Journal n°72

«Les archéologues mettent de l’ordre où règne le désordre»

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Conférences, portes ouvertes, exposition et concert de musique antique attendent le public dès le mois de mars pour célébrer les 125 ans de l’archéologie classique à l’Université. Avant-goût

L’archéologie classique à l’Université de Genève fête cette année ses 125 ans. C’est en 1888, en effet, que la chaire d’archéologie a été créée, sous l’impulsion notamment de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève. La discipline, confinée jusque-là à l’étude très théorique des œuvres d’art de l’Antiquité, était alors en plein essor. Des archéologues se découvraient une vocation d’explorateurs et commençaient à parcourir le bassin méditerranéen où se mettaient en place les premières grandes fouilles sur les sites de Troie, Delphes ou Olympie. L’Université de Genève a été parmi les premières académies à traduire ce renouveau par la création formelle d’une chaire.

Larges compétences
Toute une série d’événements publics (lire article) viendront marquer cet anniversaire. «Nous voulons saisir l’occasion de ces 125 ans pour illustrer l’actualité de l’archéologie, ainsi que l’envergure et la pluralité des travaux réalisés par nos chercheurs», explique le professeur Lorenz Baumer, actuel titulaire de la chaire à la Faculté des lettres. Le public pourra découvrir les multiples facettes des métiers de l’archéologie: le terrain, la prospection, les sondages, l’analyse stratigraphique, puis la fouille en plan, le nettoyage et la description des objets, l’analyse typologique et la datation. Pour finalement aborder le plat de résistance, la formulation d’hypothèses sur le contexte historique dans lequel ces objets ont été produits.
«Les archéologues savent mettre de l’ordre où règne le désordre, résume Lorenz Baumer. Cette très large palette de compétences explique d’ailleurs qu’on retrouve nos anciens étudiants dans pratiquement tous les secteurs de la vie professionnelle, la banque, l’administration, comme l’industrie, si ce n’est dans l’archéologie propre.»

Conditions de travail exceptionnelles
Ce programme de manifestations permettra également de souligner les conditions exceptionnelles dans lesquelles travaillent les archéologues à Genève. La recherche en archéologie classique se nourrit en effet de multiples apports d’autres disciplines: les plus proches comme la préhistoire, l’égyptologie ou l’histoire ancienne, mais aussi l’histoire de l’art ou le droit. Elle bénéficie également de nombreuses collaborations avec le Musée d’art et d’histoire, le Service cantonal d’archéologie ainsi qu’avec les associations genevoises dédiées à la culture classique.
Dernière en date de ces collaborations, celle établie avec le Centre de droit de l’art et la chaire Unesco en droit international des biens culturels, récemment inaugurée à l’UNIGE. «Nous sommes toujours confrontés à des questions légales sur le statut des objets, explique Lorenz Baumer. Inversement, les juristes ont besoin de l’expertise des archéologues, lors de litiges à propos de biens culturels, par exemple.»

Profils variés
Le profil et la succession des savants qui ont occupé la chaire d’archéologie au cours de ces 125 dernières années illustrent à eux seuls cette multitude d’ancrages.
Son premier titulaire, Francis De Crue, est un historien formé en Allemagne et en France. Edouard Naville, qui lui succède en 1895, est égyptologue. Waldemar Deonna occupe le poste de 1925 à 1955, tout en étant directeur du Musée d’art et d’histoire, alors que Paul Collart, de 1955 à 1961, rompu à l’archéologie de terrain, enseigne en même temps à l’Université de Lausanne, tout en assurant une mission en Syrie et au Liban qui lui est confiée par l’Unesco. Clemens Krause (1994-1997) et Jean-Paul Descœudres (1997-2009), prédécesseurs de Lorenz Baumer, poursuivent cette tradition de la recherche sur le terrain, en intégrant l’histoire de l’architecture et de l’art antique, tandis qu’Henri Metzger (1961-1968) et José Dörig (1968-1994) étaient davantage des historiens de l’art antique.


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