Comment la cellule optimise le fonctionnement de ses centrales énergétiques
Les mitochondries, qui sont probablement dérivées de lointains ancêtres bactériens incorporés dans nos cellules, possèdent leur propre ADN. Or, nous ne savons que peu de choses sur comment ces organites, qui convertissent l’oxygène et les aliments consommés en énergie, régulent l’expression de leurs propres gènes. L’équipe de Jean-Claude Martinou, professeur à l’Université de Genève (UNIGE), vient de découvrir l’existence de compartiments au cœur des mitochondries, formés de plusieurs centaines de protéines différentes. C’est là que convergent les molécules d’ARN (les nombreuses copies d’ADN), pour y être traitées et entamer leur maturation. Fortes de leurs équipements enzymatiques en tous genres, ces usines d’assemblage baptisées ‘granules d’ARN mitochondriaux’, sont décrites dans la revue Cell Metabolism. Bon nombre de pathologies associées à des troubles des mitochondries pourraient être causées par des granules d’ARN mitochondriaux dysfonctionnels.
Les mitochondries, présentes en nombre variable dans chacune de nos cellules, sont de véritables centrales énergétiques. Ces organites produisent en effet de l’énergie à partir de la combustion de nutriments, afin que les cellules l’utilisent pour exécuter leurs tâches quotidiennes. Contrairement aux autres organites de la cellule, qui ne sont soumis qu’aux lois dictées par l’ADN cellulaire, les mitochondries possèdent leur propre génome. Ceci résulte probablement d’une symbiose, opérée au cours de l’évolution, entre leurs lointains ancêtres bactériens et les cellules de l’époque.
Des copies d’ADN «tout en un»
L’ADN mitochondrial humain code notamment pour diverses protéines impliquées dans l’appareillage moléculaire servant à produire l’énergie. Ce matériel génétique est transcrit en de longues molécules d’ARN - des copies -, qui comprennent aussi bien des instructions pour fabriquer ces protéines que des ‘outils’ de montage. Ce type de disposition, sous forme de ‘kit tout en un’, représente un autre atavisme bactérien.
«Nous ne savons pas vraiment comment les mitochondries régulent l’expression de leurs gènes. Ces longues molécules d’ARN précurseur, qui n’existent nulle par ailleurs dans la cellule, doivent être traitées de façon particulière, avec une machinerie spécifique à cet organite», relève Jean-Claude Martinou, professeur au Département de biologie cellulaire de la Faculté des sciences. En collaboration avec des chercheurs de l’Université de Newcastle, son équipe a entrepris de débusquer ce type de structure.
Des maladies liées à des mutations de l’ADN mitochondrial
«Nous avons notamment suivi à la trace des molécules d’ARN rendues fluorescentes et avons observé leur convergence et leur accumulation dans des compartiments jusqu’alors inconnus, rapporte Alexis Jourdain, membre du groupe et premier auteur de l’article. Formées de plusieurs centaines de protéines différentes, il s’agit de structures de relativement grande taille». Parmi ces protéines se trouvent plusieurs enzymes connus pour jouer un rôle dans la transformation de l’ARN en entités actives. Les molécules d’ARN précurseur rassemblées dans ces compartiments sont donc découpées en parties correspondant à leurs divers composants: les instructions pour fabriquer chaque protéine, ainsi que les différents ‘outils’ de montage.
«Ces usines d’assemblage, qui concentrent la machinerie de traitement de l’ARN, ont été baptisées ‘granules d’ARN mitochondriaux’. Il est désormais possible d’explorer plus en détail les différentes étapes de la maturation de l’ARN mitochondrial et d’en comprendre les mécanismes», explique Jean-Claude Martinou. Une assertion dont l’importance est soulignée par le fait que différentes pathologies sont associées à des dysfonctionnements dans le traitement de cet ARN. Les chercheurs entendent déterminer si des mutations dans la machinerie des granules d’ARN sont impliquées dans le développement de certaines de ces maladies.
Contacts
Jean-Claude Martinou, tél. 022 379 64 43
1 mars 2013