Histoire d’un strip-tease cosmique
Elle est brillante, visible à l’œil nu, et pourtant jusqu’à récemment elle n’intéressait pas spécialement les scientifiques. Gamma Columbae, étoile de la constellation de la Colombe, située à environ 900 années-lumière de la Terre, vient pourtant de révéler son étonnante histoire: elle serait le cœur d’une ancienne étoile binaire – son enveloppe aurait disparu en même temps qu’elle avalait la compagne avec laquelle elle gravitait. Une équipe internationale de scientifiques, parmi lesquels l’astrophysicien Georges Meynet de l’UNIGE, vient de faire part de cette découverte dans la revue Nature Astronomy.
Image obtenue par le télescope ALMA d’une étoile ayant probablement
la même histoire que Gamma Columbae. © Wikimedia
L’intérêt pour cette étoile est presque le résultat du hasard: des scientifiques ont remarqué que sa composition chimique en surface était très différente de celle des étoiles de masse comparable. «Elle correspond à celle que l’on s’attend en fait à trouver dans les régions centrales d’étoiles trois à quatre fois plus massives, là où les réactions nucléaires modifient la composition de la matière», explique Georges Meynet. Qui a donc cherché une explication.
Avec son équipe, il a simulé l’évolution de l’étoile en l’imaginant au départ trois fois plus massive qu’elle n’est et en lui enlevant son enveloppe extérieure. Le résultat de cette simulation correspond aux observations, indiquant que Gamma Columbae pourrait être le cœur mis à nu d’une étoile initialement plus massive. Mieux encore: les modèles d’étoiles simples ne pouvant expliquer la perte d’une enveloppe, les scientifiques pensent que Gamma Columbae provient à l’origine d’un système binaire, c’est-à-dire qu’elle orbitait avec une autre étoile autour d'un centre de gravité commun. «Notre hypothèse est qu’elle a avalé sa compagne. Le phénomène aurait provoqué des réactions importantes, et notamment l’éjection de sa propre enveloppe», explique Georges Meynet.
Explosion prévue dans 1 à 2 millions d’années
Compte tenu de sa composition actuelle, Gamma Columbae serait à 90% de son temps de vie estimé à une bonne dizaine de millions d’années. Il lui resterait moins de 2 millions d’années à vivre avant d’exploser. «Elle se trouve dans une phase d’évolution assez courte et très rarement observée», s’enthousiasme Georges Meynet, qui dispose désormais d’un objet d’étude pour se pencher en détails sur l’histoire et le devenir des étoiles binaires. Pour l’instant, les scientifiques ne savent pas si ces étoiles sont rares ou si leur détection n’est pas encore optimale. Mais la découverte des propriétés de Gamma Columbae montre qu’une étoile pourtant accessible depuis longtemps à l’observation cachait une histoire beaucoup plus complexe qu’imaginée, laissant espérer que d’autres étoiles révèlent un jour des propriétés insoupçonnées.
Lien vers l'article sur Nature Astronomy
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