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Au peuple suisse ! (22 juillet 1940)a

Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pas d’autre garantie humaine que son armée, pas d’autre allié que son terrain, pas d’autre espoir que son travail. Cette situation n’est pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos grands renouvellements. Nous savons à quelles conditions nos ancêtres ont pu surmonter les crises qui menaçaient d’emporter leur État : d’une part en déclarant leur volonté de se défendre par les armes, d’autre part en se montrant capables de créer, eux aussi, un ordre neuf, à leur manière et selon leur foi chrétienne. Aujourd’hui, comme aux heures héroïques, sachons voir et saisir notre chance !

Les événements se chargent de nous ouvrir les yeux. Depuis quelques semaines, bien des préjugés tombent. Nous avons découvert l’urgente nécessité de nous unir au-delà des partis, au-delà d’une gauche et d’une droite périmées, au-delà du vieux conflit du capital et du travail.

Partout, chaque jour, des citoyens qui hier encore se croyaient adversaires, découvrent qu’ils sont prêts à travailler ensemble, pour défendre la Suisse et pour la rénover. Ils ne croient plus aux plans, aux promesses faciles. Ils veulent une méthode neuve d’action et de pensée, une solidarité pratique. Et ils attendent des hommes nouveaux.

Des hommes et non pas des programmes. Car les événements marchent vite. Des hommes auxquels on fasse crédit pour résoudre au fur et à mesure les problèmes qui vont se poser. Des hommes qui prouvent, par leur seule réunion, qu’ils sont assez indépendants pour mériter une confiance nouvelle.

Il est temps que ces aspirations se réalisent et s’organisent. Il est temps que les bonnes volontés deviennent une volonté commune.

Nous nous sommes donc groupés pour travailler. Venus de tous les points de l’horizon politique, fidèles à nos amitiés, mais décidés à faire converger nos efforts, nous fondons la

 

Ligue du Gothard

 

Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et limite des races, le Gothard est le grand symbole autour duquel tous les Confédérés peuvent s’unir dans leurs diversités.

Que tous ceux qui sont las des querelles partisanes, que tous ceux qui viennent d’être démobilisés et qui sont prêts à faire du neuf, que tous les aînés qui voient clair, que tous les jeunes qui veulent être guidés viennent avec nous pour travailler.

Nous n’avons qu’un seul but : maintenir la Suisse, dans le présent et pour l’avenir.

Nous ne vous promettons qu’un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’être Suisses.

 

Ligue du Gothard

Schauplatzgasse 23, Berne.

 

Dans quelques jours, nous publierons nos principes et buts d’action, les noms des membres du comité, ainsi qu’un grand nombre de signatures de personnalités appartenant aux milieux les plus divers, et qui nous ont promis leur appui.