• Vie académique

Retour sur quatre ans à la tête de la Faculté

Cem Gabay s’apprête à passer la main et revient sur les points forts de son mandat de doyen. Soutien à la recherche, enseignement, infrastructures, COVID-19:  des points forts, des défis, et des succès ont marqué une période riche en nouveautés.

Numéro 44 - juin 2023

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©Jacques Erard – UNIGE. Le doyen Cem Gabay, au centre, avec son équipe décanale. De gauche à droite: Petra Hüppi, Martine Collart, Nicolas Demaurex, Cem Gabay, Mathieu Nendaz, Alexandra Calmy et Jérôme Pugin.

Si on passe en revue les 4 ans de votre décanat, impossible de ne pas mentionner le COVID-19 …

J’ai probablement été le seul doyen à avoir assisté à la fermeture totale de la Faculté! Malgré tout, cette période a été extrêmement instructive et cohésive pour faire en sorte que les activités de la Faculté puissent continuer — notamment grâce aux outils d’enseignement à distance qui étaient déjà en place — et assurer la réouverture progressive des bâtiments. Une fois la première crise passée, nous avons ainsi pu remettre le métier sur l'ouvrage rapidement.

Entre votre vision en 2019 et aujourd’hui, quelles sont vos principales réalisations ?

J’ai pu m’appuyer sur une équipe solidaire et efficace. Au début de mon mandat, nous avons établi ensemble un plan stratégique. A posteriori, je réalise que cette période de réflexion a permis de poser de bonnes bases et ne pas perdre de vue un fil conducteur fort. Une fois en poste en effet, le quotidien a tendance à prendre le pas. 

Parmi les éléments qui me tenaient particulièrement à cœur, j’aimerais citer la mise en place de la mention recherche qui vise à stimuler l'envie académique dès les premières années des études de médecine. Un succès inattendu, puisque, aujourd'hui, entre 15 et 20% des étudiant-es s’y sont inscrit-es! Nous verrons dans quelques années si cette stratégie s’avèrera payante.

Vous avez aussi œuvré à modifier les critères d’évaluation des carrières, vous inscrivant en cela dans une politique de transparence.

Nous avons renforcé notre soutien à la relève au travers de bourses pour les internes et chef-fes de clinique scientifiques, un accompagnement personnalisé et un apprentissage de la gestion de fonds. Des aspects cruciaux pour se lancer dans une recherche indépendante !

De manière générale, l’évaluation des carrières académiques et la transparence des promotions sont complexes dans une faculté où les parcours et les missions quotidiennes sont très différentes. Comment évaluer ces dossiers en regard de la déclaration DORA qui plaide pour limiter la dictature des impact factor ? Comment valoriser l'enseignement ou les services à la Cité, qui constituent les deux autres missions prioritaires de l’Université, de même que les activités cliniques ? Ou le dépôt de brevets innovants ?

Il a fallu développer de nouveaux concepts, puis les décliner en actions très concrètes. Un nouveau format de curriculum vitae et l’ensemble des critères d’évaluations sont maintenant disponibles sur le site web de la Faculté. Pour autant, il est extrêmement difficile de tout définir de manière précise. Et je ne pense pas qu’il faille le faire. Forcément, les impératifs, les exigences et les attentes ne sont pas les mêmes pour toutes et tous.

En termes de relève, il faut aussi prendre en compte les spécificités de la Clinique universitaire de médecine dentaire (CUMD), seul lieu de formation des médecins-dentistes en Suisse romande, et qui figure depuis plusieurs années parmi les meilleures facultés de médecine dentaire au monde. Une réflexion doit être menée pour encourager une relève de très haut niveau en offrant de bonnes conditions de travail et de carrière afin de conserver ici les talents les plus prometteurs.

Quelle est la place de la recherche fondamentale dans une faculté de médecine comme la nôtre ?

La recherche est un peu comme un mur. Si les briques qui en constituent la fondation —invisibles de prime abord — ne sont pas solides, l’ensemble s’écroulera rapidement. J'ai ainsi toujours plaidé pour une recherche fondamentale académique. Cependant, il ne faut pas perdre de vue la finalité de la médecine. L’objectif d’une potentielle application clinique doit contribuer à orienter les axes de recherche. L'exemple de la recherche sur l’ARN messager est parlant: sans des décennies de travail fondamental, le développement des vaccins contre le COVID-19 n’aurait tout simplement pas été possible.

Qui dit application dit aussi valorisation industrielle, un concept longtemps étranger à la recherche académique ?

Les temps changent et de plus en plus de nos chercheurs et chercheuses s’impliquent dans la création de startup, déposent des brevets ou cherchent à valoriser leurs découvertes. L’idée d’abriter dans nos locaux quelques spinoffs privées est intéressante, à condition qu'elles s'inscrivent dans un réseau de recherche existant. Il ne s’agit bien entendu pas de simplement louer des surfaces, mais de permettre des collaborations et une vision stratégique. Très récemment, la spinoff XSEED, lancée par le professeur Walter Reith, a pris ses quartiers au CMU. XSEED a pour objectif de faire l'interface entre des projets de recherche et des investisseur-es pour passer les premières étapes d'un projet, évaluer sa viabilité financière ainsi que son intérêt industriel.

Au-delà du lien avec l’entrepreneuriat, il me paraît essentiel que les institutions académiques maintiennent un lien fort avec la société civile. La cellule stratégique du Décanat, qui comprend des représentant-es du secteur bancaire, des responsable de fondations et d’autres, est régulièrement invitée à réfléchir avec nous. Ce «pas de côté» donne un éclairage nouveau et nous oblige à ne pas rester en vase clos.

Vous avez aussi travaillé à consolider les réseaux thématiques existants, et supervisé la création d’un autre centre facultaire, le Centre de recherche sur l’inflammation (GCIR).

En effet, les centres thématiques constituent pour moi la voie de l'avenir, tant pour la variété des expertises que pour constituer une dynamique. Le dialogue entre médecine clinique et médecine fondamentale est en effet garant des progrès de demain et, in fine, du bien-être de la population.  Il faut cependant un engagement de la part des chercheurs/euses, qui doivent peut-être laisser de côté une part d’égo pour favoriser le collectif plutôt que l’individuel.

Les neurosciences psychiatriques (Centre Synapsy) et l'oncologie (CRTOH) ont réussi à créer cette dynamique de recherche. Tous deux comptent parmi leurs membres des personnalités remarquables, et ont bénéficié de soutiens financiers importants. C'est un cercle vertueux, rendu possible en démontrant d’une capacité à travailler ensemble. Le GCIR est en bonne voie, mais encore un peu jeune pour tirer un bilan. Et si je devais soutenir la création d’un autre centre, je le dédierai à l'épidémiologie. Nous avons, avec les HUG, d'énormes atouts:  l’Institut de santé globale, l’Unité d’épidémiologie populationnelle, et encore bien d’autres spécialistes dans différentes disciplines. Il y a là matière à stimuler la recherche et un contexte de formation.

Vous quittez vos fonctions de doyen. Quelle réflexion sur votre expérience ?

Un expérience très riche où l’on peut véritablement faire preuve de créativité pour lancer de nouvelles idées. Bien entendu, la charge administrative reste lourde, mais j’ai maintenant acquis une vision réellement globale de l’enseignement et de la recherche biomédicale, y compris de gestion, de politique et de collaborations. J’aimerais, par la suite, m’investir dans la réflexion et le soutien à des réseaux de recherche.  Mais pour l’instant, je reste à mes fonctions de médecin-chef de service et de professeur pour encore quelques années!

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