Journal n°88

«Pas de panique!» l’exposition qui donne la chair de poule

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Inaugurée lors de la Semaine du cerveau, une exposition interactive et ludique conçue comme un parcours découverte consacré à la peur a investi le hall d’Uni Dufour. A voir jusqu’au 6 juillet

Difficile de trouver plus universel que le thème de la peur. Cette émotion primaire qui accompagne tout individu dès son plus jeune âge est pourtant, auprès du grand public, soit galvaudée, soit réduite à sa pure dimension clinique. C’est ce paradoxe qui a servi de point de départ aux deux commissaires de l’exposition Pas de panique!, Mona Spiridon, adjointe scientifique au Centre interfacultaire de neurosciences, et Pierre-Yves Frei, journaliste scientifique.
«Sur le plan scientifique et médical, on connaît bien les troubles phobiques ou liés à l’anxiété. La prise en charge des patients qui en souffrent a également connu un développement soutenu ces dernières années. En revanche, leur lecture par le grand public est toujours aussi mauvaise, phagocytée par le stéréotype du fou que l’on plaint ou dont on se moque. Ces troubles constituaient un magnifique point d’ancrage pour évoquer la peur, de ses composantes neurobiologiques à ses manifestations sociales, en passant par son rôle dans le règne animal», explique Pierre-Yves Frei.

Une violence inégalée
Réalisée par l’UNIGE en collaboration avec de nombreuses autres institutions scientifiques et académiques, Pas de panique! fait la part belle aux installations inter­actives que le public est invité à tester de manière plus ou moins guidée. L’exposition est en effet conçue comme un parcours découverte au cours duquel le visiteur part des bases neurologiques de la peur pour aborder ensuite les mécanismes qui concourent à ses manifestations physiologiques, comme la chair de poule, par exemple.
De l’amygdale à l’épiderme, en passant par le cortex préfrontal et l’ensemble du système nerveux, la peur mobilise le corps humain avec une violence à nulle autre pareille. «Tout notre corps réagit de façon très marquée face à la peur. Au sein de l’exposition, nous proposons au visiteur de s’en rendre compte en l’immergeant dans une structure qui permet d’entendre les bruits générés par la sensation de peur, comme l’accélération du rythme de la respiration ou la formidable augmentation de la fréquence cardiaque», relève Pierre-Yves Frei.

La peur pour survivre
Mais la peur n’est pas le propre de l’homme. Dans le règne animal, elle constitue un trait de l’évolution qui fait parfaitement sens dans la perspective de conservation et de survie des espèces. Si les animaux ont développé des comportements stéréotypés comme la fuite, le combat ou la mort feinte, l’être humain garde les traces d’atavismes hérités depuis l’apparition des premiers hommes. Ainsi la chair de poule s’explique-t-elle mieux si on considère qu’elle avait pour fonction de hérisser les poils dont nos ancêtres étaient bien pourvus, de manière à impressionner l’ennemi potentiel… Un mécanisme de défense tout à fait comparable à celui des félins, que le visiteur pourra tester par lui-même à Uni Dufour grâce à un dispositif de réalité augmentée.

Une frontière très fine
Au-delà de l’aspect ludique, l’exposition cherche à explorer les deux facettes de la peur: celle, amie, qui a sa raison d’être pour nous permettre de réagir face au danger, et l’autre qui conduit, chez certains individus, à des états pathologiques et des troubles de l’anxiété. «La frontière entre la peur normale et saine et la peur pathologique est très fine. Ce «mélange magique» entre génétique et expérience de vie rend impossible d’affirmer à l’avance ce qui est prégnant chez chacun. Est-on prédéterminé à développer certaines phobies? C’est à ce type de questions que nous cherchons à apporter des réponses au grand public», souligne le commissaire de l’exposition.
Si cette énigme en particulier reste entière, Pas de panique! se clôture sur une note positive. Des solutions existent pour ceux qui sont atteints de troubles liés à l’anxiété. Thérapies comportementales, médicamenteuses, méditation, relaxation, neuro- ou biofeedback… La gamme à la disposition des médecins traitants et des chercheurs, que l’exposition présente, ne cesse de s’étoffer. Une bonne nouvelle pour les patients et leur famille pour qui la peur est définitivement devenue une ennemie du quotidien.


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