Voyage entre XX et XY - Des chercheurs de l’UNIGE s’approchent du mystère de l’ambivalence sexuelle
C’est à une véritable enquête génétique que s’est livrée une équipe de chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) confrontée au cas d’un enfant souffrant du syndrome Nivelon-Nivelon-Mabille, une pathologie complexe, caractérisée notamment par un trouble du développement sexuel. A partir de l’analyse des génomes du patient et des parents, les scientifiques, sous la direction de Serge Nef, professeur au Département de médecine génétique et développement de la Faculté de médecine, ont identifié non seulement le gène, mais également le mécanisme de production des protéines, dont le mauvais fonctionnement cause le syndrome observé. Publiés dans PLOS Genetics, ces résultats ouvrent la voie à des tests génétiques qui permettront de mieux prendre en charge les patients et leurs familles.
Chez les êtres humains comme chez tous les mammifères, le développement sexuel est un long processus. Dans la plupart des cas, le sexe génétique (XX ou XY) se traduit par le développement du sexe gonadique correspondant (des ovaires ou des testicules), qui est à la source des hormones mâles ou femelles, elles-mêmes destinées à féminiser ou à masculiniser le fœtus. Mais au cours du développement gonadique, de nombreux accidents de parcours peuvent survenir, générant des altérations et des ambiguïtés très variées. Des défauts lors du développement des ovaires ou des testicules sont observés ou encore un manque de différenciation de ces organes.
Fille ou garçon: pas si simple
Les ambiguïtés sexuelles sont relativement fréquentes, en particulier pour les personnes dont le sexe génétique est XY; en Europe, elles affectent environ une personne sur 4’000. Dans de nombreux cas, bien qu’une origine génétique ne fasse aucun doute, les gènes impliqués demeurent inconnus. Les identifier est nécessaire à la mise en œuvre de tests génétiques. C’est ainsi que, depuis plusieurs années, les chercheurs collectent le plus possible de données sur le génome de patients atteints de diverses formes d’ambiguïté sexuelle.
Les ambiguïtés sexuelles sont relativement fréquentes, en particulier pour les personnes dont le sexe génétique est XY; en Europe, elles affectent environ une personne sur 4’000. Dans de nombreux cas, bien qu’une origine génétique ne fasse aucun doute, les gènes impliqués demeurent inconnus. Les identifier est nécessaire à la mise en œuvre de tests génétiques. C’est ainsi que, depuis plusieurs années, les chercheurs collectent le plus possible de données sur le génome de patients atteints de diverses formes d’ambiguïté sexuelle.
Une mutation génétique particulière
Dans ce contexte, les généticiens de l’UNIGE ont eu l’occasion de se pencher sur le cas d’un enfant, une fillette génétiquement XY présentant un trouble du développement sexuel, avec dysgénésie testiculaire et chondrodysplasie, une maladie ayant pour effet de perturber la croissance du squelette et d’altérer sa structure et sa morphologie. Ils sont parvenus à déterminer, chez cette personne, les éléments cellulaires à l’œuvre dans la formation du sexe gonadique, puis à identifier le facteur génétique en cause.
En utilisant les données de séquençage du génome de cette patiente, les chercheurs ont identifié une mutation sur le gène HHAT, un gène largement exprimé dans les organes humains lors du développement du fœtus, y compris dans les testicules et les ovaires au moment de la détermination sexuelle. HHAT a pour fonction de coder une enzyme indispensable au bon fonctionnement des protéines dites Hedgehog (de l’anglais hérisson), qui, elles, jouent un rôle essentiel dans le développement embryonnaire.
C’est le mauvais fonctionnement de ces protéines Hedgehog qui est à l’origine des troubles dont souffre la patiente, des troubles qui affectent non seulement son développement sexuel, mais aussi sa croissance.
Une hypothèse confirmée
in vivo
Pour confirmer leur découverte, les généticiens ont ensuite créé un modèle de souris. Ils ont pu y observer que la mutation interfère avec une activité précise du gène HHAT et que les souris chez qui le gène HHAT n’était pas fonctionnel présentaient une dysgénésie testiculaire et d’autres problèmes développementaux aux niveaux squelettique, neuronal et de la croissance. Des problèmes qui ne sont pas sans rappeler la plupart de ceux que présente la jeune patiente.
Dans les testicules en développement, le gène HHAT joue un rôle dans la formation du cordon testiculaire proprement dit et dans la différenciation des cellules de Leydig fœtales; ces dernières, qui produisent des androgènes contribuant à la masculinisation du fœtus, et, plus tard, de l’individu, étaient absentes des testicules des souris mutantes.
De manière générale, ces résultats apportent un éclairage différent sur les mécanismes d’action des protéines Hedgehog et fournissent une nouvelle preuve clinique du rôle essentiel joué par ces protéines dans l’organogenèse des testicules humaines et du développement embryonnaire.
«En partant du cas de cette patiente, nous avons pu remonter la piste génétique jusqu’à la cause de l’ambiguïté sexuelle et des autres troubles du développement présents», souligne Serge Nef. «L’identification du gène en cause et du mécanisme qui ne fonctionne pas dans la norme nous permettra de poser un diagnostic, de développer des tests génétiques et de mieux prendre en charge les patients souffrant de ce syndrome».
Si l’on ne peut pour l’heure guérir les patients souffrant d’ambiguïté sexuelle et de ses conséquences, le diagnostic posé relativement tôt dans la vie des enfants permettra de prévoir comment ils se développeront par la suite et de proposer des stratégies thérapeutiques adéquates.
Contact:
Serge Nef, tél.: +41 22 379 51 93