Pour certains cerveaux, c'est noir ou c'est blanc

couv

Une recherche en psychologie portant sur la perception visuelle suscite la polémique sur la Toile et dans les médias, qui parlent, à tort, de détecteur de racisme

Il n’existe pas de détecteur de racisme pour Tobias Brosch, chercheur à la Faculté de psychologie et sciences de l’éducation, qui cosigne, dans la revue en ligne Psychological Science (édition du 17 janvier dernier) une étude sur la représentation neuronale. Par contre, les neurones des cerveaux associant les visages noirs à des notions négatives différencient, plus que les autres, les visages blancs des visages noirs. Ce que montre une recherche menée à New York, avec un financement du Fonds national suisse de la recherche scientifique et du National Institute of Health.

Le biais "implicite"
Le cosmopolitisme des populations urbaines aux Etats-Unis induit l’intérêt du public à saisir les ressorts qui sous-tendent les relations entre communautés, notamment ethniques. De nombreux chercheurs américains en psychologie s’intéressent donc aux interactions sociales. Dans ce contexte, le «biais implicite», c’est-à-dire la force de l’association, inconsciente et automatique, entre un groupe social et la connotation bonne ou mauvaise a retenu leur attention.
Question: le biais peut-il modifier directement la manière dont le cerveau se représente autrui? Et avant tout: comment le cerveau traite-t-il les informations transmises par les yeux? L’imagerie fonctionnelle permet de mesurer l’activation des neurones dans des régions qui diffèrent, selon que ce sont des lignes, des couleurs, des objets, des corps ou des visages qui sont regardés.
Lorsque deux objets sont très différents, les chercheurs réussissent à deviner ce qu’a vu le participant au protocole, en considérant les mesures IRM de sa distribution neuronale. Dans l’étude en question, on donnait à voir des visages noirs et blancs, faisant ainsi réagir les neurones présents dans la région bien circonscrite de l’aire fusiforme, la région qui correspond à la vision de visages.

Tri cérébral
A ce stade de l’expérience, les psychologues ont mesuré, chez les personnes avec un fort biais implicite négatif, une représentation neuronale très différenciatrice. Autrement dit, dans les cerveaux où les faciès noirs prennent une mauvaise connotation, les neurones séparent radicalement ces derniers des faciès blancs.
Peut-on parler de préjugé racial inscrit dans les neurones, qui s’exprimerait dans les vues IRM? Certainement pas. Comme le précise Tobias Brosch, «la représentation neuronale visuelle ne détermine pas notre comportement envers les autres». Et si nos neurones visuels ont des préjugés, nous ne sommes pas que nos neurones.