2020

Les nanoparticules perturbent les algues

Le nanoargent est utilisé dans de nombreux produits, des textiles aux cosmétiques, pour ses vertus antibactériennes. Mais, à haute concentration, il perturbe également le métabolisme d’algues essentielles à la dynamique du réseau trophique aquatique et à la production de l’oxygène terrestre.

 

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Image de l’absorption de nanoargent par l’algue brune-dorée Poterioochromonas malhamensi, réalisée par microscopie optique. Les nanoparticules perturbent le métabolisme de cette algue. © UNIGE/ Wei Liu

 

Les produits issus de la nanotechnologie sont performants et en plein essor, mais leurs effets sur l’environnement sont encore mal compris. Une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Californie à Santa Barbara, s’est intéressée aux effets du nanoargent, actuellement utilisé dans près de 450 produits pour ses propriétés antibactériennes, sur les algues Poterioochromonas malhamensis. Publiés dans la revue Scientific Reports, leurs résultats montrent que le nanoargent et son dérivé, l’argent sous forme ionique, perturbent l’entièreté du métabolisme de cette algue. Sa membrane devient plus perméable, les dérivés actifs de l’oxygène sont en augmentation et la photosynthèse moins efficace. L’équipe helvetico-américaine démontre pour la première fois que le nanoargent, suite à son absorption dans les vacuoles alimentaires des algues d’eau douce, induit des perturbations métaboliques. Cette étude ouvre la voie à une détection précoce des changements métaboliques induits par les nanoparticules, avant qu’ils ne s’expriment physiologiquement.

 

Le nanoargent est utilisé pour ses propriétés antibactériennes et compose, entre autres, les textiles et les cosmétiques. En outre, l’industrie agroalimentaire, biomédicale et biopharmaceutique s’y intéresse pour développer des appareils, des médicaments, des engrais et des pesticides. «Comme il est destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles comme les bactéries, les scientifiques se sont rendu compte qu’il pouvait également être nocif pour les organismes cruciaux pour notre environnement», indique Vera Slaveykova, du Département F.A. Forel pour les sciences de l’environnement et de l’eau de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Pour évaluer l’influence des produits issus de la nanotechnologie sur le phytoplancton et en mesurer les conséquences pour l’environnement aquatique, la chercheuse et son équipe a mené une étude sur l’algue Poterioochromonas malhamensis, utilisée comme modèle de phytoplancton. «Le phytoplancton est présent un peu partout, dans les lacs et les océans. Il produit presque la moitié de l’oxygène que l’on respire. Elles ont un deuxième rôle essentiel, elles sont à la base de la chaine alimentaire. Si elles accumulent les nanoparticules, celles-ci seront intégrées dans toute la chaine alimentaire aquatique», indique la chercheuse.

 

Perturbation multiple 

L’étude menée par la chercheuse de l’UNIGE démontre que le traitement in vitro de ces algues par le nanoargent perturbe le métabolisme des acides aminés essentiels à la fabrication des protéines cellulaires, le métabolisme des nucléotides important pour les gènes, des acides gras et tricarboxyliques composant les membranes, mais également les éléments de la photosynthèse et de la photorespiration. 

Les résultats de l’étude suggèrent que les ions d’argent, libérés par les nano particules d’argent, sont le principal facteur de toxicité. «Le nanoargent est internalisé dans les cellules d’algues par des mécanismes de phagocytose utilisés pour alimenter les cellules en matière organique», précise Vera Slaveykova. L’étude est la première démonstration que les nanoparticules peuvent emprunter cette voie d’internalisation chez une espèce de phytoplancton. «Ces mesures ont été réalisées à Genève par le Dr Liu. Il a utilisé des techniques de microscopie électronique à transmission. Ce mécanisme d’entrée est connu uniquement chez les Poterioochromonas malhamensis, nous ne savons pas si les autres phytoplanctons l’expriment également», précise la chercheuse. 

Pour finir de démontrer la toxicité du nanoargent, l’équipe internationale de recherche a mis en évidence que les perturbations métaboliques induisent des dysfonctionnements de type physiologiques. Elle a observé une peroxydation des lipides menant à la perméabilisation des membranes, un accroissement du stress oxydatif et une photosynthèse moins efficace, donc une production d’oxygène amoindrie.

 

Une approche à implanter

L’étude souligne tout le potentiel de la métabolomique, à savoir l’analyse de l’ensemble des métabolites d’une cellule comme les sucres ou les acides aminés, pour comprendre la base moléculaire des bouleversements observés. «C’est un apport fondamental au domaine, car si les approches métabolomiques sont en place dans les sciences médicales et pharmaceutiques, il n’en est rien pour la toxicologie environnementale, où la métabolomique du phytoplancton n’en est qu’à ses débuts. Cette technique offre donc la possibilité de détecter de manière précoce les changements induits par une toxine, en amont d’effets plus globaux comme l’arrêt de la croissance des algues et son impact sur la production d’oxygène. Comme il n’est jamais évident de démontrer les relations entre les causes et leurs effets sur des environnements complexes, il est désormais primordial d’utiliser de telles approches», conclut Vera Slaveykova. 

25 nov. 2020

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