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Une journée de présence à distance : leçons apprises et pratiques à retenir

CAS e-learning

Par Dre Kalliopi Benetos, coordinatrice technopédagogique et intervenante du CAS en Conception et développement de projets e-learning

 

L’unité en Technologies de formation et d’apprentissage (TECFA) de l’Université de Genève offre des programmes de formation hybride et à distance depuis les décennies, et son expertise est reconnue. La Dre Kalliopi Benetos, coordinatrice techno-pédagogique du Certificat de formation continue (CAS) en Conception et développement de projets e-learning, revient sur les restrictions et les difficultés imposées par la crise sanitaire due au COVID-19 et les multiples défis y relatifs.

 

Garder ses distances physiques, mais pas sociales

Le programme de Master MALTT et le certificat de formation continue (CAS) en Conception et développement de projets e-learning sont des formations hybrides qui s’articulent autour d’enseignements en présence et à distance et de travail collaboratif et personnel en ligne. Les cours sont principalement basés sur des pédagogies actives, comme la résolution de problèmes, la collaboration et l’apprentissage par projet. L’équipe pédagogique profite habituellement des journées en présence pour promouvoir l’interaction entre pairs, offrir des démonstrations et des exercices pratiques et pour travailler en groupe. Lorsque la distance sociale est tout à coup devenue la norme à respecter, le défi était évident. « Nous nous devions de toutefois rester fidèles à nos approches pédagogiques : seule la distance physique allait prévaloir ! », explique Kalliopi Benetos, coordinatrice technopédagogique et enseignante dans la formation.


« Nous nous devions de toutefois rester fidèles à nos approches pédagogiques : seule la distance physique allait prévaloir ! »


La distance sociale se crée certes dans l’espace, mais aussi dans le temps. Ainsi, la plupart des formations et cours prévus par l’unité ont maintenu la présence sociale en favorisant les interactions à distance et en synchrone, c’est-à-dire avec les participants et intervenants connectés en même temps. Pour y parvenir, il a rapidement fallu analyser le contexte, prendre des décisions quant aux objectifs les plus importants et développer des solutions rapides, souples et adaptées. Les résultats ont été largement positifs ! « Nous avons bien sûr aussi eu quelques surprises, qui nous ont donné l’occasion de prendre conscience de certains enjeux et de poursuivre une amélioration continue », remarque Kalliopi Benetos.

 

Retours d’expérience sur cinq situations de journées et demi-journées en présence de formations hybrides transformées en urgence entièrement à distance.

Parmi ces cinq situations, trois étaient des cours techniques qui comprenaient la manipulation de logiciels inconnus dans la réalisation de travaux en individuel ou en groupe, et deux étaient des séminaires/ateliers de travail sur l’application des théories et principes dans le cadre d’un projet individuel. Malgré les différences en termes d’activité cognitive requise, pour faire face à ces cinq situations, des approches similaires ont été choisies au niveau de l’ingénierie des journées de formation.

L’équipe pédagogique a choisi d’utiliser le système de visioconférence Zoom, afin de recréer un espace virtuel temporel synchrone. Cela a permis aux participants et enseignants de se regrouper à intervalles réguliers pendant la journée en un seul lieu virtuel. Une alternance entre moments de « présentation » et moments de travail individuel ou en petits groupes (grâce à la fonction de répartition en salles par petits groupes) a été privilégiée. Pour les travaux pratiques, des salles de travail virtuelles ont été mises à disposition des participants afin qu’ils puissent travailler ensemble ou s’entraider à réaliser des exercices individuels comme c’est souvent le cas en présentiel.

Les cinq formations ont également utilisé des outils de communication en parallèle aux salles virtuelles pour la production ou le partage des travaux et pour gérer les questions : Etherpad pour l’écriture collaborative, le chat de Zoom, et Beekee live pour la messagerie instantanée et le partage de liens vers les productions.

 

Sensibiliser et préparer les participants et les intervenants

Les cinq situations de formation transformées à distance en urgence ont également toutes fait l’objet d’un travail de sensibilisation et de préparation des participants et intervenants en amont.

Du côté « intervenants », les environnements et outils mis en place ont été testés, ainsi que le déroulement des scénarios. Les participants ont pour leur part été informés du programme et de son déroulement quelques jours auparavant. Ils ont également reçu des liens pour se connecter et/ou télécharger les outils qui allaient être utilisés, des tutoriels sur leur usage (à visionner d’avance). Cela a permis de les préparer au mieux et de régler d’éventuels problèmes techniques en amont.

Lors des journées de formation, dans les cinq cas, l’intervenant principal a été soutenu par au moins un assistant/tuteur pour accompagner les participants. Les rôles et les tâches de chacun avaient été prédéfinis et un espace de communication privé (caché des étudiants) leur a permis d’interagir et de réagir en coulisses en cas de besoin.

 

Surmonter les problèmes techniques et en prendre l’avantage

Si certains scénarios ont demandé plus de temps que prévu du fait du temps additionnel pour gérer la prise de parole et le partage d’écran, d’autres ont, à l’inverse, pris moins de temps que prévu grâce à la préparation en amont ou l’accompagnement accru mis en place. Les problèmes techniques rencontrés étaient non seulement facilement surmontés (et moins importants qu’attendu), et les déconnexions spontanées mises à part, de mêmes ordres qu’en présence. Par contre, le partage d’écran et les messageries instantanées ont permis aux assistants de rapidement réagir aux problèmes ou d’offrir des informations complémentaires (par exemple des liens) et aux étudiants de s’entraider. Le tout sans interrompre ou perturber les autres, ce qui est difficilement possible en présence.

La facilité de poser des questions, de discuter de leurs travaux et de les partager avec leurs pairs pour s’entraider a été perçue de manière positive par les participants : cela les a motivés d’une part, et l’alternance des activités, des présentations et des mises en commun a favorisé leur engagement.

 

Se retrouver plutôt que d’avancer chacun à son rythme

Dans deux situations de formation en particulier, il a même été proposé aux participants de découper les journées en plusieurs mini séances sur deux semaines, ou de leur fournir des vidéos et des exercices qu’ils pourraient faire à leur rythme avec un accompagnement accru à la place de journées entières en visioconférence. Les participants ont tous refusé ces options. Pour eux, se retrouver ensemble dans le même espace temporel, à vivre la même expérience, à faire des activités collaboratives ou individuelles était un facteur de motivation. En outre, cela leur offrait l’opportunité de pouvoir s’extraire de leurs activités quotidiennes et de consacrer un temps prédéfini à la formation, sans distractions ou demandes externes. Ce format leur est apparu plus propice à l’apprentissage qu’une approche en souplesse (plusieurs mini séances) qui aurait mis l’apprentissage en concurrence avec toutes les autres demandes professionnelles et personnelles.

 

Créer une cohésion de groupe et un sentiment d’appartenance

Dans la conception des dispositifs de formation à distance, des moments de travail en synchrone (pour créer une cohésion de groupe et un sentiment d’appartenance) sont préconisés, d’où la croissance des formations hybrides. Les technologies facilitent la création de ces moments à distance et les concepteurs de formation peuvent les prévoir. Par contre, donner de la place à des espaces temporels (un temps à part dédié aux activités d’apprentissage en présence sociale de ses pairs) demande une organisation et une négociation parfois difficile pour les professionnels en formation continue. Pourtant, nos multiples expériences nous laissent croire que cela joue un rôle crucial dans le succès de la formation en e-learning.