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Mercredi 24 avril, 14h-18h, salle PHIL 216

Communications - Aperghis en contexte

Prof. Jean-François Trubert (Université de Nice) : Luna Park de Georges Aperghis : de l’objet aux corps

Prof. Björn Heile (Université de Glasgow) : Now you see it, now you don’t: The Experimental Music Theatre of Georges Aperghis and Theories of Embodied Cognition

Dr. Héloïse Demoz (Paris) : De Franz Kafka à Sigmund Freud. Étude croisée des processus linguistiques à l’œuvre dans la musique vocale de Georges Aperghis et Dieter Schnebel

Prof. Nicolas Donin (Université de Genève) : La structure et l’événement : questions en marge d’un chantier aperghien

 

Jeudi 25 avril, 9h30-12h15, salle PHIL216

Témoignages - De l'ATEM à nos jours

Avec la participation de Georges Aperghis, Émilie Morin et Françoise Rivalland

 

Jeudi 25 avril, 19h30, HEM Dufour

Veillée finale - Concert, performance, soupe

Avec l'ensemble Contrechamps et les étudiant-es de la HEM

 

RÉSUMÉS

Luna Park de Georges Aperghis : de l’objet aux corps

Jean-François Trubert

C’est en 2010, dans le cadre d’une commande du festival ManiFeste de l’IRCAM, que Georges Aperghis prépare la pièce qui deviendra Luna Park. Créée le 8 juin 2011 à Paris, l’œuvre se présente sous la forme d’un dispositif technologique pluridisciplinaire réunissant musique, sons électroniques, vidéo, vidéo temps réel, électronique temps réel, instrumentistes, comédiens et danseurs. Le texte de la pièce est constitué par François Regnault et Georges Aperghis, la mise en scène est assurée par Aperghis assisté d’Émilie Morin qui a également collaboré artistiquement à la direction, et la création vidéo a été réalisée par Daniel Lévy tandis que la partie qui concerne l’électronique musicale était réalisée à l’IRCAM par Greg Beller. Richard Dubelski (percussionniste et comédien) et Johanne Saunier (danseuse et comédienne) partagent la scène avec Mike Schmid et Eva Furrer (flûte basse et flûte octobasse), où selon les propres mots de l’auteur “les interprètes eux-mêmes deviennent eux-mêmes caméras, eux-mêmes micros ; ils se mettent à parler à leur place, détaillant ce qu’ils voient”. Un cinquième personnage se niche dans le spectacle, il s’agit de la machine elle-même. Au sein d’un triptyque qui démarre avec Machinations (2000) et qui s’achève avec Thinking Things (2018), Georges Aperghis interroge notre relation au monde technologique, à la synthèse : “dans cette machinerie technologique, quelle est la place du corps ?” Tel est l’espace réflexif que le compositeur ouvre devant nous, un espace strié et maculé par des fragments de langues et de gestes, “une énergie physique ou émotive […] provoquant des confrontations violentes entre le sens d’une image ou d’un son et une signification purement formelle”. Cette présentation propose un itinéraire au sein de l’univers créatif de Georges Aperghis et en particulier de Luna Park, en allant des documents et du matériel de la genèse de l’œuvre jusqu’à une réflexion plus large et plus critique sur la notion de dispositif et en particulier de dispositif technologique au sein du théâtre musical expérimental.

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Now you see it, now you don’t: The Experimental Music Theatre of Georges Aperghis and Theories of Embodied Cognition

Björn Heile

Georges Aperghis is one of the leading protagonists of experimental music theatre, which was pioneered by John Cage and introduced in Europe by Mauricio Kagel and Dieter Schnebel, among others, and in which ‘theatrical actions are created by music making’ (Heile 2016). In many of his compositions, Aperghis explored ‘action-sound couplings’ (Jensenius 2022) particularly systematically, overtly manipulating the correspondences between performance gesture and sonic result.

In my talk, I will focus on some of the work for percussion, notably Les guetteurs de sons (1981) and Le corps à corps (1978), analysing it according to theories of embodied cognition, as adopted in music theory and analysis by Arnie Cox (2016), Jonathan De Souza (2017), Mariusz Kozak (2020) and Alexander Refsum Jensenius (2022), among others. As I will show, in these works Aperghis exploits our evolutionary inheritance, such as our capacity for entrainment – synchronising our bodies to an external rhythm – and action-sound coupling – perceiving body movements as (implied) sounds and sounds as (implied) movements – for artistic effect.

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De Franz Kafka à Sigmund Freud : étude croisée des processus linguistiques à l’œuvre dans la musique vocale de Georges Aperghis et Dieter Schnebel

Héloïse Demoz

« Mon faible rapport à la musique tient au fait que je ne peux la ressentir de façon continue, elle ne produit un effet en moi que de temps en temps et comme il est rare qu’il soit musical ». (Kafka, Journal IV, 26). En dépit de la position de Kafka sur la musique, son œuvre littéraire a été utilisée de nombreuses fois par les compositeurs : des Kafka-Fragmente de György Kurtág, à la reprise de la structure labyrinthique du Château par Luciano Berio pour Passaggio ; en passant par l’évocation du « Théâtre naturel d’Oklahoma » dans Amériques qui enchante György Ligeti ; pour finir par Dieter Schnebel qui compose une œuvre scénique sur Le Verdict et trois pièces gestuelles sur des textes courts. Aperghis, quant à lui, utilise des fragments de la Métamorphose et des Lettres au Père dans la pièce de théâtre musical Entre chien et loup (1976), puis s’inspire librement de la nouvelle Les Armes de la ville pour sa pièce Le Soldat inconnu (2013). Les points kafkaïens fondamentaux pour le compositeur sont l’écriture de la langue et des processus, le mouvement et la machine, axes de la réception moderne – loin de ceux hérités de Max Brod – proposés par Deleuze et Guattari dans Kafka, pour une littérature mineure (Aperghis 2013). 

En partant du thème de la tour de Babel, qui structure la partition Le soldat inconnu, et d’un spectacle de l’ATEM en 1976 – que nous mettrons en relation avec le Hörspiel Babel (=Radiophonien) de Schnebel – nous nous intéresserons à un élément récurrent dans ces œuvres : la métamorphose de la langue unique (ou la glossolalie) en multilinguisme. En effet, la tour – qui n’est plus ici une Babel biblique, mais une Babel politique – incarne surtout le mythe du langage des hommes, celui de la perte d’une langue unique, mais celui aussi de la création féconde de la multiplicité. Cette langue originelle, universelle se retrouvera dans les écrits de Freud en tant que Grundsprache, « langue fondamentale » ou « langue des profondeurs » propre à l’inconscient. Le thème de la psychanalyse freudienne est au centre d’Histoire de Loups (1976), mais se retrouve aussi dans plusieurs partitions de Schnebel.

De fait, aborder les partitions d’Aperghis et de Schnebel à la lumière des écrits de Kafka et Freud nous donnera un nouvel axe pour la compréhension des processus linguistiques à l’œuvre dans leur musique vocale, tant au niveau de la déconstruction progressive de la sémantique que d’une forme de polylinguisme musical.

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La structure et l’événement : questions en marge d’un chantier aperghien

Nicolas Donin

Depuis le milieu des années 2000, j’ai expérimenté divers dispositifs d’approche de l’œuvre d’Aperghis : navigation multimédia dans les archives d’Avis de tempête (DVD-Rom, 2005) ; courts-métrages documentaires sur la genèse de Dans le mur et Luna Park (co-écrits et réalisés avec Benoît Martin, 2008-2011) ; rencontres publiques avec le compositeur (notamment à la Bibliothèque Publique d’Information en 2011 et aux Beaux-Arts de Paris en 2021) ; livre d’artiste assemblant textes, images et esquisses originales (Paris, Virgile Legrand, 2021) ; conversation à bâtons rompus à partir d’images (Conversation imagée, 2022) ; etc. Ces expériences, longtemps ponctuelles et marginales, ont fini par former un “chantier” de transformation tout à la fois de mes modalités de recherche sur/avec un créateur contemporain, et des connaissances musicologiques sur Aperghis en particulier. J’en indiquerai les lignes de force, les éléments de cohérence, et quelques résultats significatifs.

Plus spécifiquement, je m’attarderai sur la tension entre deux logiques créatives qui coexistent chez Aperghis depuis ses débuts de compositeur au milieu des années 1960. D’une part, une pensée combinatoire (influencée par les techniques sérielles et post-sérielles ainsi que par la formalisation xenakienne) s’appliquant à l’échelle des notes ou cellules, et garante à la fois d’une forme d’unicité stylistique et de formations motiviques localement imprévisibles. D’autre part, une sensibilité aux situations paradoxales (influencée notamment par Cage et Fluxus) qui joue sur (ou avec) la relation entre des termes au sein d’un dispositif donné, que ce dernier soit musical, théâtral ou hybride. La première logique est associée à certaines œuvres (analysées notamment par Daniel Durney) mais reste mal connue. La seconde est habituellement rapportée au théâtre musical mais elle trouve en fait ses racines dans la première période créatrice d’Aperghis et concerne aussi bien le corpus des œuvres purement instrumentales. Étudier la conjonction de ces deux logiques pourrait permettre non seulement d’éclairer la fabrique des œuvres d’Aperghis, mais aussi d’affiner la comparaison avec d’autres dialecticien·nes de la combinatoire formelle et de l’incident dramatique (voire, si l’on hasarde une généralisation, de la structure et de l’événement) comme Kagel ou Ligeti.

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Références

Aperghis, Georges. “Organiser le chaos” (interview avec Flore Garcin-Marrou). Chimères, vol. 1.79 (2013), pp. 37-43.

Aperghis, Georges ; Nicolas Donin. Georges Aperghis. Paris, Virgile Legrand, 2021.

Aperghis, Georges ; Nicolas Donin. Conversation imagée 2019-2021. Paris, Editions Philarmonie de Paris, 2022.

Cox, Arnie. Music and Embodied Cognition: Listening, Moving, Feeling, and Thinking. Bloomington, Indiana University Press, 2016.

Deleuze, Gilles ; Félix Guattari. Kafka : pour une littérature mineure. Paris, Éditions de Minuit, 1975.

De Souza, Jonathan. Music at Hand: Instruments, Bodies, and Cognition. Oxford, Oxford University Press, 2017.

Donin, Nicolas. L’Inouï : revue de l’IRCAM (no. 1, 2005), DVD-Rom d’accompagnement.

Donin, Nicolas ; Benoît Martin. Images d’une œuvre no. 4 : Dans le mur de Georges Aperghis. Paris, Ircam, 2008. URL : https://medias.ircam.fr/xda0b81_images-dune-uvre-n-4-dans-le-mur-de-g 

Donin, Nicolas ; Benoît Martin. Images d’une œuvre no. 13 : Luna Park de Georges Aperghis. Paris, Ircam, 2011. URL : https://medias.ircam.fr/x4498e6 

Heile, Björn. “Towards a Theory of Experimental Music Theatre: ‘Showing Doing’, 'Non-Matrixed Performance’ and ‘Metaxis’.” In The Oxford Handbook of Sound and Image in Western Art, ed. Y. Kaduri. Oxford, Oxford University Press, 2016, pp. 335-355.

Jensenius, Alexander R. Sound Actions: Conceptualizing Musical Instruments. Cambridge (MA), MIT Press, 2022.

Kozak, Mariusz. Enacting Musical Time: The Bodily Experience of New Music. Oxford, Oxford University Press, 2019.


A p e r g h i s   à   G e n è v e  !
Novembre 2023 / printemps 2024

Une série d'événements organisés au long de l’année universitaire 2023-24 offrira aux étudiant-es de l’Unige et de la HEM, ainsi qu’au public romand, une occasion exceptionnelle de rencontrer le compositeur accompagné de sa collaboratrice artistique Émilie Morin, de certain-es de ses interprètes et de spécialistes du théâtre musical. Sous le titre « Trouvailles et retrouvailles » (clin d’œil à l'œuvre Retrouvailles pour deux percussionnistes) sont réunis des journées d’étude, des concerts, la collecte de témoignages, des rencontres publiques, enfin des ateliers de pratique et de réflexion associant des étudiant-es musicien-nes et musicologues. 

Le calendrier ci-dessous synthétise les événements que nous organisons et co-organisons. Vous pouvez également consulter le calendrier complet de la saison Aperghis (intégrant toutes les activités de la HEM).

Novembre 2023
17.11 : rencontre publique avec Georges Aperghis
Lieu: HEM Dufour  

Mars 2024 05.03, 18h, HEM Dufour, GD-20  : Rencontres «Musique en dialogue» (Éditions Contrechamps / Unité de musicologie), séance consacrée à Conversation imagée (2019-2021).

06.03, 10h15, PHIL216 : Georges Aperghis et Danae Bletsa (compositrice, soprano) : Présentation et dialogue autour des questions d'interprétation

06.03, 18h, HEM Dufour : Masterclass vocale de Georges Aperghis, avec la participation de Danae Bletsa

07.03, 20h, La Comédie de Genève : Concert HEM/Contrechamps