La Formation du symbole chez l’enfant : imitation, jeu et rêve, image et représentation ()

Chapitre II.
Les stades IV et V : imitation des mouvements non visibles sur le corps propre et des modèles nouveaux a

Les stades IV et V marquent l’épanouissement de l’imitation immédiate, par différenciation progressive de l’accommodation à l’égard de l’assimilation, mais demeurent au seuil de l’imitation différée ou de l’imitation avec début de représentation, réservées au sixième stade.

§ 1. Le quatrième stade : I. Imitation des mouvements déjà exécutés par le sujet, mais de manière invisible pour lui

Du point de vue des progrès de l’intelligence en général, le stade IV qui débute entre 0 ; 8 et 0 ; 9 est caractérisé par la coordination des schèmes entre eux, d’où leur mobilité accrue et la constitution d’un système d’« indices » relativement détachés de la perception actuelle (voir N. I., chap. IV). Quant à la construction de l’espace, de l’objet et de la causalité, il s’ensuit une élaboration rapide de relations différenciées entre les choses, par opposition aux relations globales inhérentes aux simples réactions circulaires secondaires (voir C. R.).

Ce double progrès retentit sur l’imitation de la manière suivante. La coordination des schèmes et la constitution des « indices » permettent à l’enfant d’assimiler les gestes d’autrui à ceux du corps propre même lorsque ceux-ci demeurent invisibles pour le sujet. Les combinaisons de relations facilitent, d’autre part, l’accommodation aux modèles nouveaux. Commençons par l’analyse de la première de ces deux acquisitions, car nulle autre n’est davantage de nature à faire saisir l’étroite connexion qui unit le développement de l’imitation à celui de l’intelligence dans son ensemble. À condition de limiter les interventions de l’observateur au minimum, on peut suivre, en effet, pas à pas l’assimilation graduelle des mouvements visibles du visage d’autrui à ceux invisibles, du visage propre :

Obs. 19. — À 0 ; 8 (4) J. remue ses lèvres en mordillant ses mâchoires. Je fais de même et elle me regarde très attentivement, en cessant d’agir. Dès que je m’arrête, elle reprend de son côté, et ainsi de suite. Or, contrairement à ce qui s’est passé jusqu’ici (voir obs. 17), J. recommence à m’imiter une heure après et le lendemain sans avoir exécuté le mouvement juste auparavant (mais naturellement au moment où je lui présente à nouveau le même modèle).

Pour comprendre cet intérêt nouveau, il faut noter deux circonstances. La première est que, depuis quelques jours, elle ne se borne pas à imiter les sons pour eux-mêmes mais regarde avec une grande attention la bouche du modèle. C’est ainsi que, à 0 ; 8 (2) elle a imité (voir obs. 11) les sons pfs, bva, hha, mam mam, bva, papa, baba, etc. mais en regardant constamment ma bouche, comme si elle s’intéressait au mécanisme de la parole (à la manière dont elle examine un hochet en le faisant sonner). En second lieu, en remuant les lèvres, à 0 ; 8 (4), J. a commencé par produire un léger bruit de salive, dû au frottement des lèvres contre les dents, bruit que j’ai imité moi-même au commencement. Son intérêt pour les mouvements de la bouche est donc nettement issu d’un intérêt pour la production du son.

Mais, à 0 ; 8 (7) je reprends l’expérience sans émettre aucun son et sans que J. ait elle-même exécuté le mouvement auparavant : elle regarde mes lèvres remuer puis imite nettement, par trois fois, ce geste, tout en fixant ses yeux sur ma bouche. — Le soir du même jour, la réaction est identique, avec le même intérêt et une mimique d’« essayer pour voir » : elle remue ses lèvres d’abord lentement et timidement, puis avec décision, comme si elle commençait par s’assurer de l’efficacité du procédé.

Les jours suivants la suggestion de l’exemple se conserve pleinement, le schème semblant ainsi définitivement acquis.

Obs. 20. — À 0 ; 8 (9), je tire la langue devant J., reprenant ainsi l’expérience interrompue à 0 ; 8 (3) et qui n’a donné jusqu’ici que des résultats négatifs (voir obs. 17). J. commence par me regarder sans réagir, mais, vers le huitième essai, elle se met à mordiller ses lèvres comme précédemment. Au neuvième et au dixième essai, elle s’enhardit et ne réagit plus autrement.

Le soir du même jour la réaction est immédiate : dès que je tire ma langue, elle mordille ses lèvres.

À 0 ; 8 (12), même réaction. À 0 ; 8 (13) elle tire la langue tout en la mordillant : je l’imite et elle semble m’imiter en retour, en regardant ma langue avec une grande attention. Mais dès le lendemain, jusqu’à 0 ; 9 (1), elle recommence à mordiller ses lèvres seules lorsque je lui tire la langue sans qu’elle le fasse d’elle-même. Le geste de mordiller les lèvres lui paraît donc la réponse adéquate à tout mouvement de la bouche d’autrui (comme nous le verrons encore au cours des obs. suivantes).

À 0 ; 9 (2), par contre, J. tire la langue en faisant ba… ba… en même temps. Je m’empresse de faire la même chose et elle recommence en riant. Après trois ou quatre répétitions seulement je tire ma langue en silence : J. la regarde alors avec une grande attention, remue et mordille ses lèvres un instant, puis tire la langue plusieurs fois de suite sans émettre aucun son. — Je recommence après un quart d’heure, puis environ une demi-heure plus tard : elle se remet chaque fois à mordiller ses lèvres, mais tire la langue nettement après un instant.

À 0 ; 9 (3), elle recommence à mâcher ses lèvres, sans tirer la langue. À 0 ; 9 (8), par contre, elle fait les deux à la fois.

À 0 ; 9 (11), enfin, elle parvient à dissocier définitivement les deux schèmes. Je lui tire la langue alors qu’elle ne le faisait point juste auparavant. Elle répond d’abord en mordillant ses lèvres immédiatement, puis en tirant plusieurs fois la langue après un instant. J’interromps les essais, puis tire à nouveau la mienne : elle me regarde attentivement en mordillant ses lèvres, mais elle tire sa langue plus vite et plus nettement. Après une seconde pause, je tire ma langue : elle tire alors la sienne très nettement, sans mordiller les lèvres et après m’avoir regardé avec une grande attention. Il est alors impossible de ne pas conclure à l’imitation consciente.

À 0 ; 9 (12), c’est-à-dire le lendemain, je lui tire la langue : elle tire aussitôt la sienne, en souriant légèrement. Trois heures plus tard, je recommence : elle tire la sienne quatre fois de suite, en riant de plaisir. Même réaction à 0 ; 9 (13) avec la même mimique de satisfaction. À 0 ; 9 (14), elle tire la langue au maximum, avec un air malicieux, dès que je lui montre la mienne, etc.

On voit donc comment le modèle de la langue d’autrui a été d’abord assimilé au schème de remuer les lèvres, et comment, grâce à un indice auditif, le ba… ba de 0 ; 9 (2), J. a pu différencier de ce schème celui de la protrusion de la langue seule.

Obs. 21 — Le geste de mettre un doigt à la bouche a donné lieu à un processus d’acquisition exactement comparable, sauf en ce qui concerne l’indice employé.

À 0 ; 8 (3) encore, comme on l’a vu dans l’obs. 17, J. n’imite pas le geste d’introduire un doigt dans la bouche. Il en est toujours de même à 0 ; 8 (11) : elle me regarde sucer mon pouce, puis mon index, sans réagir en rien. Même réaction à 0 ; 8 (13).

À 0 ; 8 (28), par contre, elle s’empare du doigt que je sors de ma bouche, elle le tâte et le rapproche de sa bouche pour le sucer. Je le remets alors dans la mienne. Elle se cambre quand je m’arrête (pour me faire continuer), puis elle met sa main dans sa bouche en regardant la mienne. Au second et au troisième essai, elle suce à nouveau sa main. Est-ce de l’imitation, ou cherche-t-elle simplement à remplacer par le sien mon doigt qu’elle n’a pas pu sucer ? La suite semble montrer qu’elle demeure entre deux.

À 0 ; 9 (0), en effet, elle me regarde avec une grande attention alors que je suce mon index et se met à mordiller ses lèvres. Cette réponse, qu’elle donne depuis trois semaines environ lorsque je lui tire la langue, est donc utilisée pour la première fois dans le cas du doigt que je mâche devant elle. En d’autres termes, J. commence à assimiler ce spectacle aux schèmes de l’activité buccale, sous la suggestion, sans doute, de l’expérience qu’elle a faite, deux jours avant, en voulant passer mon doigt de ma bouche dans la sienne.

À 0 ; 9 (1) elle recommence à sucer ses lèvres dès qu’elle me voit mettre mon doigt à la bouche, mais elle ne remue pas sa main.

À 0 ; 9 (2), elle suit longuement des yeux mes doigts qui entrent et sortent de la bouche et se met aussitôt à mordiller ses lèvres. Après quoi, elle dirige son pouce dans la direction de sa bouche et l’approche lentement en continuant à me regarder. Mais elle ne l’introduit pas et l’arrête sur sa lèvre inférieure.

À 0 ; 9 (3) elle se borne à mordiller ses lèvres, en suçant il est vrai de temps en temps son pouce mais de manière si espacée qu’il ne semble pas y avoir d’imitation.

À 0 ; 9 (8) elle mordille ses lèvres sans plus.

À 0 ; 9 (11), par contre, l’imitation devient nette. Je mets à intervalles réguliers mon doigt dans la bouche après le lui avoir montré. Elle ne réagit d’abord pas, puis, à quatre reprises, je la vois dresser son index droit, les autres étant repliés et la main entière posée sur les draps en dehors de son champ visuel. Après quoi, elle finit par mettre trois fois son index dans sa bouche, lentement et comme si elle suivait avec attention ce qu’elle faisait.

À 0 ; 9 (12) elle me regarde sucer mon doigt, puis après un moment elle introduit son index dans sa bouche. — Trois heures après je recommence : elle dresse alors nettement son index en gardant les autres doigts repliés, mais ne fait rien de plus. Le soir du même jour, elle réagit de même, puis, brusquement, dirige son index entre ses lèvres.

À 0 ; 9 (13) je mets mon doigt dans la bouche (sans lui avoir tiré la langue auparavant). Elle observe attentivement mon geste puis me tire la langue. — Je lui montre alors mon index, le dirige vers elle et, ensuite seulement, dans ma bouche : elle dresse alors son index droit (à deux reprises), puis son index gauche. Puis elle rapproche insensiblement l’index droit de la bouche et l’y introduit enfin, en regardant sans arrêt mon propre geste.

À 0 ; 9 (16) elle commence par dresser son index, sans le voir, puis, d’un geste brusque, l’amène à la bouche. Même réaction à 0 ; 9 (17), à 0 ; 9 (21), etc. L’imitation est désormais immédiate.

Obs. 22. — Un mouvement voisin de ces derniers, mais ne constituant pas un schème en lui-même (donnant lieu à des réactions circulaires indépendantes) est celui d’ouvrir et fermer la bouche. Ce geste est, en effet, impliqué dans les deux derniers. Il vaut donc la peine de chercher si son imitation a été acquise par transfert ou par différenciation assimilatrice.

À 0 ; 8 (11), J. me regarde avec attention alors que j’ouvre la bouche et la referme lentement : elle répond en mordillant ses lèvres, ce qui constitue donc le schème global et indifférencié par l’emploi duquel ont débuté toutes les imitations précédentes : Je n’obtiens rien de plus ce jour-là.

À 0 ; 8 (21) elle regarde sa mère manger et celle-ci ouvre et ferme distinctement la bouche. J. répond à nouveau en mordillant ses lèvres. — En outre, de 0 ; 8 (10) à 0 ; 9 (15) environ, j’essaie fréquemment de bâiller devant elle, ce qui ne produit aucune contagion. Lorsque je le fais très lentement, elle mordille ses lèvres, sinon me contemple assez indifférente.

À 0 ; 9 (15) à 0 ; 10 (11), aucun progrès notable. À 0 ; 10 (12), par contre, elle s’amuse à serrer ses gencives l’une contre l’autre, de manière à presser des deux incisives médianes inférieures contre la mâchoire supérieure. Après qu’elle a fait quelques-uns de ces mouvements, j’ouvre et ferme alternativement la bouche : elle rit et imite aussitôt mon geste, sans plus s’occuper de ses gencives ni de ses dents. Je recommence un instant après : même réaction.

Une heure après, elle termine son repas et n’a fait aucun exercice de serrer les gencives. J’ouvre et ferme la bouche : elle imite aussitôt en riant, avec une mimique expressive de satisfaction. — Sa mère ouvre alors la bouche pour voir si J. l’imitera aussi. J. rit et se retourne pour regarder ma bouche avec attention. Après quoi elle imite. — Le soir du même jour, à 22 h, à son réveil, elle imite aussitôt le même geste. Il en est ainsi également le lendemain, à plusieurs reprises.

À 0 ; 10 (16) j’ouvre la bouche devant elle : elle ouvre et ferme la sienne, mais en commençant par serrer ses gencives, comme à 0 ; 10 (12). Après quoi elle imite simplement. Mêmes réactions le lendemain, à 0 ; 10 (17).

Les jours suivants, J. n’a plus besoin de ce rappel pour imiter correctement le geste d’ouvrir la bouche. — Il semble donc clair que son geste de serrer les gencives lui a servi d’indice pour passer du schème global de mordiller les lèvres à la compréhension du mouvement d’ouvrir et fermer la bouche. Mais cet indice, loin de provoquer un transfert automatique, a servi d’emblée d’instrument à l’assimilation.

Dès 0 ; 11 (15) J. imite le bâillement mais en reproduisant intentionnellement le mouvement et le son (c’est le son qui a servi d’indice) au lieu de bâiller par contagion.

Obs. 23. — Citons encore, à propos de la bouche, quelques imitations instructives.

Vers 0 ; 10 (0), J. s’est mise à faire entre les lèvres des bulles de salive gonflées d’air, tout en disant méhê méhê, etc. À 0 ; 10 (6) sa mère fait de même, en produisant le même son. J. l’imite aussitôt. Après quoi, je lui montre sans plus des bulles et elle me copie, sans émettre de son. À 0 ; 10 (14) elle imite d’emblée le même geste, sans l’aide d’aucun indice sonore. Même réaction à 0 ; 10 (17), à 0 ; 10 (21), etc. — C’est donc le son méhê qui a servi au début d’indice pour assimiler la production des bulles chez autrui au geste correspondant accompli par l’enfant lui-même.

À 0 ; 10 (18) J. invente un nouveau schème, qui consiste à serrer les lèvres et appliquer la langue contre la lèvre inférieure en la bombant. Je fais de même trois fois pendant qu’elle s’exécute spontanément : elle regarde ma bouche tout en continuant. — Le soir du même jour, elle reprend d’elle-même le jeu. Cinq minutes après qu’elle a cessé je fais de même : elle imite deux fois de suite. — Les jours suivants je refais le même geste sans qu’elle l’ait exécuté auparavant : elle ne réagit pas, et je considère provisoirement le fait comme un cas de « pseudo-imitation ». Mais, à 0 ; 11 (23) je reprends l’expérience sans que J. se soit adonnée plus de deux fois au même jeu : dès que je l’imite elle m’imite en retour. Le lendemain, je fais le geste sans qu’elle l’ait exécuté d’elle-même : elle m’imite immédiatement, puis sourit et se touche les lèvres avec l’index droit, comme pour vérifier la correspondance de ce qu’elle voit sur moi avec ce qu’elle sent sur elle-même !

À 0 ; 11 (20) J. me regarde alors que j’ai du pain dans la bouche et que je le fais apparaître et disparaître entre mes lèvres (sans montrer ma langue) : elle rit, puis tire la langue, lentement et, sans aucun doute, intentionnellement !

Obs. 24. — Après l’imitation relative à la bouche, examinons celle des mouvements se rapportant au nez.

Vers 0 ; 9 (6), J. prend l’habitude de coller son visage contre la joue de sa mère et souffler du nez ou de renifler bruyamment dans cette posture. À 0 ; 9 (11) elle commence à produire le même son, mais en dehors de ce contexte : elle respire avec bruit, sans remuer ni la tête ni le nez lui-même. Une ou deux heures après qu’elle l’a fait, je me livre au même exercice : elle m’imite aussitôt et semble chercher sur mon visage d’où provient ce son. Elle regarde d’abord ma bouche, puis paraît examiner mon nez. Mais elle n’imite encore ni le geste de se toucher le nez avec l’index ou la main entière ni celui de remuer le nez.

Vers 0 ; 10, par contre, J. s’amuse à souffler et à respirer bruyamment en plissant le nez et en fermant presque les yeux. Il suffit de refaire la même chose, soit immédiatement, soit sans relation avec ses exercices spontanés, pour qu’elle imite d’emblée ce geste global. Or, dès 0 ; 10 (6), j’essaie de dissocier les mouvements du nez des autres éléments du schème : je regarde J. en plissant mon nez sans émettre aucun son. J. m’examine d’abord sans réagir, puis contracte silencieusement son nez en réponse. À 0 ; 10 (8) il en est de même. À 0 ; 10 (9), par contre, dès qu’elle voit remuer mon nez, elle répond en respirant bruyamment (elle rit), mais ensuite elle s’applique à plisser son nez silencieusement. À 0 ; 10 (17) elle répond en remuant le nez sans bruit. À 0 ; 10 (20), etc., il en est de même.

À 0 ; 10 (6), après l’imitation dont il vient d’être question, j’ai essayé d’une combinaison nouvelle en utilisant une réaction circulaire momentanée de l’enfant. J. se met, en effet, d’elle-même à renifler bruyamment en touchant son nez de son index droit. J’imite ce même geste, peu après qu’elle a cessé. Elle se remet alors à souffler et regarde mon doigt avec attention, tout en remuant légèrement son index, mais elle n’aboutit pas à la reproduction du schème. Quelques jours plus tard, la même expérience ne donne rien de plus (J. n’a pas répété d’elle-même la chose). À 0 ; 11 (1), par contre, il suffit que je mette mon index contre mon nez et que je souffle pour que J., après quelques instants d’examen, fasse trois fois de suite correctement le geste.

À 0 ; 11 (16) J. a mis plusieurs fois son doigt dans son nez. Lorsque j’en fais de même devant elle, elle m’a examiné avec attention, mais sans réagir. À 0 ; 11 (25), elle m’imite par contre en riant lorsque je l’imite moi-même. À 0 ; 11 (26), elle imite d’emblée ce geste, sans l’avoir exécuté spontanément avant moi.

Obs. 25. — Voici maintenant des exemples d’imitation relative aux yeux.

À 0 ; 8 (28) je mets ma figure très près de celle de J., puis j’ouvre et ferme alternativement les yeux. J. témoigne d’un vif intérêt et palpe mes yeux en essayant de faire ainsi continuer le spectacle. Il en est de même à 0 ; 9 (1) et les semaines suivantes. Je note encore une réaction toute négative à 0 ; 11 (11).

À 0 ; 11 (14), par contre, elle essaie d’imiter et commet une erreur qui semble d’un certain intérêt pour la théorie de l’imitation : elle regarde, rit, puis tout en continuant d’examiner mes yeux, elle ouvre et ferme lentement la bouche. Elle répond ainsi, à huit reprises nouvelles, à ma suggestion.

Entre temps, à 0 ; 11 (2), alors qu’elle se frottait les yeux avec le dos de la main (ce qui lui arrive souvent), j’ai fait de même devant elle : elle n’a pas su répéter la chose, et a simplement regardé le dos de sa main après se l’être portée une seule fois dans la direction de la tête (il y a donc eu intention d’imiter). À 0 ; 11 (11), de même, elle échoue entièrement.

À 0 ; 11 (16), par contre, je me frotte les yeux devant elle, juste après qu’elle se soit frotté l’œil droit. Elle rit, comme si elle avait compris, puis, tout en regardant avec un grand intérêt ce que je fais, elle passe et repasse le dos de sa main devant sa bouche. Il y a donc confusion de l’œil et de la bouche, comme deux jours auparavant, lorsque J. ouvrait et fermait la bouche au lieu d’ouvrir et fermer les yeux. — Mais cette fois, J. paraît n’être pas satisfaite de son assimilation, car, ensuite, elle déplace lentement le dos de sa main contre sa joue, en frottant toujours et en me regardant sans cesse, comme pour chercher sur elle l’équivalent de mes yeux. Elle arrive ainsi à l’oreille, la frotte, puis revient vers ses joues et cesse toute recherche. — Cinq minutes après, elle se frotte à nouveau spontanément l’œil droit, mais plus longuement que tout à l’heure. Je frotte aussitôt les miens et elle me regarde de nouveau avec un vif intérêt. Elle recommence alors à se frotter la bouche, puis la joue, en paraissant chercher et sans me quitter des yeux.

À 0 ; 11 (20), elle se frotte les yeux à son réveil. Je fais de même : elle rit. Quand elle a fini, je recommence, mais elle ne m’imite pas. Dix minutes après, par contre, dès que je me frotte l’œil, elle imite deux fois nettement, en me regardant et sans l’avoir fait entre-temps. Après un moment, je recommence : elle m’imite à nouveau. La preuve qu’il s’agit bien d’une imitation du mouvement comme tel est que, une fois seulement, elle s’est réellement frotté l’œil comme lorsqu’il y a démangeaison : les autres fois elle a simplement passé sa main sur le coin de l’arcade sourcilière. — Le soir du même jour, nouvelle imitation typique, sans exercice spontané préalable.

À 0 ; 11 (21), donc le lendemain, je me frotte les yeux devant elle, à 8 h du matin : elle imite aussitôt. À 18 h. j’ouvre et ferme les yeux : elle répond en se frottant l’œil. Même réaction les jours suivants.

Dès 1 ; 0 (2), enfin, elle imite le geste d’ouvrir et fermer les yeux, sans se les frotter au préalable.

Obs. 26. — À 0 ; 11 (8), J. a l’index de la main gauche dans son oreille et l’explore tactilement. Je mets alors un doigt dans la mienne, en face de l’enfant. Elle me regarde très attentivement et interrompt son activité. Je m’arrête aussi. Lorsque je reprends, elle me regarde à nouveau, intéressée, puis remet son doigt dans son oreille. Il en est de même cinq ou six fois, mais sans que l’on puisse être certain qu’il y ait imitation vraie. Par contre, après une pose de quelques minutes durant laquelle J. fait tout autre chose (elle chiffonne un journal) je rapproche mon doigt de mon oreille : alors, en me regardant, elle dirige très nettement son doigt vers son oreille et finit par l’y introduire peu après moi.

À 0 ; 11 (11) elle imite de suite le même geste, sans exercice préalable. Il en est encore ainsi à 0 ; 11 (22), à 0 ; 11 (23), etc. Je relève encore la chose à 1 ; 0 (7) et les semaines suivantes.

Obs. 27. — Notons enfin que, vers 0 ; 11 J. a pris l’habitude, quand on l’essuie après le bain, de chantonner pour entendre trembler sa voix, en particulier pendant qu’on lui frotte le visage. À 0 ; 11 (9), sa maman chante devant elle en se tapotant les joues, de telle sorte que la voix en devienne saccadée. J. sourit et, après un court instant, elle porte une main à sa joue en chantonnant elle-même. Elle n’arrive pas à reproduire le geste modèle, mais elle localise très bien sa joue et se la touche du doigt.

À 0 ; 11 (11), J. me regarde alors que je me frotte les joues avec le dos de la main. Elle m’imite nettement (après avoir imité les gestes de toucher l’oreille et de mettre l’index contre le nez).

À 0 ; 11 (12) il en est de même.

À 1 ; 0 (13) elle imite successivement le geste de se taper la joue et celui de se toucher les lèvres ou de mettre sa main devant sa bouche.

On voit ainsi comment J. est parvenue, en partant de l’imitation des mouvements de la bouche, à faire correspondre aux parties du visage d’autrui son nez, ses yeux, ses oreilles et ses joues.

Obs. 28. — Comme on l’a vu (obs. 18), L. n’a imité aucun mouvement de la bouche jusqu’à 0 ; 8 inclusivement. Il en a été de même, à plus forte raison, des mouvements relatifs au nez, aux yeux, etc.

À 0 ; 9 (4), lorsque je lui tire la langue, L. dresse son index. Il en est de même les jours suivants, assez systématiquement pour que le rapport ne fasse pas de doute. Or ce geste du doigt n’est ni un « procédé » causal en usage chez L. ni un schème que j’aie exercé chez elle les jours précédents par imitation réciproque. Il semble donc bien que seule l’analogie entre la langue tirée et le doigt dressé explique la réaction de l’enfant (cf. l’assimilation des yeux et de la bouche chez Jacqueline : obs. 25). — Je m’absente ensuite trois semaines et à 0 ; 9 (25) L. ne réagit plus ni aux mouvements de la langue, ni au geste d’ouvrir et fermer la bouche. Elle ne réagit nullement, non plus, au geste de sucer son pouce.

À 0 ; 10 (3), par contre, lorsque je mets mon index dans ma bouche (sans bruit) elle me regarde attentivement puis examine son propre index, comme si elle ne l’avait jamais vu. Il en est de même cinq fois de suite. Elle ne l’introduit qu’une fois dans sa bouche, après examen, mais il n’est pas possible de conclure de ce fait unique à l’existence d’une imitation. Après quoi je lui tire la langue : aucune réaction.

Par contre, le même jour, alors que j’ouvre et ferme la bouche sans bruit devant L., celle-ci me regarde avec grand intérêt puis dit « Atata ». Elle a imité divers sons ces derniers jours, en examinant ma bouche avec attention, mais je n’ai fait aucun essai d’imitation vocale ce jour-là. Tout se passe donc comme si elle reconnaissait un mouvement déjà observé et répondait en produisant le son qui accompagne habituellement ce mouvement.

À 0 ; 10 (5) il en est de même : L. dit « atata » dès que j’ouvre et ferme la bouche sans bruit. Lorsque je refais le mouvement avec un bruit de salive, elle imite le son sans paraître s’occuper du mouvement.

À 0 ; 10 (6), je lui tire la langue : L. répond aussitôt « lata », puis elle ouvre et ferme la bouche silencieusement. Je fais alors de même : elle recommence à ouvrir et fermer la bouche, tantôt sans bruit, tantôt en disant « lata ».

À 0 ; 10 (7), lorsque je tire la langue elle fait « tala », mais lorsque j’ouvre et ferme la bouche, elle m’imite nettement, sans émettre aucun son. Il en est de même à 0 ; 10 (8) et encore à 0 ; 10 (14).

À 0 ; 10 (16), lorsque j’ouvre et ferme la bouche elle m’imite tantôt clairement, tantôt en se bornant à remuer les lèvres à vide (comme si elle mâchait). D’autre part, je lui tire la langue au moment où elle vient de le faire spontanément : elle rit alors de plaisir comme si elle comprenait le rapport. Tout à coup, elle se met à faire bla, bla, en continuant à tirer la langue. Je l’imite et elle rit de plus belle.

Le lendemain, elle ne réagit plus au geste de tirer la langue, même quand je le fais en disant bla. Par contre elle imite le mouvement d’ouvrir et fermer la bouche. À 0 ; 10 (18), elle retrouve au contraire fort bien la faculté d’imiter le mouvement de tirer la langue (avec ou sans le son servant d’indice) ; elle imite toujours le geste d’ouvrir et fermer la bouche, de même que celui de remuer les lèvres.

Les jours suivants, ses réactions semblent s’embrouiller. Soit que je tire la langue (avec ou sans le son bla), soit que j’ouvre et ferme la bouche, soit enfin que je remue les lèvres, elle réagit indifféremment au moyen des cinq schèmes suivants : ouvrir et fermer la bouche sans bruit, dire atata, remuer les lèvres ou même les claquer (pour le son) et tirer la langue !

Par contre, dès 0 ; 10 (27) elle différencie à nouveau et même mieux qu’auparavant ces différents modèles. C’est ainsi qu’elle tire la langue sans bruit à mon exemple et parvient même à la faire circuler de gauche à droite et réciproquement lorsque je le fais devant elle, etc. Cette différenciation s’est imposée soudain, sans nouveaux exercices.

À 0 ; 10 (26) lorsque je suce mon pouce, elle ouvre et ferme sa bouche. Dès 0 ; 11 (4) elle imite ce geste d’emblée et correctement.

Obs. 29. — De 0 ; 10 à 0 ; 11 (0) le geste d’ouvrir et fermer les yeux n’a déclenché aucune réaction chez L. Par contre à 0 ; 11 (5) lorsque j’ouvre et ferme mes yeux devant elle, elle commence par ouvrir et fermer ses mains, très lentement et systématiquement. Puis elle ouvre et ferme la bouche, également avec lenteur et en disant tala.

À 1 ; 0 (14), par contre, le même modèle donne lieu à deux réactions successives. D’abord, elle cligne des yeux tout en ouvrant et en fermant la bouche comme si elle avait peine à distinguer ces deux schèmes du point de vue moteur et kinesthésique) puis elle prend un oreiller et s’en couvre la figure, pour l’enlever ensuite et recommencer dès que je referme les yeux !

À 1 ; 0 (16) elle ouvre et ferme la bouche à nouveau (dès que j’ouvre et ferme mes yeux) puis se recouvre de son oreiller.

Ce n’est qu’à 1 ; 2 (7), c’est-à-dire au cours du cinquième stade, que L. a imité nettement clairement ce geste, sans plus se couvrir le visage d’un objet quelconque. Cette dernière réaction, qu’elle a présentée systématiquement entre 1 ; 0 (14) et 1 ; 2, en réponse à mes mouvements d’yeux, a évidemment retardé son imitation correcte.

Quant aux mouvements relatifs au nez, aux oreilles, etc. ils n’ont pas été imités durant le présent stade, faute de réactions circulaires spontanées lesquelles auraient pu se différencier une imitation vraie.

Obs. 30. — Chez T. toute suggestion relative aux mouvements de la bouche et des yeux est restée sans effet jusque vers 0 ; 9. À 0 ; 9 (21), par contre, il me regarde avec attention alors que j’ouvre et ferme la bouche (sans bruit) puis fait lata et papa 1. La raison en est évidemment qu’il reconnaît le mouvement que je fais lorsque je dis moi-même papa (il a imité le son tous les jours précédents) et assimile ainsi ce mouvement de mes lèvres au schème vocal habituel.

À 0 ; 9 (28) le geste de tirer la langue pas plus que celui de sucer son pouce ne sont imités. Par contre, dès que j’ouvre la bouche, T. dit papa.

À 0 ; 9 (29), lorsque j’ouvre la bouche (toujours sans bruit), T. dit à nouveau papa, mais cette fois à voix basse ! Il n’imite, par contre, aucun mouvement relatif à la langue, aux yeux ni au nez.

À 0 ; 9 (30) il dit à nouveau papa ou tata à voix basse, lorsque j’ouvre la bouche. Par contre, lorsque je tire la langue, il ouvre la bouche sans émettre de son. Le même jour, lorsque je recommence à ouvrir et à fermer la bouche, il imite correctement ce mouvement, sans plus émettre de son.

À 0 ; 10 (7) il parvient à tirer la langue lorsque je le fais en accompagnant ce mouvement d’une sorte de claquement. Il ne réussit pas à m’imiter lorsque le geste est silencieux.

À 0 ; 10 (10), par contre, il tire la langue dès que je le fais (sans aucun son). Lorsque je mâche devant lui (sans bruit), il dit papa, mais lorsque je mets du pain dans ma bouche il ne réagit pas. Il n’imite pas non plus le mouvement de mettre un doigt dans la bouche.

À 0 ; 10 (21), il imite correctement les mouvements suivants : ouvrir la bouche (silencieusement), tirer la langue (id.) et mettre son doigt à la bouche. Il a imité ce dernier geste du premier coup, sans indice sonore ni réaction spontanée antérieure.

À 1 ; 0 (5) je constate que le bâillement est contagieux pour lui.

Obs. 31. — Jusqu’à 0 ; 9 (29) T. n’a imité aucun mouvement des yeux ni aucun mouvement de la main relatif à eux ni au nez.

À 0 ; 9 (30), par contre, lorsque j’ouvre et ferme les yeux devant lui (ce que j’ai fait plusieurs semaines de suite), il réagit de la manière suivante : il commence par ouvrir et fermer ses mains, comme L. à 0 ; 11 (5), puis il ouvre et ferme sa bouche, comme L. le même jour et J. à 0 ; 11 (14). Il est à noter que c’est ce jour-là, à 0 ; 9 (30) que T. a su pour la première fois ouvrir et fermer la bouche sans dire papa ou lata en réponse aux mouvements de la mienne. Il ne saurait cependant être question de persévération, car T. n’a pas imité les mouvements de la bouche juste avant ceux des yeux.

À 0 ; 10 (16), lorsque je reprends la même expérience, T. commence à nouveau par ouvrir et fermer la bouche, puis il s’arrête un instant, et, brusquement, se met à cligner des yeux. Ce schème, qu’il exerce souvent spontanément, n’a jamais donné lieu à une imitation réciproque : c’est donc par un acte d’assimilation parce qu’il l’applique ici à l’imitation des mouvements de l’œil. Les jours suivants, il réagit d’emblée de cette dernière manière.

À 0 ; 10 (21) lorsque je souille du nez (il le fait souvent, mais ne le faisait pas à ce moment) il m’imite d’emblée. Par contre, lorsque je pose mon index sur mon nez, il cligne des yeux en plissant son nez. À 0 ; 10 (25) il imite d’emblée le mouvement de plisser son nez, mais à 0 ; 11 (5), il n’imite pas celui de mettre son doigt contre le nez (voir, pour ce dernier geste, l’obs. 50 bis).

Ces longues observations que nous avons tenu à transcrire intégralement pour fournir au lecteur tous les éléments voulus d’information, confirment d’abord la thèse de M. Guillaume sur la nécessité d’un apprentissage de l’imitation, en particulier lorsqu’il s’agit des mouvements non visibles du corps propre. Il est remarquable, notamment, que le bâillement, dont l’imitation devient si automatique et contagieuse dans la suite, ne donne lieu à aucune réaction imitative immédiate durant la première année, faute de correspondance directe entre le spectacle visuel de la bouche d’autrui et les perceptions tactilo-kinesthésiques de la propre bouche. L’imitation s’acquiert donc, mais dans quels buts et par quels moyens ?

Pour ce qui est des buts, ces nouveaux faits viennent ajouter de nouveaux arguments en faveur de ce que nous ont déjà appris les obs. des stades précédents : l’enfant non dressé à toutes sortes de jeux s’intéresse d’emblée aux mouvements en eux-mêmes, sans que ceux-ci requièrent d’autres significations que de correspondre à des schèmes en exercice, c’est-à-dire à des totalités sensori-motrices se suffisant à elles-mêmes. C’est ainsi que de remuer les lèvres, tirer la langue, mettre son doigt à la bouche, bomber la lèvre inférieure, plisser le nez, etc., etc. ont donné lieu chez nos enfants à des imitations systématiques bien avant certaines actions à significations plus extrinsèques exécutées par les mêmes organes : manger, porter la cuiller à la bouche, flairer des fleurs (actions imitées entre 0 ; 7 et 0 ; 9 chez les sujets de M. Guillaume et seulement après 1 ; 0 chez les nôtres). Assurément chacun des mouvements cités dans les obs. 19 à 31 sont eux-mêmes « significatifs » ne serait-ce que par le fait de l’imitation réciproque, et surtout à cause de leur relation avec les schèmes spontanés du sujet. Mais rien n’autorise à conclure de ces obs. que l’imitation débute par les gestes les plus significatifs pour se transférer ensuite aux mouvements de plus en plus vides. La vraie raison des successions observées tient au mécanisme des schèmes spontanés : l’imitation débute par les totalités se suffisant à elles-mêmes (= par les schèmes déjà constitués) pour ne s’appliquer qu’ensuite aux mouvements particuliers entrant dans ces schèmes à titre d’éléments. Autrement dit le progrès de l’imitation est parallèle à celui de la construction même des schèmes d’assimilation, tous deux procèdent par différenciation graduelle, c’est-à-dire par accommodations corrélatives aux coordinations.

Ceci nous conduit à la question des mécanismes. Il est bien clair que l’on ne saurait plus interpréter les obs. 19 à 31 comme les précédentes par une assimilation directe du modèle au schème propre. Mais faut-il alors recourir nécessairement à des « transferts » à base de « signaux » à la manière des associations conditionnées, ou faut-il parler d’une assimilation médiate (et non plus immédiate) reposant sur des « indices » compris par l’intelligence ? P. ex. quand J. (obs. 19) apprend à imiter un certain mouvement des lèvres grâce à un bruit de salive, ce bruit est-il un « signal » déclenchant la même action que celle du modèle par simple association et sans identification ou est-il un « indice » permettant au sujet d’assimiler le geste visible du modèle à l’action propre invisible mais sonore ? La différence est la suivante : le « signal » (au sens des conduites conditionnées) est incorporé à un schème de façon rigide ou indissociable et déclenche son exercice plus ou moins automatiquement, tandis que l’« indice » est un signe mobile, détaché de l’action en cours et permettant les prévisions d’un futur proche ou les reconstitutions d’un passé récent (voir N. I., chap. IV, § 4).

Or, dans le cas des obs. 19 à 31, un certain nombre de raisons nous paraissent militer en faveur de la solution de l’assimilation médiate, par « indices » intelligents, ce qui n’exclut naturellement pas que le « signal » associatif puisse parfois subsister en marge de l’« indice ». La première et la plus importante est la mobilité dont font preuve les signes utilisés par l’enfant dans sa compréhension du modèle. À cet égard, il faut relever le nombre des combinaisons possibles dont témoignent ces signes, conformément aux principes de la coordination des schèmes de ce stade (voir N. I., chap. IV, § 3). On peut en distinguer quatre principales :

1° Il y a d’abord le cas dans lequel un son sert d’indice au sujet pour lui permettre d’assimiler un mouvement visuellement perçu sur autrui à un mouvement propre invisible (voir obs. 19, 20, 23, 24, 27, 28 et 30). Or, ce qui frappe, en tous ces exemples, c’est que le rôle très transitoire du son, rôle juste suffisant pour permettre au sujet d’attribuer une signification aux données visuelles perçues sur autrui : p. ex. dans l’obs. 19, le bruit de salive est nécessaire le premier jour pour conduire à l’imitation du mouvement des lèvres, mais dès la seconde expérience ce son devient inutile. Tout se passe donc comme si le bruit avait simplement servi de moyen terme, ce qui est précisément la fonction de l’indice par opposition au signal : sans naturellement qu’il parvienne déjà à se représenter sa propre bouche (ni qu’il en ait besoin) l’enfant comprend simplement, grâce à l’indice sonore, que les mouvements visuellement perçus de la bouche d’autrui « vont avec » une certaine impression tactilo-kinesthésique de la bouche propre. Autrement dit, grâce à l’indice, l’enfant assimile le modèle visuel et sonore au schème sonore et moteur déjà connu sur soi-même et l’imitation devient possible grâce à l’accommodation de ce schème : le son devient alors inutile tandis que, s’il était un signal, il devrait subsister comme excitant, ou, en cas de transfert, être lui-même déclenché par le spectacle visuel. Or, s’il arrive, en effet, qu’une suggestion visuelle silencieuse déclenche une réponse à la fois vocale et motrice (voir obs. 30), c’est à titre transitoire et le son disparaît rapidement dans la suite.

2° Le second cas est celui dans lequel l’enfant assimile le modèle à un schème intéressant le même organe, mais non identique à celui qui est proposé. P. ex. dans les obs. 20, 21 et 22, J. répond en mordillant ses lèvres aux suggestions de tirer la langue, sucer ses doigts et ouvrir la bouche, et, dans l’obs. 28, L. ouvre la bouche en réponse au geste de tirer la langue. En de tels cas, la signification du modèle est donc comprise partiellement, en tant qu’analogue à un schème propre, mais sans correspondance précise. C’est là un transfert, si l’on veut, mais par ressemblance : la signification du modèle dépend alors elle-même d’un acte d’assimilation et les perceptions visuelles, loin de constituer de simples signaux, consistent en indices fondés sur l’analogie.

3° Il en est de même d’un troisième cas, dans lequel on observe, entre le modèle et le schème propre, une assimilation par différenciations progressives, fondées sur des indices de pure ressemblance. Dans l’obs. 22, p. ex., J., après avoir répondu en mordillant simplement ses lèvres à la suggestion d’ouvrir et fermer la bouche, en vient à serrer spontanément ses gencives l’une contre l’autre : il suffit alors que je répète mon geste pour qu’elle ouvre et ferme sa bouche (voir aussi obs. 23 : bomber la lèvre inférieure avec la langue ; obs. 24 : doigt dans le nez, et obs. 26 : doigt dans l’oreille). Y a-t-il simple rapport de contiguïté, donc signal avec transfert moteur, ou assimilation par « indices » intelligents ? Le comportement de l’enfant semble assez manifester la compréhension. Lorsque J. serre ses gencives, ce n’est pas par ce geste qu’elle reproduit, mais bien le modèle, alors qu’elle avait échoué jusque-là : tout se passe donc comme si elle comprenait brusquement la correspondance entre le spectacle visuel de ma bouche et l’impression motrice de la sienne qui exécute un mouvement analogue et comme si cette compréhension lui permettait de réussir la copie manquée jusque-là. De même lorsqu’à 0 ; 10 (18) elle bombe avec la langue sa lèvre inférieure en même temps que moi (obs. 23), tout se passe comme si elle comprenait d’emblée le rapport entre ce qu’elle voit et ce qu’elle fait, ce qui est d’ailleurs naturel puisqu’elle sait déjà imiter les mouvements de la bouche et de la langue. Quant aux doigts dans le nez et dans l’oreille, elle peut établir des correspondances analogues.

Bref, il peut fort bien se constituer, par assimilation réciproque, une traduction progressive du visuel en tactilo-kinesthésique et l’inverse. Tout l’apprentissage de la préhension, achevé au début du troisième stade déjà, suppose en effet, une coordination graduelle, effectuée sur le corps propre, entre les données visuelles (spectacle de la main et de ses mouvements visibles) et les données tactiles et kinesthésiques : il est donc très normal que cette coordination, entretenue durant le troisième stade par le jeu des réactions circulaires secondaires (lesquelles en résultent directement), aboutisse au quatrième stade (c’est-à-dire au niveau de l’assimilation réciproque de ces schèmes secondaires, à une correspondance entre les tableaux visuels perçus sur autrui, et les schèmes tactilo-kinesthésiques relatifs aux mouvements invisibles du corps propre. En outre, dans la mesure où l’enfant n’imite pas seulement des actions à significations complexes mais s’intéresse aux mouvements pour eux-mêmes, il est clair que cette correspondance suscitera de sa part une recherche qui prolonge sans plus tout son comportement sensori-moteur antérieur.

4° Un dernier cas est celui de la compréhension analogique de la signification du modèle, non plus par confusion de mouvements relatifs au même organe comme au cas 2, mais par confusion d’organes présentant quelque ressemblance entre eux. C’est le cas le plus intéressant et le plus décisif : les erreurs d’interprétation que commet l’enfant révèlent, en effet, le mécanisme intime de sa technique imitative et confirment de la manière la plus claire les interprétations qui précèdent. L’exemple le plus typique est celui des yeux : en réponse au mouvement d’ouvrir et de fermer les yeux, J. à 0 ; 11 (14) ouvre et ferme la bouche (obs. 25), L. à 0 ; 11 (5) ouvre et ferme ses mains, puis sa bouche (obs. 29) et T. à 0 ; 9 (30) actionne de même ses mains et sa bouche (obs. 31). En outre, L. et T. ont continué quelques jours à confondre les yeux et la bouche, et J. à 0 ; 11 (16) se passe encore la main devant la bouche en réponse à mon geste de se frotter les yeux. À noter aussi comment L. à 0 ; 9 (4) dresse son index quand je tire la langue (obs. 28). De telles erreurs nous paraissent extrêmement instructives. Il ne saurait être question, en effet, de considérer la perception visuelle du mouvement des yeux d’autrui comme un signal déclenchant les schèmes de la main ou de la bouche propres, car aucun lien de contiguïté spatiale ou temporelle n’a imposé ce rapprochement à l’enfant : l’erreur doit donc être entièrement mise au compte de l’analogie. Lorsque le sujet voit les yeux d’autrui se fermer et se rouvrir, il assimile ce spectacle, non pas naturellement au schème visuel relatif à la bouche d’autrui, mais à un schème global, en partie visuel mais surtout tactilo-kinesthésique, d’ouvrir et de fermer quelque chose. Or ce schème moteur correspond essentiellement sur le corps propre de l’enfant, aux mouvements de la main et à ceux de la bouche, ces derniers étant invisibles mais déjà connus par imitation : ce sont donc ces organes que le sujet actionnera pour répondre à la sollicitation du mouvement des yeux d’autrui. Bref, l’erreur constitue une confusion, si l’on veut, mais intelligente : elle est l’assimilation du modèle à un schème analogue susceptible de traduire le visuel en kinesthésique.

Au total, dans ces quatre cas l’assimilation précède l’accommodation imitative et s’effectue médiatement par le moyen d’indices intelligents. Mais un autre argument nous paraît s’ajouter à ceux que nous venons d’examiner. Si l’imitation procédait par transferts associatifs, nous devrions assister à un apprentissage obéissant à la loi classique de ces acquisitions, c’est-à-dire que la courbe en serait une exponentielle. Un bon exemple, commenté par M. Guillaume (p. 20-22), est celui de l’adaptation progressive à la bicyclette. Or, quelque graduelles que soient parfois les imitations décrites dans les obs. 19 à 31, il vient toujours un moment où l’enfant « comprend » le rapport entre le modèle et le geste correspondant et où il imite alors brusquement : tout se passe comme si le sujet essayait d’abord diverses hypothèses, pour se fixer ensuite à l’une d’elles plus ou moins définitivement. Par là même, l’imitation des mouvements déjà exécutés, mais de manière invisible sur le corps propre, rentre dans le cadre général des activités intelligentes de ce stade : coordination des schèmes secondaires (et primaires), avec application des moyens connus aux situations nouvelles. Pour imiter de tels mouvements, il s’agit, en effet, de coordonner des schèmes visuels à des schèmes tactilo-kinesthésiques, tous primaires il est vrai, mais par l’intermédiaire d’indices mobiles servant de « moyens » par rapport à ce but qu’est l’imitation. En outre les coordinations intelligentes de ce stade IV conduisent à la construction des premières formes de l’« objet » et à un début d’objectivation de l’espace et de la causalité : il est clair que ces progrès généraux retentissent, eux aussi, sur l’imitation, en suggérant la recherche d’une correspondance entre le corps d’autrui conçu comme source autonome de causalité et le corps propre perçu comme analogue à ce dernier.

§ 2. Le quatrième stade : II. Début d’imitation des modèles sonores ou visuels nouveaux

C’est une chose frappante que, dans la mesure où l’enfant devient capable d’imiter des mouvements déjà exécutés de manière invisible sur le corps propre, il cherche d’autre part à copier les sons et les gestes nouveaux pour lui, alors que de tels modèles le laissaient jusque-là tout à fait indifférent. Or, cette corrélation nous paraît s’expliquer par les progrès de l’intelligence elle-même. Que l’enfant n’ait pas tenté jusque-là d’imiter le nouveau s’explique par le fait que, jusqu’au troisième stade, l’imitation procédait par schèmes simples, rigides et non coordonnés entre eux : or, l’accommodation à un modèle nouveau exige une certaine souplesse des schèmes, laquelle va nécessairement de pair avec leur coordination. Inversement, si l’imitation du nouveau débute avec le quatrième stade, c’est donc que les schèmes dont dispose l’enfant deviennent susceptibles d’accommodation mobile dans la mesure même où ils commencent à se coordonner entre eux. Jusqu’à ce stade, en effet, l’accommodation demeurait indifférenciée de l’assimilation. Dès le stade V elle se différenciera au point de conduire à une expérimentation active (réactions circulaires tertiaires) et par conséquent à une imitation de n’importe quelle nouveauté. Durant ce stade IV, les réactions sont intermédiaires : l’accommodation, qui commence à se différencier en fonction de la coordination des schèmes, n’aboutit qu’à des « explorations » (N. I., p. 256), et par conséquent à un début de l’imitation du nouveau.

Voici quelques observations, à commencer par des essais d’imitation des sons et phonèmes nouveaux :

Obs. 32. — J., à 0 ; 8 (8), c’est-à-dire quelques jours après le début de l’imitation des mouvements invisibles, réagit pour la première fois à un son nouveau pour elle. Je lui dis : « Vou vou, vou vou », elle répond aussitôt « Bou boa… boa bou », alors que, jusqu’ici, le son « vou vou » n’a donné lieu à aucune réaction. On reconnaît dans la réponse « bou bou » un phomène analogue à celui qu’elle a déjà émis spontanément (sous la forme « abou » : voir obs. 11).

À 0 ; 8 (28) le son « pou pou » déclenche la réponse « pou… ou ».

À 0 ; 9 (16) le son « gaga » déclenche une recherche suivie : J. dit « marna » puis « aha », puis « baba », « vava » et enfin « papa ». Le son « pipi » (sans signification) donne « ou » puis « pp… pp » et enfin « pff ». — Je dis « poupou » comme à 0 ; 8 (28) : J. répond « bvv », « abou », puis « bvou », « bou » et enfin, à voix basse, « pou » et « pou… ou ».

À 0 ; 9 (26) « toutou » donne « ou… ou » et « tititi » déclenche « i… i… i » puis « letele ».

À 0 ; 10 (25) elle imite d’emblée le bruit de claquer des lèvres et à 0 ; 11 (20) le son « popo » (sans signification).

Obs. 32 bis. — L. de même, n’a présenté durant ce stade, que des essais nets mais peu couronnés de succès, de reproduire les sons nouveaux pour elle. À 0 ; 9 (28), par exemple, elle répond au phonème « papa » les sons suivants : « aha… dada… gaga et tala ». De nombreux tâtonnements lui sont nécessaires pour arriver à « papa ».

Les jours suivants elle répond presque régulièrement « atata » au même modèle. Ce n’est que vers 0 ; 10 (8) qu’elle s’applique à réagir correctement.

Obs. 33. — À 0 ; 8 (19) J. regarde avec curiosité ma main, alors que je presse mon index contre mon pouce. Elle commence par toucher ma main (soit le pouce, soit l’index) pour me faire continuer lorsque je m’arrête. Je lui présente alors mon index dressé : elle imite ce geste et finit par appliquer l’extrémité du sien contre le mien.

À 0 ; 9 (12) je recourbe et redresse alternativement mon index : elle ouvre et ferme sa main. À 0 ; 9 (16), le même modèle déclenche à plusieurs reprises le geste d’adieu ; mais, au moment où J. ne fait plus effort pour imiter, elle dresse correctement l’index. Lorsque je reprends, elle recommence à faire adieu.

À 0 ; 9 (19), même modèle : elle imite, mais avec toute la main, en la dressant et en l’abaissant, sans quitter mon index des yeux.

À 0 ; 9 (21), même réaction. À 0 ; 9 (22), enfin, elle parvient à isoler le mouvement de l’index et à imiter correctement.

À partir de 0 ; 9 (22), je reprends l’expérience initiale : toucher l’extrémité de mon pouce avec mon index ou mon médius. Je fais également claquer mon médius contre la racine du pouce, pour exciter son intérêt. À 0 ; 9 (24) elle réagit en remuant ses doigts ; elle les courbe et les redresse assez rapidement, mais sans différencier ce mouvement global. De 0 ; 10 à 1 ; 0 elle renonce entièrement à tout essai d’imitation. À 1 ; 0 (25), enfin, elle met son index contre l’extrémité de son pouce, en réponse au premier des deux modèles. Quant au claquement du médius contre la racine du pouce, elle frotte simplement son index contre son pouce, en essayant ainsi de produire un son. — Même réaction à 1 ; 0 (26) et les jours suivants. Ce n’est donc qu’au début du cinquième stade que le geste de toucher son pouce avec son index a pu être imité.

Obs. 34. — Voici maintenant la manière dont J. a appris à imiter le mouvement classique des « marionnettes » (main verticale pivotant sur elle-même).

De 0 ; 9 à 0 ; 10 j’ai fréquemment proposé ce modèle à J., sans l’associer à un son (à la chanson connue), ni naturellement dresser l’enfant en lui tenant les mains. Durant toute cette période J. a témoigné d’un vif intérêt pour ce spectacle, a fréquemment regardé ses mains après avoir vu pivoter les miennes, mais n’a jamais essayé d’imiter.

À 0 ; 10 (9), elle me regarde avec une grande attention, puis brusquement dresse sa main droite et la regarde fixement (du côté paume), puis elle examine alternativement (trois fois) ma main et la sienne. Mais sa main demeure immobile : il semble y avoir là essai de compréhension sans tentative de réalisation.

À 0 ; 10 (18) elle sourit à mon geste puis répond par un geste d’adieu. Il en est de même plusieurs fois de suite.

À 0 ; 11 (16) et 0 ; 11 (18), résultat négatif. À 0 ; 11 (19), par contre, elle regarde attentivement le modèle, mais sans bouger. Seulement, environ trois minutes après, elle lève le bras droit, avec le poing fermé et fait plusieurs fois pivoter légèrement sa main sans la regarder (esquisse du geste correct). Lorsque je reprends l’expérience, elle ne m’imite plus !

À 0 ; 11 (28), après dix jours de réaction négative, elle recommence à dresser le bras, à fermer son poing et à faire de légers mouvements de rotation, entremêlés de gestes d’adieu. Or, à 0 ; 11 (29) je la surprends en train de faire spontanément le geste des marionnettes (avec la main fermée). Un quart d’heure après je répète ce geste : elle m’imite.

Imitation réciproque à 1 ; 0 (0), mais c’est elle qui a commencé. Dès 1 ; 0 (3) elle imite d’emblée le mouvement.

Obs. 35. — À 0 ; 11 (0) J. est assise devant moi, les pieds dégagés. J’incline alors en avant ma tête et mon tronc, puis me redresse, alternativement : J. répond trois fois de suite par un geste d’adieu, puis imite correctement le mouvement.

À 0 ; 11 (1), elle est assise et moi à demi couché, en face d’elle. Je lève ma jambe droite et la fais osciller verticalement. Elle répond d’abord en inclinant et redressant son tronc entier (comme elle le faisait la veille), puis par un geste d’adieu. Ce dernier geste est donc en gros analogue à celui de ma jambe, mais exécuté avec le bras et la main.

À 0 ; 11 (11) le même modèle donne lieu aux réactions suivantes. J. commence par faire le geste d’adieu, comme précédemment (c’est ainsi qu’elle a répondu à mon geste durant les derniers jours). Puis, quelques minutes après elle remue les pieds, en soulevant légèrement sa jambe. Enfin elle lève nettement son pied droit, en regardant le mien.

À 1 ; 0 (2) je reprends l’expérience : imitation immédiate.

Obs. 36. — Voici encore quelques imitations de gestes nouveaux, chez J., mais obtenus sans hésitations :

À 0 ; 11 (6) je frappe d’une main sur le dos de l’autre : J. fait immédiatement de même.

À 0 ; 11 (9) sa maman frappe un canard avec l’extrémité d’un peigne : J. reproduit le geste sans aucun tâtonnement, en imitant l’action de piquer.

Même réussite à 0 ; 11 (19) lorsque je donne avec la tête d’un petit marteau contre les notes d’un clavier métallique.

À 0 ; 11 (27) elle tambourine sur la table en réponse à ce modèle. Même réaction avec différents objets choisis tour à tour.

Obs. 37. — On a vu précédemment (obs. 13) que L., dès 0 ; 6 (5), parvient à imiter le geste de remuer les doigts (mouvement global), mais sans encore copier tel geste précis et nouveau pour elle, tel que de dresser l’index.

À 0 ; 7 (27) je lui présente une fois de plus mon index dressé : elle répond en ouvrant et en fermant la main, mais sans reproduire le mouvement de l’index seul, sinon fortuitement.

À 0 ; 8 (30), encore, elle réagit en remuant tous les doigts. À 0 ; 9 (4), comme on l’a déjà noté (obs. 28), elle dresse son index en réponse à mon geste de tirer la langue. Je lui présente alors (quelques heures plus tard) mon index dressé : elle imite le geste, mais ensuite remue tous ses doigts ensemble.

À 0 ; 9 (25), L. est assise dans sa roulotte. Je commence par remuer ma main puis je la fais disparaître derrière l’un des bords du berceau. L. regarde longuement l’endroit où elle a disparu, puis, avec un sourire, elle lève sa main et imite le mouvement en reproduisant la trajectoire jusqu’à l’endroit de la disparition. — Après quoi je remue l’index : L. secoue d’abord son pied violemment, puis agite les mains, puis seulement remue les doigts ; mais elle ne dresse pas son index seul. Le soir du même jour, par contre, elle commence par remuer les doigts ensemble puis se limite aux mouvements de l’index.

Les jours suivants, l’imitation est d’emblée correcte.

Obs. 38. — À 0 ; 10 (0) L. me regarde alors que je me frappe le ventre : elle se tape les genoux (elle est assise). À 0 ; 11 (26) L. essaie de m’imiter lorsque je tiens une balle en dressant mon bras droit : elle la saisit, puis lève la main et parvient en tâtonnant à mettre la balle au-dessus du niveau de sa tête (mais elle ne dresse pas complètement le bras).

À 0 ; 11 (28) elle imite d’emblée le geste de recouvrir un objet avec un mouchoir. On reconnaît ici le schème de la recherche des objets : L. sait retrouver un objet sous un écran, mais n’a pas encore posé d’elle-même un écran sur un objet. Elle a néanmoins caché à 0 ; 11 (3) et à 0 ; 11 (15) ses pieds ou un hochet sous une couverture ou un tapis (voir C. R. obs. 85).

Deux questions se posent, comme d’habitude, à propos de ces faits : celle des buts que poursuit le sujet en de telles imitations, et celle des moyens ou de la technique employée.

Pourquoi, en effet, l’enfant qui, jusqu’au troisième stade, n’a imité sur la personne des autres que ce qu’il savait exécuter lui-même, se met-il à partir de cette nouvelle étape, à chercher la reproduction de modèles nouveaux pour lui. Faut-il parler de discontinuité, à propos de ce nouveau progrès de l’imitation, ou prolonge-t-il ceux qui le précèdent ? Nous avons admis jusqu’ici une continuité fonctionnelle dans la succession des structures imitatives, mais, rappelons-le, c’est à l’encontre d’opinions aussi autorisées que celles de MM. Guillaume et Wallon. Pour le premier de ces auteurs il n’y a pas de rapport direct entre l’imitation initiale, simple prolongement de la réaction circulaire et l’imitation vraie, puisque celle-ci est une reproduction intentionnelle de modèles à significations complexes : c’est seulement grâce à un jeu de transferts successifs que l’enfant se mettra à imiter les mouvements pour eux-mêmes et rejoindra ainsi, après un long détour, l’imitation élémentaire des actes non significatifs. Nous avons cru constater, au contraire, l’existence de toutes les transitions entre celte assimilation reproductrice qu’est la réaction circulaire ou imitation de soi-même, l’assimilation récognitive et reproductrice à la fois qu’est le début de l’imitation d’autrui par incorporation du modèle au schème circulaire, et l’assimilation médiate, par indices intelligemment coordonnés, qu’est l’imitation des mouvements connus mais invisibles pour le sujet. Dans tous ces cas, l’enfant imite dans la mesure où il a tendance à conserver et à répéter chacune des actions dont il est capable, l’imitation étant donc accommodation et assimilation à la fois. Durant les premières étapes, le modèle et le geste propre demeurent plus ou moins indifférenciés, par indissociation complète des tendances assimilatrices et accommodatrices. Au troisième stade encore, ni les personnes ni les objets ne sont conçus, en effet, comme doués d’une activité autonome, et les spectacles perçus sont toujours considérés comme une sorte de prolongement de l’activité propre : soit que le sujet imite par assimilation récognitive et reproductrice, soit qu’il cherche, par sa réponse imitative, à faire durer ce qu’il voit ou entend, l’imitation ne se distingue pas essentiellement de la réaction circulaire, et c’est pourquoi il n’y a pas jusque-là imitation du nouveau. En présence de modèles nouveaux, le sujet ou bien reste indifférent, ou bien cherche à faire continuer le spectacle en lui appliquant des schèmes quelconques, en une sorte de « causalité par efficace » (voir C. R., chap. III, § 2). Au quatrième stade, par contre, les progrès de l’intelligence et la différenciation naissante entre l’accommodation et l’assimilation rendent possible l’imitation des mouvements connus, mais invisibles sur le corps propre. Une certaine opposition surgit alors naturellement, au sein des ressemblances globales, entre les exemples proposés du dehors et les mouvements habituels du sujet : c’est à partir de ce moment que l’imitation se constitue à titre de fonction particulière prolongeant l’accommodation, et commence à se distinguer de la simple assimilation reproductrice, tout en l’utilisant nécessairement. En effet, dans la mesure où le quatrième stade marque un début de dissociation entre le sujet et l’objet, l’objectivation qui en résulte oblige les schèmes assimilateurs, au moyen desquels l’enfant cherche à s’adapter aux choses et aux personnes, à une accommodation toujours plus différenciée. Les modèles proposés apparaissent alors au sujet tout autrement que ce qu’ils étaient durant les stades antérieurs : au lieu de s’offrir comme un prolongement de l’activité propre, ils s’imposent dorénavant à titre de réalités en partie indépendantes, à la fois analogues à ce que sait produire l’enfant et distincts de son action. C’est alors, et alors seulement, que les modèles nouveaux prennent de l’intérêt pour le sujet et que l’imitation se spécialise en fonction de l’accommodation comme telle.

L’intérêt, surgissant à ce stade, pour les modèles nouveaux ne constitue donc pas un mystère, mais prolonge, plus qu’il ne semble, les intérêts antérieurs à tendance conservatrice. En toute activité « circulaire », et par conséquent en toute imitation du déjà connu, le caractère « intéressant » du résultat recherché provient de ce que ce résultat sert d’aliment au fonctionnement de l’action, donc précisément à sa reproduction même : l’intérêt n’est que l’aspect affectif de l’assimilation. Lorsque les objets se détachent du sujet et que les modèles s’objectivent de ce fait, ceux-ci ne peuvent plus être assimilés intégralement, mais sont sentis comme différents autant que comme semblables : l’analogie devient alors source d’intérêt et non plus seulement la similitude. En effet, n’importe quel modèle ne déclenche pas encore l’imitation, mais seuls les exemples présentant une analogie avec les schèmes propres. Les modèles trop nouveaux laissent le sujet indifférent ; p. ex. les mouvements encore inconnus à exécuter de manière invisible sur le corps propre. Au contraire, les sons et les mouvements nouveaux mais comparables à ceux que l’enfant a perçus sur lui-même provoquent aussitôt un effort de reproduction. Tout se passe donc comme si l’intérêt résultait alors d’une sorte de malaise ou de conflit entre la ressemblance partielle, qui pousse le sujet à l’assimilation, et la différence partielle, qui attire d’autant l’attention qu’elle fait obstacle à la reproduction immédiate. C’est donc ce double caractère de ressemblance et de résistance qui semble actionner le besoin d’imiter. En ce sens l’imitation du nouveau prolonge bien celle du connu : toutes deux supposant une assimilation préalable, ce qui est d’ailleurs évident puisqu’il ne saurait y avoir d’accommodation que s’il existe des schèmes susceptibles d’être accommodés et que l’exercice de ces schèmes suppose l’assimilation.

Mais alors, si les modèles proposés sont à la fois assez voisins de l’activité propre pour déclencher la tendance à reproduire, et cependant distincts des schèmes déjà construits, il ne reste qu’à accommoder ceux-ci à ceux-là. C’est d’ailleurs ce même processus que l’on observe dès le début des conduites acquises (fin du premier stade) mais en ce qui concerne l’activité propre du sujet. Les réactions circulaires obéissent toutes, en effet, à ce même schéma : intérêt pour le résultat nouveau découvert par hasard, lorsqu’il en rappelle d’autres déjà connus, et essais de reproduction de ce résultat. C’est pourquoi on a comparé à juste titre la réaction circulaire à une imitation de soi-même. Dans le cas des modèles nouveaux, par contre, il s’agit d’un résultat extérieur à l’action, mais qui rappelle également celle-ci, et entraîne par conséquent le même besoin de reproduction. L’accommodation nécessaire est alors plus complexe et se dissocie davantage de l’assimilation : c’est en quoi l’imitation commence à se dégager à titre de fonction indépendante. Seulement, il faut bien comprendre que, dès les débuts, elle remplit le même rôle, quoique moins différencié : au lieu d’utiliser le modèle, connu ou en partie nouveau, à des fins distinctes de lui, le sujet lui accommode toujours les schèmes dont il dispose, que ceux-ci soient déjà entièrement construits (et en ce cas l’accommodation demeure indifférenciée de l’assimilation) ou qu’ils soient à modifier en fonction de la nouveauté (et en ce cas l’accommodation se différencie en imitation).

Ceci nous conduit au problème technique. Il va de soi que, à cause même de leur nouveauté, il ne saurait y avoir ni assimilation directe des modèles nouveaux aux schèmes analogues, ni accommodation brusque de ceux-ci à ceux-là. Il se produit d’abord une recherche tâtonnante, comparable à ce que nous avons appelé à ce même stade d’évolution l’« exploration des objets nouveaux » (voir N. I., chap. IV, § 5) : différents schèmes sont essayés tour à tour pour voir si l’un d’entre eux conviendrait au modèle. P. ex. dans l’obs. 32 le son nouveau « gaga » déclenche « marna », « aha », « baba », « vava » et enfin « papa ». Puis, lorsque cela est possible, l’enfant coordonne entre eux ces schèmes pour trouver une combinaison conforme au modèle. Dans la même obs. 32, le son « poupou » donne ainsi « bv », puis « abou », puis, par une sorte de croisement des deux, « bvou » et « bon », sons qui conduisent enfin à la copie correcte « pou » et « pou… ou ». De là à l’accommodation proprement dite, il n’y a qu’un pas : au lieu d’essayer différents schèmes ou de les combiner entre eux, l’enfant différenciera simplement le plus proche d’entre eux jusqu’à convergence avec le modèle. P. ex., dans l’obs. 33 le geste de courber et de redresser l’index donne lieu à un mouvement d’adieu avec le bras et la main, puis avec la main seule, puis enfin avec le doigt intéressé, isolé des autres. Enfin, il arrive que la coordination et la différenciation réunies aboutissent d’emblée au résultat voulu, p. ex. (obs. 36) lorsque J. parvient à frapper d’une main sur le dos de l’autre ou à faire résonner les notes d’un clavier avec un marteau ou lorsque L. (obs. 38) imite de suite le geste de recouvrir un objet avec un mouchoir. Mais, notons-le pour conclure, ces diverses méthodes rentrent toutes dans le cadre des conduites intelligentes de ce stade IV : applications de moyens connus aux situations nouvelles par coordination des schèmes, et explorations. Il faut attendre le stade V pour qu’une méthode générale d’imitation du nouveau soit enfin développée.

§ 3. Le cinquième stade : imitation systématique des modèles nouveaux y compris ceux qui correspondent à des mouvements invisibles du corps propre

La méthode propre au stade précédent présente deux sortes de limitations : elle ne s’applique qu’aux modèles relativement comparables aux actions spontanées de l’enfant et l’accommodation de ces schèmes connus aux modèles demeure souvent grossière et globale. L’imitation des modèles nouveaux ne devient donc systématique et précise qu’au cours du cinquième stade et cela en parallèle, une fois de plus frappant, avec les progrès de l’intelligence elle-même, dont l’imitation semble ainsi dépendre étroitement. On se rappelle, en effet, comment au cours de ce stade, l’accommodation poursuit sa différenciation d’avec l’assimilation. D’une part, la « réaction circulaire tertiaire » succède aux simples « explorations », c’est-à-dire que l’enfant devient capable d’expérimenter pour découvrir les propriétés nouvelles des objets. D’autre part, la « découverte des moyens nouveaux par expérimentation active » prolonge ces réactions tertiaires au sein même de la coordination des schèmes. Or, ce sont ces mêmes caractères qui retentissent sur l’imitation des modèles nouveaux, en lui permettant de dépasser les simples applications, avec accommodation, des schèmes antérieurs pour aboutir à une accommodation par tâtonnement dirigé et systématique. Commençons par montrer comment l’enfant a appris, par expérimentation active, à imiter certains mouvements visibles à résultats significatifs :

Obs. 39. — À 1 ; 0 (20) J. me regarde alors que j’enlève et remets le couvercle de mon pot à tabac. L’objet est à sa disposition et elle pourrait essayer de reproduire le même résultat. Mais elle se contente de lever et d’abaisser la main, en imitant ainsi le mouvement de la mienne et non par l’effet extérieur.

À 1 ; 0 (21), par contre, elle imite l’action de dessiner. Je mets sous ses yeux une feuille de papier, et je trace quelques traits au crayon. Je pose ensuite le crayon : elle s’en empare aussitôt et imite mon geste, de la main droite. Elle ne parvient pas d’emblée à écrire, mais, en redressant par hasard le crayon, elle trace quelques traits et continue d’emblée. Elle passe ensuite le crayon dans la main gauche, mais en le retournant : elle essaie alors de dessiner avec le mauvais bout. Constatant l’échec, elle ne le retourne pas, mais le remet dans la main droite, et attend. Pour la faire écrire à nouveau, je fais du doigt le geste de tracer des traits : elle imite aussitôt, mais avec son doigt.

À 1 ; 0 (28) elle frotte son bras pour imiter le geste de savonner.

À 1 ; 0 (28) également, je pose un bouchon sur le bord de son berceau et le fais tomber avec un bâton. Je tends celui-ci à J., en remettant le bouchon ; elle s’empare du bâton et frappe aussitôt le bouchon jusqu’à ce qu’il tombe (voir N. I., obs. 159).

Obs. 40. — Voici maintenant quelques exemples de mouvements relatifs aux régions visibles mais peu familières du corps.

À 1 ; 1 (10) J. est en face de moi. Je me frotte la cuisse avec ma main droite. Elle regarde, rit et se frotte la joue, puis la poitrine.

À 1 ; 2 (12), lorsque je me frappe l’abdomen, elle tape la table, puis se tape les genoux (elle est assise). À 1 ; 3 (30), elle se frappe sans hésiter les genoux, lorsque je le fais, puis, lorsque je me frotte le ventre, elle se frappe les genoux puis la cuisse. Ce n’est qu’à 1 ; 4 (15) qu’elle atteint d’emblée son ventre.

À 1 ; 3 (30) également, je soulève mon gilet et enfile mon doigt par-dessous (au niveau de la taille). Elle pose alors son index sur son genou puis cherche aux alentours et finit par l’introduire dans sa chaussette.

À 1 ; 4 (21), elle voit sa mère mettre un bracelet : elle le prend, aussitôt libre, et se le met au bras, après quelques tâtonnements.

Obs. 41. — À propos de cette imitation, par tâtonnement expérimental, des mouvements nouveaux, il conviendrait d’étudier l’analogue en ce qui concerne l’imitation verbale. C’est durant le cinquième stade, en effet, que J., L. et T. se sont mis à reproduire maladroitement les premiers mots adultes. Mais l’analyse de tels faits nous entraînerait trop loin. Bornons-nous donc à un ou deux exemples, d’ailleurs banals, pour indiquer simplement les synchronismes.

Ce n’est que vers 1 ; 3 (15) environ que J. s’est mise à imiter activement les sons significatifs nouveaux pour elle, c’est-à-dire les mots du langage adulte non convergents avec les phonèmes spontanés de l’enfant (comme « papa », « maman », « vouvou », etc.). Or cette imitation se fait naturellement d’abord par tâtonnement dirigé, en attendant que l’enfant parvienne, au cours du sixième stade, à des reproductions différées immédiatement correctes.

À 1 ; 3 (18), par exemple, J. répond « papeu » quand on lui dit « parti », par analogie probable avec « papa ». Elle dit ensuite d’elle-même « papeu » lorsque l’on sort ou lorsqu’un spectacle prend fin, puis corrige peu à peu en « pâli ».

À 1 ; 3 (25) elle dit « bou » pour « bouche » et « mou » pour « mouche », « menou » puis « sat » pour le « minon » et « chat », etc. Les jours suivants « bou » devient « bousse », etc.

À 1 ; 3 (29) elle dit indifféremment « bagba » et « bagam » pour « bague » et pour « boîte » et n’arrive que peu à peu à dissocier les deux sens et les deux modèles phoniques. Ces dissociations s’opèrent au cours des semaines suivantes et en corrélation l’une avec l’autre.

Le même jour « canard » donne « caca » et « lapin », « papin ». À 1 ; 4 (0), par contre, canard donne « cacain » par analogie avec « lapin ».

À 1 ; 4 (2) « oiseau » donne « aïeu », etc.

Ces quelques faits suffisent pour montrer que l’imitation des sons nouveaux comme celle des gestes non connus, procède simultanément par coordination de schèmes usuels et par accommodation progressive et tâtonnante de ces schèmes au modèle.

Obs. 42. — À 1 ; 1 (23), L. me regarde avec attention alors que je balance ma montre en la tenant par l’extrémité de la chaîne. Dès que je pose l’objet, elle imite mon action, mais en saisissant la chaîne près de la montre elle-même. Lorsqu’elle est trop près pour aboutir à un balancement suffisant, elle pose le tout devant elle et reprend la chaîne en ayant soin d’augmenter l’espace.

À 1 ; 2 (7), je me tape le ventre. Elle commence par se frapper les mains (par assimilation au schème connu de « bravo ») puis se tape le bas-ventre. Le lendemain, elle présente les deux mêmes réactions. À 1 ; 2 (18), par contre, elle parvient d’emblée à se frapper le ventre au même endroit que moi.

À 1 ; 3 (1) elle arrive, en tâtonnant à imiter J. qui remue la terre avec une petite pelle.

À 1 ; 3 (19), elle parvient de même à se frotter avec une éponge, soit la poitrine soit les jambes, en réponse aux modèles proposés.

À 1 ; 4 (0), enfin, elle reproduit le geste de crayonner, en corrigeant progressivement la position du crayon, jusqu’à tracer quelques lignes sur le papier.

Voici maintenant quelques exemples d’imitation de gestes nouveaux relatifs aux régions non visibles du corps propre :

Obs. 43. — On a vu (obs. 19-27) comment J., au cours du stade précédent, était parvenue à imiter certains gestes connus relatifs à la bouche, au nez, aux yeux et aux oreilles, parce qu’elle connaissait ces organes tactilement et parvenait ainsi grâce à un système d’indices à faire correspondre ses mouvements connus à ceux du modèle. Durant la même période, j’ai essayé de lui faire imiter quelques modèles nouveaux. Le plus simple est de lui faire mettre la main sur son front, n’importe où ou en certains points précis. Ce geste, en effet, ne paraît pas spontané à l’enfant. Il est vrai qu’il a pu acquérir une connaissance tactile de ses cheveux, mais, il s’agit encore de repérer le front à partir des cheveux, et le front lui-même est évidemment ce qu’il y a de moins intéressant dans le visage, par conséquent de moins connu. Or, jusqu’à 0 ; 11 (11) aucun mouvement relatif aux cheveux ni au front n’est imité. Ce jour-là, par contre, lorsque je mets ma main sur mes cheveux devant J., elle lève la sienne et semble chercher dans la bonne direction. Aucun essai en ce qui concerne le front lui-même.

À 0 ; 11 (20), elle me regarde avec intérêt alors que je touche mon front avec l’index. Elle se met alors son index droit dans l’œil gauche, puis le promène sur l’arcade sourcilière, puis se frotte la partie gauche du front avec le dos de la main, mais en paraissant chercher quelque chose de plus. Elle atteint son oreille mais revient dans la direction de l’œil.

À 0 ; 11 (23), lorsque je me touche le front, elle se frotte l’œil droit, sans conviction et en me regardant très attentivement. Une ou deux fois elle monte un peu au-dessus de l’arcade sourcilière, mais pour revenir ensuite à l’œil. Même réaction à 0 ; 11 (24). À 0 ; 11 (26), elle parvient trois fois au-dessus des yeux, sur les côtés du front, mais jamais au centre. Le reste du temps, elle se frotte simplement l’œil.

À 0 ; 11 (28), J. continue, en présence du même modèle, à se frotter simplement l’œil et l’arcade sourcilière. Mais ensuite, alors que je prends une mèche de mes cheveux et l’agite (sur la tempe), elle parvient pour la première fois à faire de même : elle lâche brusquement l’arcade sourcilière qu’elle touchait, cherche au-dessus, atteint ses cheveux et s’en empare. La recherche est nettement intentionnelle.

À 0 ; 11 (30) elle se tire aussitôt les cheveux dès que je le fais sur moi-même. Elle se touche également la tête en réponse à cette suggestion. Mais lorsque je me frotte le front, elle abandonne la partie. Il est à noter que, lorsqu’elle se tire les cheveux, il lui arrive de tourner brusquement la tête pour essayer de les voir ! Un tel geste manifeste clairement la recherche de la correspondance entre les perceptions tactiles et les perceptions visuelles.

À 1 ; 0 (16) enfin, J. découvre son front : alors que je me touche le milieu du front, elle se frotte d’abord l’œil, puis cherche au-dessus et touche ses cheveux ; après quoi elle descend un peu et finit par fixer son doigt sur son front. Les jours suivants elle parvient d’emblée à imiter ce geste et localise même plus ou moins les régions du front en fonction du modèle.

Obs. 44. — Il convient, à propos de cette découverte du front et des cheveux, qui achève l’homologation de la figure avec celle d’autrui, de citer une expérience un peu différente des précédentes, mais également relative à l’imitation : celle du miroir.

Dès 1 ; 0 (10) j’ai placé de temps en temps J. en face d’un grand miroir, dressé à l’extrémité de son berceau (elle-même est assise). Après quelques instants d’étonnement, elle a manifesté un grand plaisir au spectacle de son image : elle a fait « adieu » et a redoublé en voyant son double répéter ce geste, a souri, a tendu les bras, etc. — Ce n’est pas le lieu de discuter ici la question de savoir comment elle conçoit cette image ni ce qu’elle pense de l’image d’autrui lorsqu’elle apparaît dans la glace. Le seul problème qui nous intéresse pour l’instant est celui de l’imitation : or, entre l’image réfléchie et ses propres gestes il existe manifestement un rapport analogue à celui du modèle et du corps propre (étant entendu que l’enfant sait se faire imiter aussi bien qu’il imite lui-même).

Cela dit, à 1 ; 0 (13), J. est en face du miroir. J’approche alors, sans qu’elle me sache présent un objet de sa tête (je suis caché derrière un rideau et ne fais aucun bruit) et elle voit soudain dans le miroir l’image d’un jouet au-dessus de celle de ses cheveux : elle l’examine avec stupéfaction et, soudain, tourne la tête vers l’objet réel pour le regarder. — Cette réaction semble devoir être mise en relation avec le comportement de J. à 0 ; 11 (30), lorsqu’elle tournait la tête pour voir ses propres cheveux (obs. précédente).

À 1 ; 0 (19), je reprends l’expérience en faisant apparaître un singe en baudruche au-dessus de sa tête : cette fois elle ne se retourne pas, mais, tout en regardant l’image dans le miroir, elle lève le bras et cherche l’objet sur ses propres cheveux ; après quoi elle tend davantage le bras et atteint le singe, en fixant toujours du regard le miroir seul. Même réaction avec d’autres objets.

Après quoi je fais apparaître les mêmes jouets tantôt sur la droite, tantôt sur la gauche, mais sans qu’elle les voie ailleurs que dans la glace et en évitant tous frôlements et bruits : elle les cherche aussitôt du bon côté, avec la main d’abord, puis en tournant la tête.

Mêmes réactions à 1 ; 0 (20) et les jours suivants.

Obs. 45. — À 1 ; 1 (15), J. me regarde alors que je lui fais un pied de nez. Elle met ses doigts sur son nez puis l’index seul. Une série de répétitions n’amènent rien de nouveau.

Après quoi, le soir du même jour, je me mets le pouce dans la bouche en dressant les autres doigts : J. met aussitôt son pouce dans sa bouche et remue les doigts jusqu’à les dresser assez correctement. Alors je sors ma main telle quelle de ma bouche pour mettre mon pouce contre mon nez, ce qui reproduit le pied de nez : J. arrive à faire de même. Il a donc suffi de décomposer les opérations du pied de nez pour la conduire à une imitation correcte.

À 1 ; 3 (7) je me remets le pouce dans la bouche, avec les doigts dressés, mais je suce bruyamment mon pouce. J., qui a oublié entre temps ce modèle et la manière de l’imiter, le décompose comme suit. Elle commence par un baiser à vide (pour rendre le son), puis elle met son pouce dans sa bouche avec l’index sur le nez (sans son), puis enfin elle dresse les autres doigts. — Elle perçoit donc le modèle en fonction de divers schèmes d’assimilation (le bruit du baiser, l’acte de sucer son pouce, celui de dresser l’index), puis elle accommode le tout au modèle.

À propos du nez, citons encore le tâtonnement suivant. À 1 ; 3 (30) J. me regarde alors que je me touche la racine du nez avec mon index : elle se touche alors le coin de l’œil (avec son index également), puis, en hésitant (en s’égarant d’abord dans la direction du front), elle arrive au bon endroit. Elle y demeure un instant, puis touche la racine de mon nez à moi et revient à la sienne, satisfaite.

Obs. 46. — Voici maintenant quelques mouvements nouveaux relatifs à la bouche.

À 1 ; 1 (19), J. est en face de moi alors que je touche de mon index l’extrémité de ma langue. Elle essaie aussitôt d’imiter et procède en trois étapes. En premier lieu, elle touche sa lèvre de son index (ce qui constitue un schème connu). En second lieu elle tire la langue sans bouger l’index (idem). Enfin, en troisième lieu, elle reporte son index dans la direction de la bouche, cherche manifestement sa langue et finit par en toucher l’extrémité.

Le même jour, je mets ma langue contre la commissure gauche de la bouche : J. tire la langue directement, puis la déplace et finit par la repousser juste contre la commissure droite (ce qui est naturel, puisque je suis en face d’elle).

À 1 ; 1 (23), elle essaie de m’imiter alors que je me touche le menton : elle commence par chercher dans la direction de l’oreille et rencontre celle-ci, puis elle se prend le nez ; après quoi elle se touche les yeux et, tout en me regardant, redescend vers la bouche. Elle s’empoigne alors les lèvres et en reste là. — À 1 ; 2 (3), par contre, elle part de la bouche et finit par atteindre le menton, en descendant prudemment.

Obs. 47. — On constate que, dans chacun des exemples précédents, l’enfant procède par expérimentation active en appuyant sa recherche sur ce qu’il sait déjà. Il est à noter, à cet égard, que durant tout ce stade, il continue à s’occuper des parties du visage qu’il connaît (les yeux, l’oreille, le nez, la bouche, etc.) et organise à cet égard de véritables « réactions circulaires tertiaires » destinées à le renseigner toujours davantage sur les relations du tactile et du visuel.

C’est ainsi que, à 1 ; 1 (15) J. touche mes yeux et les palpe délicatement de l’index. Elle essaie de les fermer et les rouvrir, puis, brusquement et sans hésiter, passe aux siens comme pour comparer.

À 1 ; 1 (19), elle explore mon oreille gauche, soigneusement : touche le pavillon, le fait vibrer, enfonce son doigt dans le trou, etc. Puis, comme pour les yeux, elle passe d’emblée à son oreille (droite) et la palpe.

À 1 ; 1 (21) elle heurte par hasard mon nez de la main droite, alors que je la porte. Elle touche aussitôt le sien.

À 1 ; 2 (3) et à 1 ; 3 (30) elle fait de même avec ma bouche et mes dents, etc.

Obs. 48. — Voici encore quelques essais d’imitation de mouvements nouveaux, plus complexes que les précédents.

À 1 ; 1 (23) J. est assise en face de moi. Je gonfle mes joues, puis les presse chacune d’un index et laisse échapper l’air de ma bouche. J. met alors la paume de sa main droite sur sa bouche et produit un son qui ressemble à un baiser. Après quoi elle se touche les joues, mais n’arrive pas à reproduire l’ensemble.

À 1 ; 2 (30) je tape mes deux genoux avec mes mains puis place mes paumes l’une contre l’autre (comme dans le geste de « bravo » mais sans bruit) : elle se touche les genoux puis applique ses paumes contre ses yeux (geste de « coucou »). Après quoi, elle pose à nouveau ses mains sur ses genoux.

À 1 ; 4 (0). Je touche mes joues l’une après l’autre avec mon index : elle commence par se tapoter les deux extrémités de la bouche, puis applique son index contre la joue droite ; après quoi seulement elle arrive à se toucher les joues alternativement.

Le même jour, je décris avec mon index un cercle autour de ma figure. J. très intéressée par ce spectacle commence alors par se toucher l’aile droite du nez, puis elle décrit une vague courbe dans le vide, après quoi elle se touche la bouche. Elle m’observe un instant, cesse tout mouvement, puis esquisse de nouveau une courbe pour se toucher la bouche. — Je continue ma suggestion, en suivant toujours la même trajectoire (le front, l’oreille droite, le menton, l’oreille gauche et le front, sans rien toucher mais en serrant de près l’ovale du visage) : J. décrit cette fois une courbe semi-circulaire autour de son nez, puis, l’index dans le vide, elle esquisse un vague ovale, très allongé.

Obs. 49. — L., à 1 ; 0 (5) frappe sa tête avec une boîte. Je fais de même et elle m’imite en retour. Or, cette acquisition, appartenant encore au stade précédent, a donné lieu les jours suivants à des tâtonnements dirigés caractéristiques de la cinquième période. À 1 ; 0 (11), p. ex., elle essaie de copier le geste suivant : mettre un carton à plat sur la tête. Elle me regarde d’abord sans réagir, puis, lorsque je mets ma main vide sur mes cheveux, elle prend le carton et le dirige vers son front. Le même jour, je me frappe sans plus la tête avec la paume de la main gauche : elle lève alors sa main droite et se touche l’oreille.

À 1 ; 0 (12) elle joue avec une chaîne. Je me frappe alors la tête avec la main (sans avoir touché la chaîne) : elle se met alors la chaîne sur les cheveux.

À 1 ; 1 (18), par contre, je me tape la tête avec sa poupée : elle se tape la figure avec le même objet, dès que je le lui remets (le nez et les yeux).

À 1 ; 1 (23) je me tire les cheveux et elle rit aux éclats. Elle cherche alors l’équivalent dans sa figure (sur le nez et près des yeux : cf. le fait précédent). Puis elle recule progressivement dans la direction de l’oreille et se tire l’oreille (il est à remarquer, ainsi qu’on l’a noté dans l’obs. 28, que Lucienne, durant le quatrième stade, n’a découvert ni ses yeux ni ses oreilles ni son nez, faute de réactions circulaires spontanées relatives à ces organes et par conséquent faute d’indices appropriés). La fois suivante, dès que je me reprends mes cheveux, elle va droit à l’oreille, mais la lâche pour reculer encore et découvrir une mèche de cheveux qu’elle tire avec conviction.

Quant au front, L. ne l’a repéré qu’après avoir découvert son nez et ses yeux (voir l’obs. suivante).

Obs. 50. — À 1 ; 1 (25), L. me regarde avec attention alors que je me touche le nez avec l’index (ce geste, jamais exécuté spontanément par elle, n’a donné lieu jusqu’ici à aucun essai de ma part). Elle dresse aussitôt son index et cherche dans la direction de la bouche (qu’elle connaît). Elle se touche les lèvres, puis se dirige au-dessus de la bouche. Elle explore d’abord la région située à côté du nez puis atteint celui-ci et le saisit immédiatement.

Je me touche ensuite les oreilles : elle cherche à côté du nez et fixe son index sur sa pommette droite.

Je pose ensuite l’index sur mon front : L. cherche autour de sa bouche ! Quant au mouvement d’ouvrir et fermer les yeux, elle ouvre et ferme encore la bouche comme au cours du stade précédent, mais, lorsque je me touche les yeux, elle ne réagit pas.

Je me frotte sous le nez avec le dos de la main : imitation immédiate.

À 1 ; 2 (6) L. cherche spontanément ma langue, en ouvrant ma bouche avec ses doigts (elle était fermée) : elle touche ma langue puis touche aussitôt la sienne. La comparaison est nette, longue et attentive. L. recommence le lendemain. J’essaie alors d’ouvrir et de fermer les yeux : elle reproduit la chose immédiatement, en gardant ses yeux mi-clos et en plissant le nez, comme si elle venait de comprendre la différence entre les yeux et la bouche, à la suite de l’imitation précédente.

À 1 ; 2 (10) elle imite de nouveau le geste de fermer les yeux mais ne sait toucher ni ses oreilles, ni son front.

À 1 ; 3 (3), par contre, elle arrive presque sans difficulté à atteindre son oreille : elle part de l’œil et cherche en arrière. Quant au front, elle cherche sur la tempe, un peu en retrait de l’œil, puis parvient à s’élever et à montrer le côté du front.

Obs. 50 bis. — T., à 0 ; 11 (29), cherche à imiter le mouvement que je fais en mettant mon index sur le nez (voir obs. 31) : il le met dans sa bouche. Lorsque je mets la main sur la tête, il essaie d’imiter en mettant la sienne à la hauteur des yeux.

À 1 ; 1 (8), lorsque je touche mon nez, il dirige sa main vers son oreille (schème habituel).

À 1 ; 3 (4) il se met l’index dans une narine, puis après l’avoir enlevé, essaie de retrouver cette position, mais sans succès : il met son doigt dans l’œil droit, puis à mi-hauteur du nez, à la racine du nez puis dans la bouche.

À 1 ; 4 (0), par contre, il imite les gestes de mettre la main contre le nez et sur la tête.

Le principal intérêt de ces réactions est leur parallélisme avec les conduites intelligentes qui leur sont contemporaines. Au lieu de coordonner simplement un schème servant de moyen au schème assignant un but à l’action et d’accommoder tous deux à la situation nouvelle, l’intelligence du cinquième stade est capable de coordonner un plus grand nombre de schèmes et de les différencier en cours de route les uns par rapport aux autres pour les accommoder à l’objectif : ce tâtonnement dirigé conduit alors à la découverte de moyens nouveaux, tels que les schèmes du « support » (tirer un objet pour amener à soi l’objectif posé sur lui), de la « ficelle », du « bâton », etc. (voir N. I., chap. V).

Or, comparés à ceux du stade précédent, les faits d’imitation propres à ce cinquième stade présentent des différences tout à fait analogues. Le tâtonnement expérimental utilisé par l’enfant est beaucoup plus souple, et mieux dirigé par une série de schèmes auxiliaires conférant une signification aux divers événements qui surgissent au cours de la recherche (voir N. I., chap. V, § 4). Sans doute, l’imitation des sons et des mouvements nouveaux visibles (obs. 39-42) ne diffère-t-elle qu’en degré de celle du stade IV. Par contre, la reproduction des mouvements inconnus relatifs aux régions non visibles du corps propre suppose des tâtonnements systématiques et un ensemble de schèmes significatifs auxiliaires qui rendent cette conduite réellement comparable aux « découvertes de moyens nouveaux ». P. ex. lorsque J. (obs. 43) arrive à repérer tactilement son front en se fondant sur la perception visuelle du mien, non seulement elle résout un problème nouveau pour elle, mais encore elle utilise des moyens nouveaux : elle part de son œil, qu’elle connaît, puis tâtonne en touchant successivement son oreille et ses cheveux et en comprenant qu’elle n’est point encore parvenue au but, puis enfin se considère comme satisfaite lorsqu’elle aboutit à se palper le front. Comment se dirige-t-elle donc et surtout comment choisit-elle entre les erreurs et les essais heureux ? En ce qui concerne le front, c’est p. ex. l’expérience de ses joues (obs. 27) qui lui fournit l’analogie d’une surface lisse au toucher ; pour ce qui est des cheveux, c’est la connaissance de tout ce qui est soyeux ou laineux, et la preuve qu’une telle correspondance est entre le tactile et le visuel bien recherchée, et même qu’elle tend à être contrôlée par l’enfant, est ce geste si caractéristique, à 0 ; 11 (30), de tourner brusquement la tête pour parvenir à voir ses cheveux (obs. 43) !

Bref, au lieu de se borner, dans le cas des mouvements invisibles du corps propre, à essayer de divers schèmes connus, comme au stade IV, l’enfant de ce niveau les différencie et tâtonne expérimentalement. C’est ce que faisait déjà celui du stade IV pour ce qui est des mouvements visibles, mais le sujet procède maintenant avec une persévérance et une sûreté beaucoup plus grandes. L’imitation est ainsi devenue une sorte d’accommodation systématique tendant à modifier les schèmes en fonction de l’objet, par opposition aux accommodations inhérentes à l’acte d’intelligence, qui appliquent également ces schèmes à l’objet mais en incorporant celui-ci à un système d’utilisations variées.