Les secrets de la naissance des étoiles massives dévoilés

Grâce au National Radio Astronomy Observatory (NRAO) et au Very Large Array (VLA), des astronomes, dont un chercheur de l'UNIGE, ont révélé pour la première fois l'énorme flux de gaz à proximité d'une étoile massive en formation, flux qui permet sa croissance rapide. En observant la jeune étoile HW2 dans Céphée A, située à 2300 années-lumière de la Terre, les chercheurs ont résolu la structure et la dynamique d'un disque d'accrétion alimentant en matière cette étoile massive. Cette découverte éclaire une question centrale en astrophysique : comment les étoiles massives, qui finissent souvent leur vie en supernovae, accumulent-elles leur immense masse ? L'étude sera publiée dans Astronomy & Astrophysics.

pic_press.pngArrêt sur image durant la simulation numérique de Cepheus A HW2. Credits: A. Oliva

Cepheus A est le deuxième site de formation d'étoiles massives le plus proche de la Terre, ce qui en fait un laboratoire idéal pour l'étude de ces processus complexes. L'équipe de recherche a utilisé l'ammoniac (NH3), une molécule que l'on trouve couramment dans les nuages de gaz interstellaires et qui est largement utilisée à des fins industrielles sur Terre, comme traceur pour cartographier la dynamique du gaz autour de l'étoile. Les observations ont révélé un anneau dense de gaz d'ammoniac chaud couvrant des rayons de 200 à 700 unités astronomiques (UA) autour de HW2. Cette structure a été identifiée comme faisant partie d'un disque d'accrétion, une caractéristique essentielle dans les théories sur la formation des étoiles.

L'étude a montré que le gaz à l'intérieur de ce disque s'effondre vers l'intérieur et tourne autour de la jeune étoile. Fait remarquable, le taux de chute de matière sur HW2 a été mesuré à deux millièmes de masse solaire par an, soit l'un des taux les plus élevés jamais observés pour une étoile massive en formation. Ces résultats confirment que les disques d'accrétion peuvent supporter des taux de transfert de masse aussi extrêmes, même lorsque l'étoile centrale a déjà atteint 16 fois la masse de notre soleil.

« Nos observations fournissent la preuve directe que les étoiles massives peuvent se former par accrétion au travers d'un disque, et accumuler jusqu'à des dizaines de masses solaires », déclare le Dr Alberto Sanna, auteur principal de l'étude. « La sensibilité radio inégalée du VLA nous a permis de résoudre des caractéristiques à des échelles de l'ordre de 100 UA seulement, ce qui offre un aperçu sans précédent de ce processus. »

L'équipe a également comparé ses observations avec des simulations de pointe de la formation d'étoiles massives. « Les résultats s'alignent étroitement avec les prédictions théoriques, montrant que le gaz ammoniac près de HW2 s'effondre presque à des vitesses de chute libre tout en tournant à des vitesses subképlériennes, un équilibre dicté par la gravité et les forces centrifuges », déclare le Prof. André Oliva, qui a réalisé les simulations détaillées pendant son affiliation à l'UNIGE.

L'étude a mis en évidence des asymétries dans la structure et la turbulence du disque, ce qui suggère que des courants de gaz externes, appelés « streamers », pourraient apporter de la matière fraîche d'un côté du disque. De tels courants ont été observés dans d'autres régions de formation d'étoiles et pourraient jouer un rôle crucial dans la survie des disques d'accrétion autour des étoiles massives. Cette découverte met fin à des décennies de débats sur la question de savoir si HW2 et les proto-étoiles peuvent former des disques d'accrétion capables de soutenir leur croissance rapide. Elle renforce également l'idée que des mécanismes physiques similaires régissent la formation des étoiles dans une large gamme de masses stellaires.

Connu depuis les années 90, HW2 a dû attendre 40 ans pour que ses mystères soient dévoilés. Ces découvertes ont été rendues possibles grâce aux observations à haute sensibilité du VLA, menées à des longueurs d'onde centimétriques en 2019. Les chercheurs ont ciblé des transitions spécifiques de l'ammoniac qui sont excitées à des températures supérieures à 100 kelvins, ce qui leur a permis de retracer le gaz dense et chaud près de HW2.

Ces résultats soulignent la puissance de l'interférométrie radio pour sonder les processus cachés derrière la formation des objets les plus influents de notre galaxie. La prochaine version améliorée du VLA, prévue dans dix ans, devrait permettre d'étudier l'ammoniac circum-stellaire à l'échelle du système solaire.

Ces travaux ne font pas seulement progresser notre compréhension de la formation des étoiles massives, ils ont aussi des implications sur des questions plus générales concernant l'évolution des galaxies et l'enrichissement chimique de l'Univers. « Les étoiles massives jouent un rôle essentiel en tant que moteurs cosmiques », souligne le professeur André Oliva, “en alimentant les vents et les explosions qui ensemencent les galaxies en éléments lourds”.

Lien vers l'article sur arXiv

5 mai 2025

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