«Le droit humanitaire s’impose aussi en amont des conflits»
Instrument au service des organisations internationales et des ONG, l’Académie de droit international humanitaire et des droits humains accueille un nouveau directeur en la personne du professeur Robert Roth
Capitale des organisations internationales, Genève compte une institution de recherche et d’enseignement unique en son genre: l’Académie de droit international humanitaire et des droits humains. Cette entité, fondée en 2007 par l’UNIGE et l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), accueille depuis le 1er août un nouveau directeur en la personne de Robert Roth, professeur à la Faculté de droit et spécialiste du droit pénal international.
Entretien
L’entité que vous dirigez a connu plusieurs phases de transformation. Quel regard portez-vous sur son évolution?
Robert Roth: L’Académie est issue d’un centre universitaire commun à la Faculté de droit et à l’Institut de hautes études internationales lancé en 2003. A cette époque, il s’agissait de mettre sur pied un enseignement de haut niveau, afin de permettre à la place universitaire genevoise d’être présente sur le terrain du droit humanitaire, en écho à la tradition de Genève dans ce domaine. En sollicitant différentes compétences dans le domaine du droit humanitaire, le centre s’est peu à peu mué en véritable institution de recherche et de formation. L’adjonction des droits humains est venue parachever la transformation organisationnelle et juridique de l’entité en l’Académie que nous connaissons aujourd’hui.
L’Académie s’est peu à peu rapprochée des organisations non gouvernementales et des autorités fédérales…
En effet. Dès 2007, après une discussion avec les autorités suisses et des représentants du milieu humanitaire, l’Académie a établi un partenariat solide avec le Département fédéral des affaires étrangères. D’autres contributeurs, comme les Pays-Bas, l’Allemagne ou les pays scandinaves, sont depuis devenus des partenaires. Non seulement ces derniers contribuent financièrement à l’Académie, mais ils nous mandatent pour des sujets de recherche qui nous permettent de rester en première ligne dans le domaine du droit humanitaire et des droits humains. Sous la direction d’Andrew Clapham et de Paola Gaeta, l’Académie s’est professionnalisée pour devenir une réelle success story.
Quelles sont les activités de recherche qui sont conduites au sein de l’Académie?
Elles ont trait au droit qui s’applique avant, pendant et après les conflits armés. La gamme de recherche est donc très large. Elle comprend aussi bien des sujets très concrets, comme la détermination de sanctions qui doivent s’appliquer à ceux qui ont perpétré des crimes en situation de conflits, que des sujets plus en amont, à l’image des problèmes juridiques posés par l’usage des drones et des robots. Notre fierté est de pouvoir nous pencher sur des thèmes avant que ceux-ci ne deviennent des sujets d’actualité. L’exemple par excellence est le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées, dont la Suisse est promotrice avec l’appui de nos experts. Le Traité de commerce sur les armes, adopté dans le cadre des Nations unies en 2013, est un autre sujet pour lequel l’Académie a apporté une contribution majeure.
Et dans le domaine de la formation?
Le droit humanitaire constitue la colonne vertébrale de notre enseignement. A côté d’une formation professionnalisante à plein-temps, nous avons développé de nombreux programmes à temps partiel, dont un executive master destiné à des professionnels issus des organisations internationales et des milieux diplomatiques, qui sera sans doute suivi d’autres enseignements du même genre. Nous proposons aussi des formations plus courtes, sous la forme de modules que nous dispensons à Genève ou sur le terrain. Nous avons ainsi lancé récemment un cours sur le droit des armes; une première mondiale me semble-t-il.
Vous avez occupé différentes fonctions dirigeantes à l’UNIGE et avez été juge auprès du Tribunal spécial pour le Liban. Que vous apporte cette nomination?
De par mon parcours personnel, je suis extrêmement attaché à cette Académie. Outre mes fonctions de directeur et la réflexion stratégique qu’un tel poste exige, je me réjouis de pouvoir contribuer aux efforts de recherche et d’enseignement. Il s’agira de coordonner les initiatives venant de nos partenaires, du corps enseignant et de nos experts et chercheurs. Il sera de mon devoir de procéder à des arbitrages, de fixer des priorités et de privilégier les thématiques de recherche qui répondent aux besoins du monde qui nous entoure. Anticiper plutôt que réagir: tel restera notre mot d’ordre.