Syphilis

Syphilis et cinéma: la maladie secrète

Issue de la deuxième journée d’études Syphilis et cinéma, cette page web propose des commentaires croisés sur la question du rapport de la syphilis au secret, à partir de trois films antisyphilitiques des années 1929 à 1932. Redécouvrez ces étonnants films en noir et blanc, en pleine transition entre le cinéma muet et le cinéma parlant, et qui motivent une riche réflexion sur l’histoire de ces maladies qui, aujourd’hui encore, sont trop souvent tues parce que qualifiées de “honteuses”.

 

- Deferred payment (US/GB, 1932)

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Honte et dissimulation

Le secret, le non-dit, la dissimulation font partie intégrante de l’histoire de la syphilis et plus largement de celle des IST. La syphilis avance masquée : d’une part parce que la variété de ses manifestations cliniques la rend bien des fois indétectable par le malade lui-même. D’autre part parce qu’elle a longtemps été considérée comme une maladie intime et honteuse qui doit être cachée aux proches : en faire l’aveu est difficile, alors même que la précocité du diagnostic est un enjeu de santé fondamental. Jusqu’à la diffusion à large échelle de la pénicilline après le Deuxième Guerre mondiale, cette clandestinité de la maladie a favorisé le recours à de soi-disant “remèdes secrets”, présentés par leurs inventeurs peu scrupuleux comme des panacées indolores et d’utilisation discrète.

Le cinéma montre. Mais que peut-il montrer lorsqu’il s’empare d’une “maladie secrète”, d’un mal spectaculaire par la gravité de ses lésions et obscène par leur localisation sur les organes génitaux ? Pour illustrer cette tension, trois films issus de l’âge d’or du cinéma prophylactique sont commentés : Il était une fois trois amis (France, 1929), Feind im Blut (Suisse/Allemagne, 1930) et Deferred payment (États-Unis/Grande-Bretagne, 1932).

Informer et émouvoir le public

Les films antisyphilitiques de la première moitié du 20e siècle montrent la maladie mais pas la sexualité, qui doit pudiquement rester dissimulée aux yeux des jeunes gens. Le discours prophylactique qu’ils véhiculent voile autant qu’il ne dévoile : que peut-on dire pour prévenir, que faut-il taire pour ne pas inciter ? Pour les autorités politiques et morales de l’époque, la syphilis apparaît comme une tache d’impureté marquant une population, un opprobre qu’il faut cacher. Les prostituées, que tant de films incriminent, sont dérobées aux yeux de la population, cantonnées dans de discrètes maisons bien injustement qualifiées de closes, ou reléguées dans la clandestinité.

- Il était une fois trois Amis (F, 1929)

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Les films antisyphilitiques oscillent entre la volonté d’informer la population, et notamment la population jeune, sur les risques des infections sexuellement transmissibles, et celle d’émouvoir pour créer un choc salutaire.

Art et médecine : les cires anatomiques à l’écran

D’un pays de production à l’autre, d’un réalisateur à l’autre, les stratégies de persuasion varient énormément. Mais dans tous les cas, on observe une grande maîtrise formelle, qu’il s’agisse de la mise en abîme de la projection du film sanitaire dans Il était une fois trois amis, ou de la manière de filmer les moulages anatomiques en cire dans le très impressionnant  Feind im Blut de Walter Ruttmann.

- Feind im Blut (CH/DE, 1930)

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L’hygiène, la morale et la loi

Avec le recul, le regard que nous posons sur les films anciens fait apparaître le caractère non seulement médical mais encore moral de la prévention infectieuse, et cela a fortiori pour des maladies sexuellement transmissibles. À ce couple historique médecine/morale, il faut ajouter le droit qui, lui aussi, a tôt été confronté aux “maladies secrètes”. Fallait-il réprimer les personnes qui, tout en étant conscientes d’être porteuses de la bactérie, n’en informaient pas leur(s) partenaire(s) ? Aujourd’hui encore, la confidentialité et le secret de fonction peuvent mener les praticiens à des dilemmes éthiques dès lors que la santé de personnes tierces est en jeu.

 

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