Les internationaux sont des Genevois comme les autres
Une étude évaluant l’impact de la Genève internationale montre que les employés de ce secteur ne sont pas responsables des problèmes de logement et de mobilité que connaît la région
Les employés du secteur international ne sont pas responsables des problèmes de logement et de mobilité qui touchent la cité du bout du lac. En réalité, ils les révèlent et en subissent même un peu plus durement les conséquences que les résidents genevois. C’est ce qui ressort du deuxième cahier d’une étude sur le secteur international à Genève menée par des chercheurs issus des Universités de Genève et de Lausanne, de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l’Institut de hautes études internationales et du développement.
Pression faible
Les chiffres compilés par
les deux auteurs du rapport,
Vahan Garibian, du Laboratoire
d’économie appliquée
de l’UNIGE, et Manouk Borzakian
de l’EPFL, montrent
que 45% des employés du
secteur international se
tournent vers des logements
situés en dehors du canton,
en France ou dans le canton
de Vaud. Quant à la demande
de ceux qui restent sur le territoire
genevois, elle se porte
surtout sur des segments du
marché (6 pièces et plus) différents
de ceux où l’on trouve
les résidents genevois et où
le taux de vacance est plus
élevé. L’un dans l’autre, leur
poids sur le marché du logement
genevois avoisine les
12% de la demande globale,
un pourcentage inférieur au
poids que représentent leurs
emplois (17%). «Si cette population
exerce une certaine
pression sur le marché du
logement, elle reste faible»,
concluent les auteurs.
Ces mêmes employés
internationaux paient en
revanche des loyers supérieurs
au reste de la population
pour un logement de
taille et de situation comparables.
Cela est dû au fait que
la plupart de ces personnes
ne sont établies à Genève
que depuis peu de temps
et, selon Vincent Kaufmann,
professeur d’analyse des mobilités
à l’EPFL et qui signe
la postface, qu’elles ne disposent
pas de réseaux de relations
locales, un ingrédient
central pour être bien logé.
«Ce n’est pas parce que les
internationaux habitent des
logements chers à Genève
qu’ils font monter les prix,
insiste le chercheur. Ils sont
d’abord les victimes de problèmes
structurels du marché
du logement.»
Une Genève généreuse
La mobilité des internationaux
est, elle aussi,
comparable
à celle des Genevois.
D’après le rapport, elle
n’apparaît non pas comme
un facteur aggravant mais
comme un révélateur des
problèmes structurels de la
région, en l’occurrence l’engorgement
des voies d’accès
vers le centre pourvoyeur
d’emplois. Il faut dire que
ceux qui ont été contraints
de s’installer au-delà de la
frontière ne bénéficient quasiment
plus des transports
publics et sont donc obligés
de prendre leur voiture pour
aller travailler.
Les experts sont d’accord
pour affirmer que Genève
doit sortir d’une logique d’affrontement
partisan et devenir
plus généreuse. Il faut
construire plus de logements
au centre et améliorer les
transports publics. La métropole,
qui compte bientôt un
million d’habitants, doit pour
cela «mettre en oeuvre la
transition mobilitaire, […] qui
se caractérise par un consensus
général sur la priorité à la
mobilité publique», écrivent
les professeurs Yves Flückiger
(Faculté d’économie et
de management) et Jacques
Lévy (EPFL), responsables de
la recherche. Une priorité qui
tarde à s’imposer.
Robert Cramer, conseiller
aux Etats, admet en fin d’ouvrage
que l’on puisse regretter
cette lenteur mais note
qu’un point est déjà acquis:
la réalité quotidienne a fait
naître un sentiment de nécessité
qui s’est traduit par
la création, en 2013, du Groupement
local de coopération
transfontalière. Cet organisme,
qui a pris le nom de
Grand Genève, regroupe les
divers exécutifs de l’agglomération.
C’est à lui, désormais,
qu’il revient de porter les projets
d’urbanisation, d’environnement,
d’emploi, etc.