20 mai 2021 - Jacques Erard

 

Vie de l'UNIGE

Financement de la recherche par des fondations: l’UNIGE joue la carte de la transparence

L’Université publie sur son site internet la liste des subsides provenant de fonds tiers, de droit privé ou public. Cette démarche complète la réglementation mise en place depuis 2015 pour encadrer les levées de fonds des chercheurs et chercheuses.

 

 

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L’Université perçoit chaque année entre 32 et 35 millions de francs de donations sans contreparties, octroyées la plupart du temps par des fondations. Cette manne représente entre 4 et 5% du budget total de l’institution. Elle résulte principalement de levées de fonds menées par des collaborateurs et collaboratrices pour compléter le financement de projets de recherche. Le Rectorat soutient formellement ces démarches depuis 2015 et a mis en place un encadrement professionnel reposant notamment sur une Charte de la levée de fonds, afin de s’assurer que ces financements correspondent aux valeurs et aux objectifs de développement de l’Université.

Une étape importante de ce processus est franchie aujourd’hui avec la publication, sur le site de l’UNIGE de la liste des subsides sans contreparties obtenus en 2020 par des collaborateurs/trices. Ce document indique le montant et la durée du financement, le nom du bailleur et celui du chercheur ou de la chercheuse bénéficiaire.

«La transparence est un élément clé de la confiance accordée à notre Université, souligne le recteur Yves Flückiger. Cette confiance est celle du public, qui a le droit de savoir comment sont financées nos recherches, et celle de nos donateurs/trices soucieux/ses du bon usage de ces moyens. Elle s’avère également cruciale pour veiller au respect d’une des valeurs fondatrices de l’Université: la liberté académique de la communauté scientifique.» Dans ce même esprit de transparence, les subsides privés alloués à des chaires sont également rendus publics. À travers cette démarche, l’Université fait savoir qu’elle assume pleinement cet apport de fonds tiers et précise comment il est utilisé.

Les explications de Christiane Fux, responsable de la Cellule de développement de l’UNIGE qui coordonne cet effort d’encadrement.

 

Le Journal: La liste rendue publique aujourd’hui concerne-t-elle tous les subsides tiers de droit privé ou public octroyés à l’Université?
Christiane Fux: Il s’agit uniquement des subsides supérieurs à un montant de 100’000 francs pour lesquels il n’existe aucune contrepartie: le bailleur ne peut ni exercer un droit de regard sur le déroulement des activités qu’il soutient, ni utiliser à son profit les résultats. Les mandats de service, lorsque, par exemple, une entreprise fait appel à un groupe de recherche pour effectuer une expertise technique, ne figurent donc pas dans cette liste et sont soumis à une directive spécifique.

Pour quelles raisons les montants inférieurs à 100’000 francs ne sont-ils pas inclus dans la liste?
Les subsides de plus de 100’000 francs requièrent l’autorisation du Rectorat. Cela nous permet de centraliser les données. L’acceptation des montants inférieurs est de la responsabilité des décanats. Nous travaillons actuellement avec les facultés à harmoniser les données et à affiner la qualité des informations. À terme, nous souhaitons élargir la liste et inclure, idéalement, les financements dès 10’000 francs.

En l’état actuel, un donateur qui ne voudrait pas figurer sur cette liste ne pourrait-il pas être tenté de découper son financement en tranches inférieures à 100’000 francs?
C’est impossible, car les tranches d’un même donateur pour un même projet de recherche sont cumulées. A contrario, certaines fondations très proches de l’Université comme Boninchi, Schmidheiny ou le Fonds général de l’Université apparaissent peu du fait qu’elles versent des montants souvent très dispersés.

Quel est le profil des donateurs?
À l’UNIGE, 97% des bailleurs sont des fondations ou des associations donatrices ayant leur siège en Suisse. Elles sont près de 200 à soutenir nos chercheurs/euses depuis de nombreuses années, essentiellement dans le domaine de la recherche fondamentale. Les mécènes individuel-les contribuent à hauteur de 2% seulement. En publiant cette liste, nous tenons aussi à donner de la visibilité à l’action de ces donateurs et donatrices.

Peut-on s’assurer qu’ils ont des objectifs compatibles avec les valeurs de l’Université?
Les bailleurs de l’UNIGE sont pratiquement tous des organismes reconnus d’utilité publique. Leur mission est clairement identifiée dans leurs statuts. Dans le cas des donations faites à la Faculté de médecine, il s’agit clairement d’objectifs qui convergent avec ceux de l’Université, à savoir mettre au point des thérapies pour des maladies telles que le diabète ou les cancers. Il existe par ailleurs un débat légitime sur la fiscalité des organismes philanthropiques. À partir du moment où l’argent des fondations a été défiscalisé mais qu’il sert une cause comme la recherche sur le cancer, on peut certes considérer que l’État n’a pas perçu sa part d’impôt, tout en admettant que cette somme vient compléter une mission qui est celle de l’État.

N’existe-t-il pas un risque que ces financements créent des déséquilibres dans le développement des activités de recherche?
Si vous regardez la liste des projets financés, vous constaterez qu’il s’agit pour l’essentiel de travaux pour lesquels les chercheurs/euses ont déjà obtenu des fonds publics compétitifs et qui ont par conséquent fait l’objet d’une évaluation scientifique. Il n’est pas dans l’intérêt des bailleurs, qui n’ont généralement pas les moyens d’effectuer ce type d’évaluation, de financer massivement des projets qui ne correspondraient pas aux objectifs stratégiques des hautes écoles. Leurs subsides apportent le plus souvent un complément pour financer le poste d’un-e doctorant-e, par exemple, ou servent à initier des recherches dans des cas bien précis. Dès la deuxième semaine de confinement due à la pandémie de Covid-19, l’an dernier, la Faculté de médecine a ainsi obtenu plusieurs centaines de milliers de francs pour lancer des études sur le virus, sans attendre le financement d’un bailleur étatique comme le Fonds national de la recherche scientifique (FNS). Nous avons également vu ce processus à l’œuvre lorsque des fondations se sont mobilisées pour apporter très rapidement une aide économique à nos étudiant-es. Ces financements n’ont pas biaisé l’action des chercheurs/euses ou du Rectorat, ils ont servi d’accélérateurs.

Outre l’aspect éthique, quel est l’intérêt de l’Université à publier une telle liste?
Cela participe à mieux faire comprendre le fonctionnement de la recherche. Si je suis, à titre individuel, donatrice d’une fondation de lutte contre le cancer, je peux identifier précisément, grâce à cette liste, les projets qu’elle finance. Je peux également me faire une idée du coût d’une chaire. Ces données sont désormais publiques, n’importe qui peut aller vérifier et savoir qui finance quoi. Cette démarche répond d’ailleurs à une demande de la Cour des comptes qui a insisté, lors de son récent audit, pour que ces dons et legs soient rendus plus transparents. Nous espérons aussi que cela encouragera les chercheurs/euses à faire davantage de levées de fonds et renforcera la confiance dans les dispositifs d’accompagnement qui sont mis en place.

 

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