2016

La Suisse embobine la supraconductivité

bobine
Détail de la bobine supraconductrice novatrice conçue et fabriquée par des chercheurs de l’UNIGE et Bruker BioSpin. © L. Windels – UNIGE

La supraconductivité est au coeur de nombreuses études en physique, de par ses caractéristiques électroniques permettant le transport de courant sans pertes et la création de champs magnétiques très intenses. Ces champs magnétiques sont un élément indispensable pour l’imagerie médicale et pour l’analyse des molécules complexes comme celles utilisées dans les médicaments, mais aussi pour les accélérateurs de particules. Afin de permettre la création de champs magnétiques toujours plus élevés, des physiciens de l’Université de Genève (UNIGE) se sont associés à une équipe de R&D de l’entreprise Bruker BioSpin basée à Fällanden (ZH), Suisse. Cette collaboration, débutée en 2012 et financée en partie par le Fonds national suisse (FNS), a porté ses fruits. En effet, les chercheurs de l’UNIGE et de Bruker BioSpin ont mis au point et testé avec succès la première bobine supraconductrice pouvant générer un champ magnétique de 25 teslas. Une première en Europe.

De nos jours, les aimants utilisés dans la résonance magnétique nucléaire (RMN) et l’imagerie médicale par résonance magnétique (IRM) représentent les principales applications commerciales de la supraconductivité. La RMN, utilisée notamment dans l’industrie chimique et pharmaceutique, permet de découvrir de nouvelles molécules, d’étudier la structure des protéines ou d’analyser le contenu des aliments. Elle s’avère essentielle pour le développement de médicaments ou le contrôle qualité des composés chimiques. Les appareils de mesure existants, fabriqués notamment par la société Bruker BioSpin, leader mondial dans ce domaine, parviennent aujourd’hui à produire des champs magnétiques allant jusqu’à 23,5 teslas. Cette limite est liée aux propriétés physiques des matériaux supraconducteurs classiques utilisés pour générer le champ magnétique. «Cependant, le besoin de spectromètres plus performants se fait ressentir dans le domaine biomédical», explique Carmine Senatore, professeur au Département de physique de la matière quantique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. «En effet, plus le champ magnétique est élevé, meilleure est la résolution des structures moléculaires. L’objectif de notre collaboration était donc d’atteindre l’intensité record de 25 teslas à l’aide de nouveaux matériaux supraconducteurs disponibles. Un véritable défi scientifique et technologique. Il s’agit aussi d’un jalon important permettant le transfert de technologies cruciales pour le développement des produits commerciaux de RMN à ultra haut champ.»

Pour créer le champ magnétique de 25 teslas, les chercheurs ont combiné un aimant de laboratoire, c’est-à-dire un «laboratory magnet» fabriqué par Bruker produisant 21 teslas, déjà installé à l’UNIGE, avec une bobine supraconductrice novatrice permettant d’augmenter le champ de 4 teslas supplémentaires ; soit au total, un champ bien au-delà des 23,5 teslas générés par les bobines supraconductrices classiques. Pour fonctionner, la bobine doit être refroidie avec de l’hélium liquide à une température de -269°C (4.2K). Le supraconducteur choisi pour atteindre un tel champ est une céramique à base d’oxyde de cuivre, l’YBCO. Une couche d’un micron de supraconducteur recouvre un ruban très fin en acier qui est ainsi enroulé sur un support pour obtenir la bobine. 140 mètres de ruban de 3 mm de large ont été nécessaires pour la réalisation de la bobine supraconductrice en question. Pour réaliser cet ouvrage, de nombreux types de rubans supraconducteurs disponibles dans le commerce ont été étudiés et testés systématiquement de façon à comprendre et à contrôler leurs propriétés électriques, magnétiques, mécaniques et thermiques. Il fallait donc trouver le bon dosage dans la constitution du ruban afin que celui-ci soit capable de transporter un courant élevé sans chauffer et de résister à l’embobinage ainsi qu’aux forces magnétiques sans se dégrader. C’est aujourd’hui chose faite.

«En plus de permettre une résolution bien plus élevée, qui donnera certainement une impulsion à la communauté scientifique et au réseau d’institutions œuvrant à la pointe de la science moléculaire, l’utilisation de l’YBCO permettra également de simplifier le fonctionnement des spectromètres à RMN qui auraient alors besoin de systèmes de refroidissement bien moins compliqués», explique Riccardo Tediosi, responsable du groupe Superconducting Technologies de Bruker BioSpin.

Cette première bobine à champ magnétique de 25 teslas sera une partie centrale et intégrante du laboratoire de supraconductivité appliquée de l’UNIGE. Bien que la bobine ne soit pas encore un produit commercial, le savoir-faire développé pour sa conception et fabrication représente une contribution inestimable pour les systèmes de RMN commerciaux basés sur cette technologie. Ce projet démontre combien la Suisse, ses réseaux d’instituts de recherche et ses sociétés actives dans ce domaine, est capable de maîtriser une telle technologie. Dans un futur proche, cette bobine sera utilisée dans la recherche fondamentale, alors que les scientifiques et les ingénieurs auront pour objectif de constituer un aimant capable de dépasser cette limite de 25 teslas pour, qui sait, générer un jour un champ magnétique stable de 30 teslas.

Contact: Carmine Senatore 022 379 66 69

8 juin 2016

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