Journal n°92

De la ville «fossile» à la ville «durable»

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Pour Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chargé de l’Energie, la transition énergétique du canton est entrée dans sa phase de concrétisation

Mardi 19 août dernier, le sous-sol genevois a fait l’objet d’une première série de sondages dans le cadre du programme Géothermie 2020, lancé conjointement par l’Etat et les Services industriels de Genève. But de l’opération: établir une cartographie du sous-sol afin de préciser les zones ayant un potentiel en matière d’énergie géothermique. L’enjeu est de taille dans le cadre de la transition voulue par le Conseil fédéral, puisque cette source d’énergie pourrait couvrir les deux tiers des besoins genevois en chaleur. Une manne d’autant plus précieuse que l’habitat représente la moitié de la consommation énergétique finale du canton.

Pour le conseiller d’Etat chargé de l’Energie, Antonio Hodgers, ce premier pas marque l’entrée de plain-pied dans la phase de concrétisation des objectifs fixés par le gouvernement genevois: répondre aux critères de la société à 2000 watts à l’horizon 2050, sans énergie nucléaire. Passer, en d’autres termes, de la «ville fossile», caractérisée par une forte consommation d’énergie bon marché, à la «ville durable».

Aujourd’hui, la consommation moyenne de chaque habitant en continu se situe aux alentours de 6500 watts. Afin de diviser ce chiffre par trois, les autorités genevoises ont posé des jalons à 2020 (-15%) et 2035 (-35%) par rapport au niveau de l’an 2000. «En 2018, au terme de la présente législature, autant dire demain, nous tablons sur une diminution de 13%», précise le ministre écologiste.

Pour parvenir à ses fins, le Conseil d’Etat pourra bientôt s’appuyer sur une base légale, notamment dans le secteur de la construction. «C’est un changement de paradigme, explique Antonio Hodgers. Jusqu’ici, nous agissions essentiellement par incitations, par le biais de subventions accordées aux constructions ­comprenant de l’isolation, par exemple. A partir du 31 janvier 2016, le simple vitrage sera interdit. La politique énergétique est désormais suffisamment mûre pour que l’Etat entre dans une phase plus coercitive.»

Vers l’autarcie énergétique

Dans ce secteur de la construction, Genève fait d’ailleurs figure de bon élève. La quasi-totalité des bâtiments neufs répondent aux derniers critères en matière de consommation et, d’ici à quelques années, ces immeubles fonctionneront pratiquement en autarcie énergétique, avec un petit appoint en hiver, prévoit Antonio Hodgers. En réunissant dans un même département l’aménagement, le logement et l’énergie, le gouvernement genevois s’est également donné les moyens d’une politique cohérente: un concept énergétique territorial accompagne désormais chaque procédure d’aménagement du territoire.

Manque d’incitatifs

S’il est par conséquent assez confiant pour le neuf, le conseiller d’Etat voit dans la rénovation des bâtiments le véritable enjeu des prochaines années sachant que plus de 60% des bâtiments de logements ont été construits avant 1980. «Il est très cher de rénover et nous ne disposons pas de bases légales suffisantes pour inciter l’ensemble des propriétaires à le faire, regrette Antonio Hodgers. Une révision des mécanismes incitatifs s’impose donc et ce sera l’un des grands chantiers de ma législature.»

En matière de mobilité, Genève accuse en revanche un retard certain en comparaison avec les autres grandes villes du pays. L’Etat dispose, il est vrai, d’une marge de manœuvre nettement plus restreinte dans ce domaine où prévaut la liberté individuelle. La ville du bout du lac a beau avoir mis en place, depuis un certain temps déjà, une politique en faveur de la mobilité douce, les Genevois fréquentent pourtant moins les transports publics que les habitants des autres grandes villes du pays. S’il paraît douteux d’invoquer ici un particularisme genevois, c’est donc qu’il doit y avoir des lacunes dans l’aménagement actuel. «Nous manquons d’un réseau RER performant, estime Antonio Hodgers. Le CEVA est un premier pas. Mais nous devons développer d’autres raccords avec la périphérie.»

Pour ce qui est de la production d’énergie, Genève mise sur la diversification des sources, avec un accent sur la géothermie. Pour le conseiller d’Etat, «il s’agit aussi de viser une certaine indépendance énergétique. Mais le prix de l’énergie, qui est actuellement trop bas sur le marché européen, ne nous facilite pas la tâche.»

Le rôle de la recherche

Pour réussir sa transition énergétique, Genève compte aussi sur la recherche universitaire. «Nous attendons beaucoup du milieu académique, souligne Antonio Hodgers. Nous avons besoin de données objectives sur les besoins, surtout là où elles font cruellement défaut, comme en ce qui concerne la consommation en énergie grise. Nos choix de consommation sont dictés en grande partie par l’affect, ce qui rend la quantification difficile. C’est pourquoi il me paraît d’ailleurs important que la recherche ne se focalise pas exclusivement sur l’innovation technologique mais qu’elle accorde également une large place à l’aspect sociétal et ­comportemental


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