Plasticité cellulaire et régénération par interconversion des types cellulaires

Herrera_thematic pannel.png

Panneaux thématique ©HERRERA/UNIGE


Le diabète sucré se caractérise par un dysfonctionnement ou une perte des cellules bêta productrices d’insuline, mais les thérapies actuelles ne s’attaquent pas à la cause profonde : l’insuffisance de masse bêta-cellulaire. Les efforts visant à remplacer ou à régénérer ces cellules sont donc au cœur du développement de traitements durables, en particulier pour le diabète de type 1, où la destruction auto-immune entraîne une perte quasi totale des cellules bêta.

Le groupe de recherche du Prof. Pedro Herrera étudie la manière dont le pancréas adulte réagit à une telle déplétion extrême en cellules bêta. Dans une série d’études majeures publiées dans Nature (2010, 2014 et 2019), Nature Cell Biology (2018) et Nature Communications (2021), le laboratoire a démontré qu’après une perte quasi totale des cellules bêta, le pancréas adulte peut régénérer spontanément des cellules productrices d’insuline chez la souris.

Cette régénération se produit via un mécanisme surprenant  : l'interconversion fonctionnelle. Après la perte quasi complète des cellules bêta, d’autres cellules endocrines matures de l’îlot pancréatique (non bêta, c’est-à-dire les cellules alpha, delta et gamma) se reprogramment pour produire de l’insuline. Ce phénomène d’interconversion fonctionnelle n’avait jamais été documenté chez les mammifères auparavant. Plus encore, le laboratoire a montré que ce processus n’est pas limité aux modèles animaux : une plasticité similaire a été observée dans les îlots pancréatiques humains. Ces découvertes remettent en cause la croyance de longue date selon laquelle les cellules différenciées seraient irréversiblement figées dans leur identité et ouvrent une base prometteuse pour développer des thérapies innovantes contre le diabète et d’autres maladies dégénératives.

OBJECTIFS DE RECHERCHE

Le laboratoire Herrera vise à décrypter les mécanismes permettant à des cellules pancréatiques matures de se convertir en cellules productrices d’insuline. Ses travaux s’attachent à comprendre comment la production d’insuline peut être acquise par des cellules voisines de l’îlot après une perte de cellules bêta.

En combinant des modèles murins génétiques avancés avec des îlots pancréatiques humains issus de donneur·ses décédé·es, l’équipe étudie les voies moléculaires et cellulaires qui orchestrent ce processus complexe d’interconversion fonctionnelle. Les souris transgéniques sont conçues pour permettre l’ablation sélective ou le marquage précis de certains types cellulaires, afin d’analyser avec finesse la régénération et la plasticité cellulaires à différents âges et dans divers contextes.

Objectifs principaux :

  • Identifier les réseaux de régulation génique qui permettent ou restreignent la plasticité des cellules alpha, delta et gamma.

  • Caractériser les environnements de signalisation qui déclenchent ou modulent l’interconversion cellulaire.

  • Explorer l’influence de l’âge, de l’état pathologique ou de différents signaux sur le potentiel régénératif.

Ultimement, le laboratoire cherche à traduire ces connaissances en stratégies régénératives qui réactivent la capacité intrinsèque de l’organisme à reconstituer ses cellules productrices d’insuline, posant ainsi les bases de thérapies innovantes pour le diabète.


Résumé graphique ©HERRERA/UNIGE


EXPERTISE

Le laboratoire Herrera se situe à l’interface de plusieurs disciplines – biologie du développement et cellulaire, médecine régénérative, recherche sur le diabète, reprogrammation cellulaire et transgenèse – afin de comprendre comment l’identité et la plasticité cellulaires sont régulées dans le pancréas.

Les lignées cellulaires des îlots de Langerhans sont étudiées chez des souris porteuses de plusieurs transgènes. Grâce au système Cre/loxP, les cellules progénitrices endocrines peuvent être marquées in vivo, aussi bien chez l’embryon·ne que chez l’adulte. On peut ainsi marquer de manière irréversible des cellules précurseures ou productrices d’hormones par recombinaison spécifique de site, médiée par l’enzyme Cre recombinase. L’expression du gène rapporteur dépend donc de l’activité de Cre dans des types cellulaires particuliers.

Les décisions de destin cellulaire dans les primordia pancréatiques précoces résultent de signaux à la fois autonomes et non autonomes. Nous analysons le rôle de divers effecteurs de voies de signalisation dans différents modèles transgéniques conditionnels.

Le potentiel régénératif du pancréas adulte est étudié grâce à des stratégies d’ablation ciblée permettant d’éliminer sélectivement certains types cellulaires pancréatiques. Ces modèles de lésion contrôlée permettent d’examiner les dynamiques de régénération des cellules bêta et ont été déterminants pour démontrer l’interconversion fonctionnelle des cellules endocrines non bêta en cellules productrices d’insuline.

En parallèle, l’équipe a développé une plateforme d’isolement et de purification des types cellulaires d’îlots humains, en particulier des cellules alpha, issues de donneur·ses. Associée à des approches telles que l’expression ectopique de gènes par vecteurs viraux, la manipulation pharmacologique ou l’invalidation génique, cette plateforme permet d’étudier la plasticité et la reprogrammation cellulaires dans des cellules humaines primaires, renforçant ainsi la valeur translationnelle de ces découvertes.

PUBLICATIONS SÉLECTIONNÉES

22 août 2025

Recherche