Journal n°100

Stimuler le cerveau pour soigner l’addiction

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La stimulation cérébrale profonde combinée à l’administration d’un inhibiteur de la dopamine a permis de traiter la dépendance de souris à la cocaïne

Des souris rendues dépendantes à la cocaïne ont été soignées de leur addiction grâce à une stimulation cérébrale profonde réalisée en association avec l’administration d’un médicament bloquant l’action de la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans le système de récompense. Cette prouesse, publiée dans la revue Science du 6 février, a été réalisée par l’équipe de Christian Lüscher, professeur au Département de neurosciences fondamentales (Faculté de médecine).

Circuits modifiés

L’addiction est une maladie psychiatrique définie par une utilisation compulsive d’une substance au mépris de ses conséquences néfastes et avec des risques de rechute très importants même après de longues périodes d’abstinence.

A l’échelle des neurones, des produits comme la cocaïne sont capables de modifier les circuits de transmission des signaux électriques au niveau des synapses, déréglant le fonctionnement du cerveau et induisant un comportement pathologique.

L’équipe de Christian Lüscher a déjà démontré, dans un article paru dans la revue Nature du 22 mai 2014, qu’il est possible de corriger cette modification des circuits synaptiques. Les chercheurs y sont parvenus grâce à la technique dite de l’optogénétique appliquée à des souris transgéniques. Cette approche très précise a permis d’activer uniquement un type de protéines situées à la surface des neurones, les métabotropes, dont le rôle consiste à supprimer les récepteurs surnuméraires, créés justement par la consommation de substances addictives. La manipulation a permis de rétablir une communication normale entre les cellules nerveuses des rongeurs dont le comportement est redevenu ordinaire.

En l’état actuel de la technologie, l’optogénétique ne peut cependant pas être appliquée à l’être humain.

Les chercheurs se sont alors tournés vers la stimulation cérébrale profonde. Cette technique, qui consiste à implanter des électrodes dans le cerveau des patients, est largement utilisée dans le monde pour traiter d’autres affections psychiques comme la maladie de Parkinson. La précision de son action est toutefois beaucoup plus faible que l’optogénétique.

Souris cocaïnomanes

D’ailleurs, appliqué aux souris cocaïnomanes, le traitement n’a dans un premier temps donné aucun résultat. Les chercheurs ont supposé que la stimulation électrique active non seulement les métabotropes mais aussi d’autres récepteurs, notamment ceux de la dopamine, un neurotransmetteur dont l’effet empêche la normalisation des circuits synaptiques.

Les scientifiques ont alors répété l’expérience en la combinant avec la prise d’un médicament inhibant l’effet de la dopamine. Cette fois-ci, le traitement a fonctionné. Les souris ont été désensibilisées à la cocaïne et sont revenues à un comportement normal.

La suite des recherches consistera à vérifier si l’effet observé chez les souris est le même chez les primates et chez l’être humain.