Désignation du recteur et précarité académique

Dans le cadre de la procédure de désignation du recteur de l'Université de Genève, le comité de l'ACCORDER (Association commune du corps des collaborateurs et des collaboratrices de l'enseignement et de la recherche) souhaite s'exprimer sur les liens entre cette désignation et l'amélioration des conditions de travail du corps intermédiaire (CCER).

Depuis sa refondation en 2020, le comité de l'ACCORDER se mobilise sur la sphère locale et nationale pour que la précarité structurelle du CCER soit enfin reconnue, et que des solutions soient trouvées et mises en œuvre.

La précarité des conditions d'emploi est une réalité qui touche 80% du personnel de l'enseignement et de la recherche dans les universités suisses. À l'Université de Genève, 48% du CCER senior (soit six cents personnes) ont des contrats à durée déterminée et/ou de suppléance, alors qu'un millier de post-doctorant·es et de maître-assistant·es ne trouveront, pour la plupart, jamais de poste stable et seront contraint·es de quitter le milieu académique. La précarité de l'emploi crée des situations de forte vulnérabilité révélée de manière alarmante par les chiffres issus de l'enquête 2021 sur les conditions de travail du CCER : 21,7 % des répondant‧es disent avoir subi ou subir du harcèlement moral et 3,4% d'entre elle‧eux subir du harcèlement sexuel. L'absence de postes stables, tout comme la mise en compétition extrême des chercheur·euses, impliquent un ensemble de contraintes allant de la mobilité forcée aux difficultés à gérer un équilibre entre les sphères professionnelles et familiale, des éléments qui sont autant dommageables pour la santé mentale des employé·es qu'à la qualité de la recherche.

Notre comité tient ainsi à manifester sa pleine et entière adhésion au contenu du communiqué de l'Assemblée de l'université du 11 janvier 2023, notamment aux réflexions concernant la précarité, l'accès des femmes à des postes à responsabilité ainsi que la transition socio-écologique. Nous nous réjouissons également que ces sujets aient été abordés frontalement par Éric Bauce – le candidat désigné par l’Assemblée – lors d'un entretien à l'émission Forum de la RTS. Lors de cet interview, le candidat a en effet reconnu l'existence d'une précarité d'ampleur dans le système académique. Il s'est également prononcé en faveur de l'égalité de traitement et de l'amélioration de nos conditions de travail. Nous pouvons donc nous réjouir de constater que la précarité du corps intermédiaire est enfin devenue l'un des enjeux principaux de la politique universitaire actuelle et que des améliorations sont souhaitées par l'ensemble des différents corps de la communauté universitaire et par un candidat au poste de recteur.

Notre comité est convaincu qu'une autre université est possible, plus respectueuse de ses collaborateur·ices, moins nocive pour la santé mentale de l'ensemble de ses membres, plus juste socialement, et ainsi plus à même de faire face aux défis de la transition socio-écologique qui s'impose à toute institution publique aujourd'hui. Nous nous réjouissons donc que l'Assemblée de l'Université se soit prononcée en faveur du candidat ayant présenté un programme de transition socio-écologique et nous soutenons la position qui consiste à associer cette transition à une lutte contre la précarité. Nous saluons également le fait que l'Assemblée de l'Université tire les leçons de ce recrutement en souhaitant mener une réflexion sur les moyens de susciter des candidatures féminines et de favoriser l'emploi des femmes à des postes à responsabilité. Nous sommes convaincu·es que la résolution de ce problème de recrutement devra passer par une remise en question de la structure académique et du modèle actuel basé sur le sur-travail, le sacrifice de soi et l’abandon de ses recherches.

Finalement, le comité d'ACCORDER souhaite apporter son soutien à l'Assemblée de l'Université dont le travail a été violemment critiqué dans les médias. Nous militons également depuis notre refondation pour une reconnaissance symbolique et matérielle du travail accompli par certains membres de la communauté universitaire au sein des différentes instances participatives. C'est un besoin de reconnaissance qui s'avère aujourd'hui nécessaire face à la violence des polémiques et pour continuer à faire fonctionner la démocratie participative à l'Université.

Le comité de l'ACCORDER