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Excès d’alcool après infarctus : attention danger

Une étude des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et de l’Université de Genève (UNIGE) montre que les personnes qui pratiquent le binge drinking dans l’année qui suit un infarctus du myocarde, présentent un risque deux fois plus élevé de souffrir d’un autre évènement cardiovasculaire indésirable majeur. En revanche, celles qui consomment régulièrement de l’alcool modérément ne présentent pas le même risque. Selon cette étude, ce n’est pas la fréquence de consommation, mais plutôt la quantité d’alcool ingérée qui augmente le risque de souffrir d’un autre évènement cardiaque sévère comme un autre infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral (AVC), ou même un décès. Les recommandations sur la consommation d’alcool après un infarctus du myocarde demeuraient inconnues jusqu’ici. Cette étude constitue donc une avancée significative pour la prévention cardiovasculaire secondaire. Elle est disponible dans la revue European Journal of Preventive Cardiology.

L’alcool est la substance psychoactive la plus consommée au monde, avec plus de deux milliards de consommateurs et consommatrices. Il représente un facteur de risque bien connu d’invalidité et de décès en cas de consommation excessive. Les lignes directrices 2016 de la Société européenne de cardiologie recommandent de limiter la consommation d’alcool à deux verres par jour pour les hommes et à un verre par jour pour les femmes, indépendamment de la présence d’une maladie cardiovasculaire. En effet, la fréquence, la quantité ou les excès de consommation entraînent des conséquences sur la santé, notamment cardiovasculaire.

« Dans le cadre de la prévention cardiovasculaire secondaire après un infarctus du myocarde, il n’existe pas de recommandations claires sur la quantité d’alcool autorisée chez les patientes et patients », explique la Dre Elena Tessitore, médecin adjointe agrégée au Service de cardiologie des HUG, Privat-docent au Département de médecine, Faculté de médecine UNIGE, et première auteure de l’étude.

La quantité bue en une occasion pointée du doigt

Les résultats de l’étude montrent que ce n’est pas la fréquence, mais la quantité d’alcool ingérée lors d’un épisode de consommation qui est associée à un pronostic plus défavorable.

En d’autres termes, la pratique du binge drinking dans l’année qui suit un infarctus du myocarde est à éviter. En effet, les épisodes de consommation excessive, même s’ils surviennent moins d’une fois par mois, sont associés à un risque deux fois plus élevé de décès, d’infarctus du myocarde ou d’AVC.

« Nos résultats montrent que dans le groupe de binge drinking, le risque d’événements cardiovasculaires majeurs est même plus important chez les femmes que chez les hommes. En raison des différences dans la structure corporelle, l’effet de l’alcool sur les femmes peut être encore plus sérieux que sur les hommes », relève la cardiologue.

En revanche, la consommation hebdomadaire régulière d’alcool, qu’elle soit modérée ou légère, ne semble pas associée à une élévation du risque d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs dans l’année suivant l’infarctus du myocarde.

Comparer les habitudes de consommation

Pour étudier l’association entre les habitudes de consommation d’alcool et le pronostic chez les patients et patientes souffrant d’une maladie coronarienne établie, l’équipe de recherche en cardiologie a examiné les données de personnes souffrant d’un syndrome coronarien aigu (infarctus) et ayant été hospitalisées dans l’un des quatre hôpitaux universitaires de Suisse, les HUG, le CHUV, l’USZ et l’Inselspital.

Au total, 6 557 personnes ont été suivies médicalement pendant 12 mois et les données sur leurs consommations hebdomadaires d’alcool ont été recueillies simultanément. L’équipe a répertorié le nombre d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs survenus chez ces personnes pendant la période de suivi, à savoir des décès cardiaques, des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux et les interventions de revascularisation coronarienne ciblées lorsqu’elles étaient cliniquement indiquées.

Elle a ensuite comparé ces événements avec les habitudes de consommation individuelles selon cinq profils: consommation importante (plus de 14 unités d’alcool par semaine), modérée (7 à 14 unités), légère (moins d’une unité), abstinence (0 unité) et consommation épisodique excessive définie comme une consommation de six unités ou plus d’alcool en une occasion (binge drinking).

Un grand pas pour la prévention cardiovasculaire secondaire

Après un infarctus du myocarde, les personnes concernées sont souvent motivées à l’idée de changer leur hygiène de vie et des programmes de réadaptation cardiovasculaire sont mis à disposition pour accompagner et soutenir ce changement. Cependant, la question de la consommation d’alcool ne semble généralement pas être considérée comme une priorité par les cardiologues, contrairement au tabagisme ou à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, comme la dyslipidémie ou l’hypertension, pour lesquels des objectifs cibles sont bien établis.

Par conséquent, cette étude amène des indications claires qui feront indéniablement évoluer les pratiques préventives. « Il est désormais essentiel d’investiguer la pratique du binge drinking après un infarctus du myocarde, car ce comportement est à haut risque chez les hommes et les femmes après un infarctus du myocarde. Ainsi, nous pourrons offrir des suivis et des consultations appropriés afin d’améliorer le pronostic cardiovasculaire », conclut la Dre Elena Tessitore.

8 mars 2024

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