commun est de poursuivre une double visée : épistémique (production de connaissances fiables) et transformative (influence sur les situations de formation ciblées). Au-delà de ce principe simple, une multitude de visées, d’ancrages théoriques et de méthodes peuvent être identifiés.

Les méthodologies de formation et de recherche peuvent-elles s’inspirer et se féconder mutuellement ? De nouvelles instrumentations méthodologiques sont-elles possibles et souhaitables pour concevoir et mettre en œuvre des formations ainsi que les recherches qui les étudient ? De nouveaux observatoires et de nouvelles techniques de recueil, de traitement et d’analyse de données sur la formation ont-elles déjà fait la preuve de leur efficacité ? 

Ce troisième axe prolonge les thématiques qui précèdent par des considérations méthodologiques. Des comptes-rendus de méthodologies inédites d’intervention et de recherche en formation sont espérés, ainsi que des contributions plus analytiques et critiques sur les méthodes existantes.