2020

Un transplanté sur deux menacés par des infections

Des chercheurs suisses, dont l'UNIGE, démontrent que 50% des personnes transplantées développent des infections sévères dans l'année qui suit l'opération, pouvant conduire à la mort.

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©DR

Un collectif de chercheurs suisses, sous la direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Hôpital universitaire de Zurich, montre que plus de 50% des personnes ayant bénéficié d’une transplantation d’organe développent des infections sévères – d’origine bactérienne dans 60% des cas – dans la première année qui suit la transplantation. Bien que le nombre d’infections à bactéries multi-résistantes soit heureusement faible pour l’instant, la tendance est très alarmante au vu de la progression de la résistance aux antibiotiques en Suisse et dans le monde. Ces travaux sont à découvrir dans la revue Clinical Infectious Diseases.

 

La transplantation d’organes reste la seule chance de survie pour les patients avec une atteinte d’organe terminale. Chaque année en Suisse, 600 personnes reçoivent ainsi un cœur, des reins, un foie, un poumon ou encore un pancréas. Aujourd’hui plus de 5'000 patients vivent en Suisse grâce à un ou des organes transplantés. Pour éviter tout risque de rejet, ceux-ci doivent prendre toute leur vie des médicaments immunosuppresseurs qui les rendent particulièrement vulnérables aux infections (bactériennes, virales ou fongiques) et ce surtout dans les douze mois suivant l’opération, au moment où les doses d’immunosuppresseurs sont les plus importantes. Depuis les années 1980, des prophylaxies sont prescrites à ces patients afin de les protéger contre certaines pathogènes opportunistes, comme le cytomégalovirus, le toxoplasme et le pneumocystis.

«Il n’existait aucune étude recensant les infections chez ces patients sous prophylaxie, indique Christian van Delden, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et responsable de l’Unité d’infectiologie de transplantation des HUG, qui a co-dirigé ces travaux. Mais l’impression qui prévalait était que le risque infectieux diminuait progressivement dès le second mois, parallèlement à la baisse progressive des immunosuppresseurs, qui néanmoins ne peuvent jamais être totalement stoppés». Une telle étude est donc cruciale pour déterminer l’efficacité des prophylaxies actuelles et définir de nouveaux axes d’amélioration de la prise en charge de ces patients particulièrement vulnérables.

Un suivi d’une ampleur exceptionnelle

Près de 3'000 personnes ont été incluses dans l’étude, qui s’est déroulée de 2008 à 2014, soit la quasi-totalité des patients transplantés en Suisse, dans le cadre de la Cohorte suisse de transplantation (Swiss Transplant Cohort Study ou STCS). Financée par le Fonds national de la recherche scientifique, les principaux hôpitaux du pays et l’Office fédéral de la santé publique, cette cohorte assure depuis 2008 le suivi des personnes transplantées, et notamment des complications infectieuses, à des fins de recherche et de standardisation de la prise en charge. «Il s’agit avant tout d’améliorer la qualité de vie et la survie de nos patients», souligne le professeur Nicolas Müller, de l’Hôpital universitaire de Zurich, président du comité scientifique de la STCS.

Que révèle ce suivi? Les prophylaxies préviennent efficacement les infections à cytomégalovirus, toxoplasme et pneumocystis qui sont devenues rares. Cependant, plus de 50% des patients ont présenté un ou plusieurs épisodes infectieux sévères avec d’autres pathogènes, avec des vulnérabilités très différentes selon le type d’organe transplanté. Ainsi, les patients les plus à risque dans les semaines suivant la greffe sont ceux ayant reçu un cœur ou des poumons. Par la suite, les transplantés pulmonaires restent très vulnérables aux infections. Par contre, les patients ayant reçu un rein restent relativement peu exposés aux infections graves. Les types de pathogènes en cause ont également été identifiés: plus de 60% des infections sont d’origine bactérienne, en général causées par des entérobactéries, des bactéries intestinales ayant tendance à développer une résistance aux antibiotiques. A noter que la plupart des infections touchent l’organe transplanté lui-même.

«Pour assurer une prophylaxie et un suivi adéquats, il faut donc prendre en compte la chronologie, le type d’organe transplanté et les bactéries les plus souvent en cause, explique le Prof. Christian van Delden, co-fondateur de la STCS. Nos travaux nous ont permis d’établir une sorte de guide à l’attention des médecins.» La prévention des infections chez les personnes transplantées représente un défi majeur en regard de l’augmentation mondiale de la résistance aux antibiotiques et plaide pour une amélioration des techniques opératoires et le développement de nouvelles thérapies moins enclines à favoriser l’apparition de bactéries multi-résistantes.

Une étude unique au monde

Dans la plupart des pays, les distances entre les centres de transplantation et les lieux de vie des patients sont trop grandes pour permettre un suivi précis des complications infectieuses après la transplantation. En Suisse par contre, ces distances sont faibles et le suivi des patients est assuré par les centres de transplantation eux-mêmes que sont les hôpitaux universitaires de Berne, Bâle, Genève, Lausanne et Zurich, ainsi que l’hôpital cantonal de St-Gall. La haute densité médicale et ses spécificités géographiques font de la Suisse un pays unique pour le suivi de ces patients durant toute leur vie.

Cette étude, la plus grande publiée à ce jour dans le domaine, a été réalisée par un groupe de chercheurs incluant des experts en infectiologie de transplantation de tous les centres suisses (H. Hirsch, M. Weisser et N. Khanna de Bâle, O. Manuel et P. Meylan de Lausanne, A. Cusini, C. Garzoni et C. Hirzel de Berne, K. Boggian de St. Gall, D. Nadal et C. Berger de Zurich).

9 janv. 2020

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