14 mars 2024 - Anton Vos

 

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Les enfants de mères obèses ont plus de risques de développer un cancer du foie

Une étude menée sur des souris montre que le microbiote contribue à augmenter le risque de développer une maladie hépatique pour les descendants d’une mère souffrant d’obésité.

 

 

 


L’obésité n’affecte pas seulement la santé des personnes qui en souffrent. Cette condition, qui pourrait, selon certaines estimations, toucher 50% de la population des pays riches d’ici à 2030, peut aussi avoir de graves conséquences sur la génération suivante. Chez cette dernière, le risque de développer une maladie ou un cancer du foie est en effet beaucoup plus élevé que dans la population générale. C’est ce qui ressort d’une étude, parue le 11 mars dans JHEP Reports et qui a été dirigée par Christian Toso, professeur au Département de chirurgie (Faculté de médecine) et médecin-chef du Service de chirurgie viscérale des Hôpitaux universitaires de Genève. En cause, notamment, un appauvrissement du microbiote intestinal hérité de la mère et un déséquilibre métabolique dont l’effet se déclare à l’âge adulte. Ces résultats s’appuient pour l’heure sur le modèle animal et doivent encore être confirmés chez l’être humain. Ils représentent néanmoins un signal d’alerte et un appel à agir pour limiter l’effet délétère de l’obésité sur les enfants.

 

Cela fait quelques années déjà que la communauté scientifique, face à un nombre grandissant de données médicales, soupçonne l’obésité maternelle de perturber l’équilibre métabolique de l’enfant à naître et même d’augmenter les risques de cancer pédiatrique et de cancer colorectal à l’âge adulte. L’équipe genevoise a voulu savoir dans quelle mesure c’était le cas et identifier les mécanismes biologiques qui en étaient responsables.
Pour répondre à ces questions, les scientifiques ont étudié deux groupes de souris femelles. Dans le premier, nourri avec un régime riche en graisse et en sucre proche de la junk food, elles sont devenues obèses rapidement. Le second, nourri normalement, a joué le rôle du groupe contrôle. Les individus nés de ces deux groupes ont, quant à eux, tous reçu un régime normal et ne se sont jamais retrouvés en surpoids.
À l’âge de 20 semaines, ce qui correspond à l’âge adulte chez les humains, les rongeurs des deux groupes n’ont montré aucune différence notable. Mais à 40 semaines, un âge senior chez les souris, la santé hépatique des souris descendant des femelles du premier groupe a commencé à se dégrader. Tous les paramètres indiquant une maladie du foie, tels que les dépôts de graisse, les fibroses, les lésions avancées de l’organe ou encore son inflammation, ont atteint des niveaux plus élevés que chez les descendants du second groupe. Or, il s’agit là des principaux facteurs de risque de cancer du foie chez l’être humain.

 

80% de risques
Afin de confirmer si ces souris sont plus susceptibles que les autres de développer cette pathologie, l’équipe a injecté à certaines d’entre elles un produit carcinogène juste après le sevrage. Il en ressort que les descendants des mères souffrant d’obésité ont 80% de risques de développer un cancer, contre 20% pour les héritiers du groupe contrôle.
Les souris semblent donc hériter de leur mère un dysfonctionnement métabolique en dépit de leurs propres conditions de vie. Le premier suspect est la composition et la diversité du microbiote de la mère qui est perturbé par l’obésité et qui est transmis à la génération suivante.
En plaçant d’autres souris issues des deux groupes dans une même cage, les scientifiques ont d’ailleurs observé une normalisation du microbiote des rongeurs issus de mères obèses. Les souris étant coprophages (elles mangent leurs propres excréments), elles partagent en effet rapidement les mêmes souches microbiotiques, faisant augmenter la diversité bactérienne et favorisant les bonnes bactéries. Le microbiote sain reprend ainsi naturellement le dessus et les marqueurs de maladies du foie diminuent fortement.
L’étude permet ainsi d’affirmer que le régime junk food favorise la prolifération de mauvaises bactéries et diminue la diversité bactérienne. Ce microbiote altéré est transmis aux petits au moment de leur naissance et entraîne chez eux une inflammation plus importante dans le foie. Celle-ci, au fil du temps, génère à son tour une fibrose et une stéatose (une présence excessive de graisse) qui augmentent le risque de développer un cancer du foie. En revanche, la normalisation du microbiote normalise à son tour le risque de cancer.

 

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