Journal n°87

Le stockage énergétique de demain

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Doté par la Commission européenne de 4 millions d’euros pour une durée de quatre ans, le projet ECOSTORE vise à développer les matériaux de stockage énergétique de demain. Lancé fin 2013, ce programme ambitieux s’appuiera sur l’expertise des cristallographes, parmi lesquels l’équipe du professeur Černý

Un matériau susceptible de stocker, en toute sécurité, une grande quantité d’énergie en un volume réduit et de la libérer sans trop de difficultés, un matériau rapidement rechargeable dans des conditions thermiques modérées et à de très nombreuses reprises, tout en demeurant compétitif sur le plan commercial. C’est à la découverte de ce Graal énergétique que sont attelés les chercheurs du Laboratoire de cristallographie et leurs partenaires européens.

Efficacité volumétrique

«Nous sommes sur la bonne voie, assure Radovan Černý, professeur à la Faculté des sciences et responsable du Laboratoire de cristallographie. Nos matériaux de stockage à l’état solide sont des hydrures basés sur de nouveaux types de composants d’azote et de bore. Ceux-ci sont légers et permettent de stocker de grandes quantités d’hydrogène tout en prenant peu de place. Ils en captent davantage que les stations-service à haute pression, car ils lient l’hydrogène chimiquement.»

Trois solutions s’offrent en effet aux chercheurs pour stocker l’hydrogène. La première consiste à le comprimer à l’état gazeux. «C’est la méthode la plus couramment utilisée aujourd’hui pour les moteurs, mais elle est problématique pour des applications à large échelle, explique Radovan Černý. Qui voudrait avoir une bonbonne de gaz comprimée à 700 bars sous le capot de sa voiture?» La deuxième solution qui s’offre est celle de la liquéfaction. Dans ce cas, il faut refroidir et conserver l’hydrogène à des températures très basses, ce qui implique des réservoirs thermiquement isolés et compliqués à produire. Enfin, la troisième solution, celle retenue par les chercheurs d’ECOSTORE, vise à lier les atomes d’hydrogène à des composés à base de métaux: les hydrures.

Dans les hydrures, l’hydrogène est en effet stocké avec une grande efficacité volumétrique dans une structure cristalline. Mais pour qu’il soit ensuite libéré, une température supérieure à 300 °C est nécessaire, ce qui est trop élevé pour un usage commun. L’un des objectifs d’ECOSTORE consiste donc à réduire la température de libération de l’hydrogène à moins de 200 °C.

Batteries ultra-performantes

Etonnamment, certains de ces hydrures peuvent également être utilisés dans des batteries. Ils ont en effet montré une conductivité très élevée à température ambiante et pourraient donc remplacer les conducteurs ioniques liquides actuellement utilisés dans les batteries au lithium. «Un autre objectif d’ECOSTORE consiste donc à augmenter l’efficacité et la stabilité à long terme de ces composants de batterie», ajoute Radovan Černý.

Douze instituts et partenaires industriels de renom à travers l’Europe coopèrent depuis la mi-novembre au projet; en outre, deux prestigieuses universités japonaises seront associées à cette aventure, contribuant avec leurs propres ressources financières au projet. «Le Japon est très avancé dans la technologie de l’hydrogène et des batteries, souligne le physicien de l’UNIGE. Un constructeur automobile a déjà annoncé qu’il prévoyait de lancer un véhicule commercial à l’hydrogène pour 2015. Dans le secteur de la recherche en batterie, l’Europe essaie actuellement de réduire l’avantage concurrentiel des sociétés japonaises. Nous tirerons donc très certainement parti de l’échange du savoir-faire entre scientifiques.»

Soutien aux jeunes chercheurs

ECOSTORE est un Réseau de formation initiale Marie Curie. Au travers de ses Actions Marie Curie, la Commission européenne soutient les scientifiques juniors en offrant des programmes de formation spéciaux dans chaque projet financé. Cela comprend un échange intensif de scientifiques entre les partenaires. De plus, elle soutient activement le recrutement de jeunes scientifiques. Grâce à ECOSTORE, trois post-doctorants auront sous peu trouvé un emploi auprès des trois partenaires industriels, tandis que 12 doctorants sont déjà engagés pour le projet lui-même.


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