2022

Inciter au lieu de contraindre, le «nudge» prouve son efficacité

Une équipe de l’UNIGE démontre que certaines techniques d’incitation douce, appelées «nudges», sont efficaces pour favoriser certains changements dans nos comportements.

 

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Les "nudges" permettent d'agir sur "l’architecture de choix" des individus. (c) UNIGE 

 

Face à la pandémie ou au changement climatique, citoyennes et citoyens doivent impérativement changer leurs habitudes pour relever les défis sociétaux d’aujourd’hui. Mais comment y parvenir sans recourir à des mesures coercitives? C’est tout l’enjeu des «nudges» en plein essor depuis une décennie. En opérant de petites modifications dans notre environnement, ces interventions visent à favoriser certains changements dans nos comportements, tout en préservant notre liberté de choix. Des labels incitatifs à la réorganisation de l’offre alimentaire dans une cafétéria, l’efficacité globale de ces interventions, encore peu évaluée, vient d’être démontrée par une équipe scientifique de l’Université de Genève (UNIGE). Ces résultats sont à découvrir dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America

 

Développée par l’économiste américain Richard Thaler à la fin des années 2000, la théorie du «nudge» (ou «coup de coude» en français) part du principe que nos choix ne sont pas uniquement déterminés par notre capacité à raisonner en fonction de nos propres intérêts mais sont aussi influencés par certains biais cognitifs, tels que nos émotions, nos souvenirs, l’avis d’autrui ou la configuration de notre environnement direct. Jouer sur ces éléments peut ainsi s’avérer plus efficace qu’une interdiction ou une campagne de sensibilisation pour nous inciter à changer certains comportements, dans notre intérêt ou celui de la collectivité. 

En sciences comportementales, les chercheurs/ses appellent cela «agir sur l’architecture de choix». C’est par exemple le processus à l’œuvre lorsque, dans une cafétéria d’entreprise, les plats les plus sains sont volontairement placés en tête du menu, pour inciter les clients à choisir l’option la plus profitable pour leur santé. Mais sans pour autant porter atteinte à leur liberté. Ce type d’interventions suscite par conséquent un intérêt toujours plus important au sein de la communauté scientifique mais aussi des pouvoirs publics.

 

Plus de 450 stratégies analysées

Malgré cette popularité grandissante, les performances des «nudges» n’avaient pas encore été étudiées dans leur globalité. Grâce à une méta-analyse (démarche statistique visant à synthétiser les résultats de nombreuses études), une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE) est parvenue à démontrer leur efficacité et à identifier les domaines dans lesquels ils sont le plus pertinents. «Nous avons rassemblé plus de 200 articles scientifiques publiés ces quinze dernières années sur le sujet, ce qui représente plus de 450 stratégies de ‘‘nudge’’ passées au crible», indique Stéphanie Mertens, première auteure de cette étude et chercheuse au Laboratoire de décision du consommateur et de comportement durable du Département de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs/ses ont classé les «nudges» décrits dans cette littérature scientifique en trois groupes : «information», «structure», «engagement». Dans le premier ensemble, ils ont réuni les interventions dont l’objectif est d’informer les individus pour les motiver à faire certains choix, à l’instar des labels et des étiquetages de type «nutri-score» que l’on trouve sur certains produits alimentaires. Dans le second ensemble, ils ont regroupé les techniques portant sur la structure d’un environnement. C’est l’exemple, cité ci-dessus, de la mise en avant de certains plats dans une cafétéria.

Enfin, dans le troisième ensemble, ils ont classé les «nudges» impliquant une forme d’engagement, comme dans le cas d’une personne qui cesse de fumer et en avertit son entourage. Mis au courant, ses proches endossent alors la fonction de «garde-fou» dans l’«architecture de choix» du fumeur abstinent.

 

Très performants dans l’alimentation

L’équipe scientifique en a conclu que les trois groupes de «nudges» sont efficaces. Elle note toutefois que les techniques appartenant au second groupe («structure») sont les plus performantes. «Au sein de ces groupes, nous avons également comparé différents domaines d’application, comme la santé, les finances ou la consommation d’énergie. Au final, nous constatons que c’est dans le domaine de l’alimentation que les ‘‘nudges’’ fonctionnent le mieux», explique Tobias Brosch, directeur du Laboratoire de décision du consommateur et de comportement durable.

Tobias Brosch et son équipe ont également observé des disparités dans la qualité des études produites sur le sujet ces quinze dernières années. «Il est impératif que la qualité globale augmente en raison de l’impact que peuvent avoir les ‘‘nudges’’ sur le quotidien des citoyennes et citoyens», explique-t-il. L’ensemble des données synthétisées sont désormais à la disposition des chercheurs et chercheuses.

Cette étude a également pour vocation de devenir un document de référence pour les décideurs politiques, qui souhaiteraient mettre en œuvre ces nouvelles pratiques. «Il faut toutefois garder à l’esprit que les ‘‘nudges’’ sont des outils  puissants, comme le démontre notre recherche. Les ‘‘nudges’’ doivent donc être être utilisés à bon escient et dans le cadre de processus démocratiques et transparents», conclut le chercheur.

 

17 janv. 2022

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