Media

Grippe, Candida albicans : un même antagoniste aux interleukines impliqué dans les deux infections

©Istock, vue d’artiste. A gauche, Candida albicans, à droite, virus de la grippe.

La famille des interleukines 1 est constituée de 11 cytokines — de petites protéines en charge de la communication entre la cellule et son environnement — qui jouent un rôle central dans la régulation des réponses immunitaires et inflammatoires. Elles sont ainsi impliquées dans les infections et les maladies auto-immunes telles que l'arthrite, l'asthme, les maladies inflammatoires de l'intestin, la sclérose en plaques ou encore le psoriasis. Or, deux membres de cette famille, IL-1α et IL-1β, ont un antagoniste naturel, l'IL-1Ra (antagoniste du récepteur de l'IL-1). qui entre en compétition pour l'occupation du récepteur de l'IL-1 mais ne déclenche pas de signalisation en aval.

Cem Gabay, professeur au Département de médecine et au Centre de recherche sur l’inflammation (GCIR) de la Faculté de médecine de l’UNIGE, est un spécialiste de cette famille d’interleukines. Il a récemment participé à deux études cherchant à élucider le rôle de cet antagoniste dans la réponse immunitaire à une infection par le virus de la grippe (étude menée par la Harvard Medical School, à lire dans Nature Immunology), d’une part, et par une infection fongique à Candida albicans, d’autre part (étude menée à l’Université de Berne, à lire dans Immunity). Dans les deux cas, le rôle majeur de cette molécule a été démontré : selon quelle cellule immunitaire sécrète l'IL-1Ra, son action limite l’effet protecteur de l’IL-1 lors de la réponse contre l’infection.

Virus de la grippe

Les virus respiratoires pathogènes, tels que la grippe, restent un problème de santé mondial majeur en raison des lésions pulmonaires et de l'insuffisance respiratoire. La réponse immunitaire qui combat les virus respiratoires peut en effet également provoquer des lésions pulmonaires. La réponse immunitaire innée à la grippe a ainsi des effets à la fois positifs et négatifs : elle aide à contrôler le virus dans un premier temps, mais peut aussi entraîner une maladie grave et même mortelle par la suite. Les lymphocytes T régulateurs — des cellules essentielles du système immunitaire — suppriment les réponses immunitaires et inflammatoires et sont très sensibles aux infections virales respiratoires. Cependant, leur influence sur l'issue de l'infection reste peu claire. L’équipe menée par la Harvard Medical School a examiné comment ces cellules modulent l'immunité adaptative et innée au cours de la réponse immunitaire précoce à la grippe. Des souris chez qui la possibilité de sécréter de l’IL-1Ra a été supprimée, générées dans le laboratoire du professeur Cem Gabay, ont été infectées par la grippe. Or, la délétion génétique totale de l'IL-1Ra augmente considérablement la mortalité, tandis que la délétion sélective de l'IL-1Ra — uniquement dans les lymphocytes T régulateurs — améliore la survie. Les résultats montrent que le moment, la localisation et la source cellulaire de l'IL-1Ra sont importants pour moduler la réponse de l'hôte à l'infection grippale.

Le cas de Candida albicans

Le champignon Candida albicans fait partie du microbiome humain, inoffensif chez la plupart d’entre nous. Cependant, dans certaines circonstances, il peut provoquer des infections allant d'une infection superficielle de la peau à des infections systémiques potentiellement mortelles. C'est le cas des personnes immunodéprimées en raison d'une hémopathie maligne, d'une transplantation d'organe, du SIDA ou encore d'une hospitalisation prolongée en soins intensifs.

Le groupe de Stefan Freigang de l'Université de Berne a étudié les niveaux d'IL-1Ra produits par des types de cellules spécifiques impliquées dans l'immunité antifongique. Il s’avère que l'IL-1Ra sécrétée par les macrophages empêche une élimination efficace des pathogènes. Mais en supprimant la sécrétion d’IL-1Ra de manière sélective, on observe une protection contre la septicémie mortelle à C. albicans. En outre, les scientifiques ont constaté que l'IL-1Ra sécrétée par les macrophages était régulée positivement par l'interféron de type I, ce qui révèle une association entre la candidose invasive secondaire et les infections virales précédentes. Leurs résultats fournissent une explication mécaniste de la susceptibilité élevée à l'infection par Candida dans la circulation sanguine et suggèrent que les thérapies ciblant l'IL-1Ra constituent une nouvelle approche thérapeutique.

20 nov. 2023

Media